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Décisions

CA Versailles, 9e ch., 14 mars 1991, n° 127

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Procureur général près la Cour d'appel de Versailles

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Belleau

Conseillers :

MM. Ducomte, Marill

Avocat :

Me Marlet.

TGI Versailles, 6e ch. corr., du 23 mars…

23 mars 1990

LA COUR,

Après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur l'appel du Ministère Public ;

Considérant que sur citation directe du Ministère Public, B Hassan, pris en sa qualité de Directeur Commercial du magasin X à Montesson est poursuivi sous la prévention d'avoir :

1°) revendu, en l'état, des produits à un prix inférieur à celui de leur achat effectif,

2°) omis de réclamer à ses fournisseurs Procter et Gamble, Colgate Palmolive des factures complètes sur lesquelles doivent figurer le nom des parties, leur adresse, la date de la vente, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors TVA, ainsi que tout rabais, remise ou ristourne dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente, quelle que soit la date du règlement,

faits prévus et punis par les articles 1er-1 de la loi n° 63-628 du 2 juillet 1963 et 55 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Considérant que le Ministère Public demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé le prévenu du chef de revente à perte de barils d'Ariel et de packs de Coca-Cola ;

Considérant que B n'est pas présent ; qu'il a émargé l'avis de réception de la lettre recommandée que lui a adressée l'huissier qui l'a cité ; qu'il sera statué contradictoirement à son égard en vertu de l'article 410 du Code de Procédure Pénale ;

Considérant que la société Y à l'enseigne X demande sa mise hors de cause ;

Considérant que l'appel, régulièrement interjeté dans le délai légal, est recevable en la forme ;

Considérant, au fond, que la prévention est fondée sur deux procès-verbaux établis par les agents de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en date du 19 décembre 1988 ; qu'ils sont relatifs aux ventes des produits Ariel, Soupline, Axion, Coca-Cola ;

Considérant qu'il résulte des constatations des agents verbalisateurs que le 21 juin 1988 les établissements X auraient vendu les produits Axion, Soupline, Ariel et Coca-Cola avec, pour chacun de ces produits, une perte de 17,74 %, 31,37 %, 18,81 %, 16,52 % ; qu'à la date du 8 novembre 1988 les pertes constatées sur certaines ventes d'Ariel, Soupline, Axion, auraient été de 3,32 %, 0,3 %, 0,29 % ;

Considérant que le prévenu a opposé aux poursuites la dérogation prévue par la loi du 2 juillet 1963 en cas d'alignement du prix de revente sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité ;

Considérant que le Ministère public soutient que pour se prévaloir de cette dérogation, B aurait dû aviser au préalable l'Administration de la date et du lieu des éléments de comparaison, afin de permettre à celle-ci de vérifier si les prix de vente aux consommateurs invoqués avait eux-mêmes été fixés à un taux conforme à la réglementation;

Mais considérant que les textes pénaux sont d'interprétation stricte; que la charge de la preuve de l'intention frauduleuse d'un prévenu incombe au Ministère Public; qu'on ne saurait ajouter une exigence nouvelle à celles qui sont prévues par la loi; qu'au surplus, le premier procès-verbal a été dressé avec un retard de 6 mois par rapport à la date d'intervention des agents de la Direction de la concurrence, rendant ainsi tout contrôle impossible en pratique ; qu'en conséquence, les relaxes partielles prononcées par les Premiers Juges seront maintenues ;

Considérant que pour retenir B dans les liens de la prévention au regard de la vente de bidons de Soupline ou d'Axion, les Premiers Juges ont estimé que les relevés comparatifs pratiqués par X dans des établissements concurrents voisins (magasin Carrefour à Montesson - magasin Leclerc à Houilles) étaient trop anciens ;

Considérant que les ventes invoquées avaient eu lieu trois semaines auparavant;

Considérant que la Cour estime que ce délai relativement bref est parfaitement compatible avec les usages commerciaux; qu'en conséquence, B sera renvoyé de tous les chefs de la poursuite pour vente à perte;

Considérant qu'il n'est pas soutenu que les factures d'achat produites par X ne comportaient pas les mentions d'usage relatives au nom des parties, à leur adresse, à la date de la vente, à la dénomination précise des produits vendus, bien que toutes ces irrégularités aient été mentionnées dans une prévention à caractère exagérément extensif ;

Considérant qu'il est seulement fait grief à B d'avoir omis d'exiger de ses fournisseurs de mentionner sur les factures les remises ou rabais convenus ;

Mais considérant que si le principe de ces remises était acquis lors de la vente, leur montant n'était pas pour autant chiffrable ; qu'en effet, l'hypermarché X ne le fixe qu'annuellement par référence au volume des fournitures achetées ;

Considérant qu'il convient en conséquence de renvoyer B des fins entières de la poursuite et de mettre hors de cause la société Y à l'enseigne X ;

Par ces motifs : Statuant publiquement : par arrêt contradictoire à signifier en application des dispositions de l'article 410 du Code de Procédure Pénale à l'égard de B Hassan, par arrêt contradictoire vis-à-vis de la société Y à l'enseigne X ; Dit l'appel recevable mais non fondé ; Relaxe B Hassan ; Met hors de cause la société Y à l'enseigne X ; Laisse au Trésor la charge des dépens.