CA Limoges, ch. corr., 16 octobre 1996, n° 96-00111
LIMOGES
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mercier
Conseillers :
Mme Renon, M. Vernudachi
Avocats :
Mes Coulaud, Gabarra.
Décision dont appel :
Le tribunal a déclaré X Jean-Jacques coupable des faits qui lui sont reprochés, l'a condamné à une amende de 10 000 F ainsi qu'au paiement d'un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F.
Appels :
Appel de cette décision a été interjeté par :
M. X Jean-Jacques, le 8 décembre 1995,
M. le Procureur de la République, le 8 décembre 1995 ;
LA COUR,
Le 14 octobre 1992, des fonctionnaires de la Brigade d'Intervention Interrégionale de Lyon appartenant à la Direction Nationale des Enquêtes Fiscales (Direction Générale des Impôts) se sont présentés au siège de la SARL Y sise à Royères de Vassivière (23), dont M. Jean-Jacques X est le gérant, pour y effectuer un contrôle des règles de facturation.
Il ressort de cette enquête que la société X achetait directement, ou en ayant recours aux services d'agents commerciaux payés à la commission, des champignons sauvages récoltés sur place par des particuliers.
Des tickets de pesée étaient remis à ces récoltants, payés en espèces. En revanche, aucune facturation n'était établie ou sollicitée pour ces transactions, dont le total était seulement récapitulé globalement, tous les jours, dans la comptabilité de l'Entreprise.
Le procès-verbal de l'Administration établi le 17 septembre 1993 relève à titre d'exemples, de très importantes quantités de champignons dans les récapitulatifs d'achats qui ne pourraient, selon elle, " provenir, à défaut de preuve contraire, que de personnes (particuliers) qui exercent leur activité de ramassage et revente à un professionnel pour les besoins de son activité, et dont les ventes revêtent un caractère significatif par leur quantité ou leur répétition ".
Quant aux agents commerciaux, leurs commissions ont fait l'objet de facturations mais par périodes, et celles-ci ne comprennent pas, selon les observations du Chef de service départemental de la Creuse de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes en date du 3 mai 1994, les pourcentages de commissions, ni les sommes sur lesquelles ils sont appliqués.
M. Jean-Jacques X conteste l'infraction reprochée consistant à avoir " effectué pour une activité professionnelle des achats de prestations de services (en l'espèce les achats effectués par des agents commerciaux) sans factures conformes ". Il soutient que les textes visés (ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986) ne s'appliquent pas au cas d'espèce, s'agissant de particuliers qui vendent les champignons et l'Administration ne démontrant pas que ces particuliers ont exercé une véritable activité professionnelle de cueillette de champignons.
Par jugement du 7 décembre 1995, le Tribunal correctionnel de Gueret a déclaré M. Jean-Jacques X coupable des faits reprochés et l'a condamné à une peine d'amende de 10 000 F.
M. Jean-Jacques X a régulièrement relevé appel de cette décision le 8 décembre 1995, le Ministère public a relevé appel le même jour.
Attendu qu'il sera tout d'abord observé que si la citation vise des faits commis en 1993, il apparaît qu'en réalité, les vérifications de l'Administration ont porté sur la période du 6 juin 1990 au 14 octobre 1992 ;
Attendu qu'en application de l'article 513, alinéa 2 du code de procédure pénale, la Cour n'a pas fait droit à la demande des avocats du prévenu tendant à l'audition de M. Jean-Loup C en qualité de témoin, la Cour n'en ayant pas elle-même ordonné l'audition, le témoignage proposé ne devant, selon les indications fournies, porter ni sur les faits reprochés au prévenu, ni sur la personnalité de celui-ci, et aucun supplément d'information nécessitant l'audition de ce témoin, n'apparaissant nécessaire ;
Attendu qu'il est reproché à M. Jean-Jacques X d'avoir effectué pour une activité professionnelle des achats de produits (champignons) sans factures, et des " achats de prestations de services " (achats effectués par des agents commerciaux) sans factures conformes ;
Qu'il convient d'examiner séparément ces deux chefs de prévention, étant toutefois rappelé, en préalable, que l'article 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 qui sert de base aux poursuites précise, en son alinéa 2, que c'est le vendeur qui est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou de la prestation de service, et que " l'acheteur doit la réclamer ", en sorte que c'est uniquement cette dernière exigence dont le défaut d'exécution peut être imputé, le cas échéant, à M. X;
Attendu qu'en ce qui concerne, en premier lieu, les achats de champignons, M. X soutient qu'ils ont eu lieu auprès de multiples (jusqu'à 800 par jour) ramasseurs non professionnels ; qu'il ressort des documents récapitulatifs des pesées produits par M. X, que ces rapports de champignons ont été fait au moyen d'un très grand nombre de transactions portant à chaque fois sur de faibles quantités de l'ordre de quelques kilogrammes, en sorte que ces éléments tendent à apporter la preuve du caractère non professionnel de ramassage et de la vente des champignons par ces particuliers ;
Que le Ministère public ne rapporte nullement la preuve qui lui incombe, au travers notamment des documents remis par l'Administration du caractère professionnel du tout, ou même partie, du ramassage des champignons vendus à M. X et notamment du fait que certains particuliers, restant à identifier, auraient opéré des ventes de champignons " revêtant un caractère significatif par leur quantité ou leur répétition ", la note interne de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du 3 février 1988 qui pose ces critères n'ayant du reste pas valeur normative en matière pénale;
Qu'ainsi, contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal correctionnel de Gueret dans son jugement du 7 décembre 1995 frappé d'appel, il ne saurait être considéré que tout ou partie des vendeurs de champignons n'étaient pas des vendeurs occasionnels, qu'ils étaient tenus de délivrer des factures, et que partant, M. X aurait méconnu la loi en ne les leur réclamant pas;
Que la décision du Tribunal correctionnel de Gueret sera donc infirmée sur ce point, et M. X relaxé de ce chef ;
Attendu qu'en ce qui concerne, en second lieu, les facturations relatives à la rémunération des prestations de service des agents commerciaux, leur non-conformité (relevée dans un simple avis donné par un agent de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du 3 mai 1994, mais n'ayant pas fait l'objet d'une enquête spécifique) portant sur l'absence de facturation journalière et sur l'absence de précision du pourcentage des commissions et des sommes sur lesquelles ils sont appliqués, est imputable aux rédacteurs de ces factures, c'est à dire aux agents commerciaux (lesquels ne font pas l'objet de poursuites), mais non à M. X ;
Qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la seule obligation de M. X consistait à " réclamer " les factures à ces agents commerciaux; que n'étant pas discuté que ces factures ont bien été délivrées à M. X, qui les a produites de nouveau à la Cour, aucune infraction pénale ne saurait lui être imputée de ce chef, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges dont la décision sera également infirmée sur ce point, M. X étant renvoyé des fins de la poursuite ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit Jean-Jacques X et le Ministère Public en leurs appels ; Infirme le jugement du tribunal correctionnel de Gueret du 7 décembre 1995 ; Renvoie M. Jean-Jacques X des fins de la poursuite.