CA Paris, 9e ch. A, 4 février 1992, n° 90-5386
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Castres
Conseillers :
MM. Collomb-Clerc, Launay
Avocat :
Me Volnay.
Rappel de la procédure :
A) Le jugement :
Le 15 juin 1990 la 31e Chambre du Tribunal de grande instance de Paris a déclaré Jean-Claude X coupable de non-paiement par commerçant dans le délai légal après livraison, d'aliment périssable ou d'alcool (faits commis à Paris de septembre à décembre 1987) et par application des articles 35 et 55 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, l'a condamné à vingt mille (20 000) Francs d'amende, a déclaré la société Y solidairement responsable et a condamné en outre X aux dépens envers l'Etat, liquidés à la somme de 409,33 F.
B) Les appels :
Appel a été interjeté par :
- Me Posak, avocat, au nom de Jean-Claude X et de la SA Y, le 21 juin 1990,
- M. le Procureur de la République de Paris, le même jour.
Décision :
En la forme :
La Cour, se référant aux énonciations qui précèdent et aux pièces de la procédure, constate la régularité des appels interjetés, à l'encontre du jugement susvisé, par le prévenu, le Ministère public, ainsi que par la SA Y recherchée comme solidairement responsable, et les déclarera, dès lors, recevables en la forme.
Au fond :
Considérant que la société Y sise <adresse> à Paris (15e), a pour objet de fournir en produits alimentaires les magasins de distribution à l'enseigne Codec ainsi que les restaurants du groupe Accor ;
Qu'elle s'adresse, elle-même, pour son propre approvisionnement à de nombreux fournisseurs ;
Qu'ensuite d'un contrôle opéré, à compter du 22 janvier 1988, par les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes, et portant sur les conditions de règlement par la SA Y de ses achats de produits alimentaires périssables effectués auprès de neuf fournisseurs, X Jean-Claude, pris en sa qualité de Directeur Général de ladite société, a été cité devant le tribunal correctionnel pour avoir, de septembre à décembre 1987, étant commerçant, payé ses achats de produits alimentaires périssables dans un délai supérieur à trente jours après la fin du mois de livraison desdits produits et ainsi enfreint les dispositions de l'article 35 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Considérant que X, pour solliciter sa relaxe, soutient, tout d'abord, que les dispositions de l'article 35 susvisé de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relatives aux conditions de règlement des achats de " produits alimentaires périssables ", sans toutefois qu'il soit donné par ce texte une quelconque définition des produits ressortissant à cette catégorie, sont obscures et imprécises ;
Que dans ces conditions, et toujours selon le prévenu, la poursuite exercée à son encontre, sur la base d'un tel texte, contreviendrait au principe de la légalité des infractions et des peines ;
Qu'il reproche aux premiers juges d'avoir néanmoins écarté ce moyen de droit et d'être entrés en voie de condamnation à son égard, en se référant, pour la définition des produits alimentaires périssables, à la circulaire ministérielle du 10 janvier 1978 relative aux relations commerciales entre entreprises, alors qu'une telle circulaire, tenue à tort par le tribunal, comme ayant un caractère réglementaire, ne pouvait déterminer, au moyen d'un tableau publié en annexe et portant énumération de produits, l'élément légal de l'infraction et suppléer, ainsi, à la carence, sur le plan normatif, du texte légal servant de fondement à la poursuite.
Mais considérant que la catégorie des produits alimentaires périssables telle que retenue, par l'article 35 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, pour imposer, sous peine de sanction pénale, à tout dirigeant d'entreprise commerciale de régler ses achats desdits produits dans un délai n'excédant pas trente jours après la fin du mois de livraison, englobe nécessairement, et selon l'acception commune du terme " périssable ", toutes les denrées alimentaires qui, en raison de leur teneur et composition, présentent la caractéristique d'être soumises, sauf en ce qui concerne celles faisant l'objet d'un mode de conservation particulier (produits lyophilisés, congelés ou surgelés ou encore les conserves et semi-conserves), à une dégradation rapide ;
Considérant que, dès lors, et contrairement à ce qui est soutenu par le prévenu, la notion de produits alimentaires périssables est en soi suffisamment précise pour permettre de distinguer, tant au niveau de la fabrication que de la distribution, les produits alimentaires qui appartiennent à cette catégorie et relèvent, en conséquence, pour ce qui est du règlement de leur prix d'achat, des dispositions prévues par l'article 35 de l'ordonnance susvisée du 1er décembre 1986;
Que, dans ces conditions, et abstraction étant donc faite de la circulaire ministérielle précitée du 10 janvier 1978 que les premiers juges ont estimé à tort être de caractère réglementaire alors que celle-ci, ainsi qu'il résulte de son préambule, n'a eu d'autre objet que de " rappeler et de commenter " à l'intention des professionnels les conditions de règlement des produits périssables fixées par l'article 41 de la loi du 27 décembre 1973, et depuis lors reprises par l'article 35 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la Cour rejettera l'exception d'illégalité de la poursuite soulevée par X.
Considérant que, sur les faits à lui reprochés, X Jean-Claude ne conteste pas avoir acheté pour le compte de la SA Y et auprès de neuf fournisseurs, les diverses denrées se trouvant énumérées et décrites au procès verbal d'enquête administrative joint au dossier de la procédure, et dont la Cour constate qu'elles appartenaient toutes, en raison de leur teneur et composition, à la catégorie des produits alimentaires périssables au sens de l'article 35 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, puisque s'agissant, en l'occurrence, des produits suivants : oeufs, beurre, fromage, découpes de viandes, jambon, pain de mie et charcuterie;
Que le prévenu ne dénie pas, non plus, que les règlements de ces achats de produits sont intervenus, pour la quasi-totalité d'entre eux, dans un délai dépassant celui de trente jours après la fin du mois de livraison fixé par l'article 35 de l'ordonnance susvisée du 1er décembre 1986.
Considérant que, dès lors, et au regard des prescriptions d'ordre public contenues audit article, le prévenu est mal fondé à invoquer les difficultés qu'il aurait eues à distinguer sur les factures à lui adressées par ses fournisseurs et qui se rapportaient à divers produits, ceux appartenant à la catégorie des produits périssables ;
Que, pour la même raison, la Cour ne peut qu'écarter l'argumentation développée également par X au soutien de sa demande de relaxe et selon laquelle il n'avait fait que se conformer à des accords de règlement pris avec les fournisseurs de la SA Y et n'aurait pas eu, ainsi conscience de commettre une infraction ;
Que la carence dont a fait preuve, en l'occurrence, l'intéressé pour régler, dans les délais prescrits par l'article 35 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les achats des produits alimentaires en cause, suffit, en effet, à caractériser l'élément intentionnel de l'infraction à lui reprochée.
Considérant qu'il convient, en conséquence, et à l'issue des débats, de confirmer sur la déclaration de culpabilité du prévenu le jugement dont appel ;
Que la Cour, compte tenu des circonstances de l'espèce, maintiendra également l'amende infligée en répression par les premiers juges à X Jean-Claude ;
Qu'enfin, et en application des dispositions de l'article 54 de l'ordonnance précitée du 1er décembre 1986, la SA Y sera déclarée solidairement responsable du prévenu.
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en second ressort. Reçoit en la forme, les appels du prévenu, du Ministère public et de la société Y. Au fond, rejette l'exception d'irrecevabilité de la poursuite soulevée par le prévenu. Confirme sur la déclaration de culpabilité de X Jean-Claude et sur la peine à lui infligée le jugement dont appel. Déclare la SA Y solidairement responsable du prévenu. Dit inopérants, mal fondés ou extérieurs à la cause tous autres moyens, fins ou conclusions et les rejette comme contraires à la motivation qui précède. Condamne X Jean-Claude aux dépens envers l'Etat, de première instance et d'appel, liquidés à 1 245,61 F; Dit qu'il pourra être recouru, s'il y a lieu, à l'exercice de la contrainte par corps pour le recouvrement de l'amende et des frais de justice, dans les conditions fixées aux articles 479 et suivants du code de procédure pénale ; Le tout par application des articles 35, 54 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, 473, 749 et suivants du code de procédure pénale.