Cass. crim., 31 octobre 2000, n° 99-86.588
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Roger
Avocat général :
Mme Fromont
Avocat :
Me Foussard.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par B Claude, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 22 septembre 1999, qui, pour imposition d'un caractère minimal au prix de revente d'un produit, l'a condamné à 50 000 francs d'amende. - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article R. 812-11 du Code de l'organisation judiciaire, ensemble les articles 510, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Claude B coupable d'imposition d'un prix de revente minimum et, en répression, l'a condamné à 50 000 francs d'amende ;
" alors que le prononcé de l'arrêt par la Cour ou l'un des magistrats ayant composé la Cour, doit impérativement être fait en présence d'un greffier ; qu'en l'espèce, il n'est pas constaté par l'arrêt que le greffier qui a signé l'arrêt a été présent lors de son prononcé ; qu'ainsi, l'arrêt est irrégulier " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, lors des débats, les magistrats étaient assistés de Mme Caron, greffier ;
Attendu, s'il est vrai que l'arrêt ne mentionne pas expressément que ce fonctionnaire a assisté à chaque audience consacrée à l'affaire, il n'en résulte cependant aucune irrégularité ; qu'en effet, il doit être présumé que le greffier qui a assisté aux débats a également assisté à l'audience à laquelle la décision a été prononcée ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 121-1, 121-3 du Code pénal, de l'article 34 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et dénaturation :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Claude B coupable d'imposition d'un prix de revente minimum et, en répression, l'a condamné à 50 000 francs d'amende ;
" aux motifs que l'article 111-4 du Code pénal dispose que "la loi pénale est d'interprétation stricte", Claude B, pour faire soutenir que l'élément matériel de l'infraction n'existe pas, expose que l'infraction prévue par l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 suppose la réunion des conditions cumulatives suivantes : la détermination d'un prix minimal de revente et l'imposition de ce prix minimal de revente par des moyens directs ou indirects et que, en l'espèce, elle n'a fixé aucun prix minimal de revente déterminé ; qu'effectivement, la société X, notamment aux termes de son courrier du 24 juin 1997, n'a pas fixé précisément le prix minimal qu'elle souhaitait voir pratiquer par sa cocontractante ; que la Cour ne peut suivre le prévenu dans cette argumentation ; qu'en effet, le fait, par un fournisseur, de refuser de livrer un revendeur au motif qu'il estime trop bas les prix qu'il pratique, et ce, en croyant pouvoir se dispenser de lui indiquer le prix minimal à partir duquel il l'autorisait à commercialiser ses produits, conduit exactement aux mêmes conséquences, au plan commercial, que le fait de lui préciser un prix minimal ; que par ailleurs, l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 punit le fait d'imposer, non un prix minimal, mais "un caractère minimal au prix de revente d'un produit" ; qu'au surplus, ledit article 34 punissant toute personne qui impose un caractère minimal au prix de revente lorsqu'elle le fait "directement ou indirectement", la Cour observe que, si la société X n'a pas usé d'une méthode directe, elle en a utilisé une indirecte ; que Claude B fait plaider que son intention frauduleuse n'est pas établie et que l'infraction ne lui est pas imputable ; mais que le fait, par la société X, d'avoir violé, en connaissance de cause, la prescription légale visée à la prévention en imposant un prix minimal de revente, suppose nécessairement l'intention coupable du président de son directoire, étant précisé que Claude B a reconnu ne pas avoir délégué ses pouvoirs en matière économique ; que compte tenu de l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la Cour et des débats à l'audience, il y a lieu, les faits reprochés étant constants, de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité de Claude B ;
" alors que, premièrement, la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'article 34 de l'ordonnance n° 86-1242 du 1er décembre 1986 réprime seulement le fait d'imposer un prix minimum de revente ; que la notion même de prix, implique nécessairement pour que le délit soit constitué, que le fournisseur impose pour la vente de son produit une valeur monétaire déterminée ; qu'au cas d'espèce, en condamnant Claude B alors qu'il est constant que la société X n'a jamais imposé un prix déterminé à la société Bricomarchandises mais qu'elle a simplement refusé de lui livrer ses produits, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;
" alors que, deuxièmement, les juges du fond doivent, sous peine de censure, caractériser en tous leurs éléments constitutifs les infractions dont ils déclarent le prévenu coupable ; qu'à cet égard, ils doivent caractériser l'élément intentionnel de l'infraction ; que s'agissant du délit prévu et réprimé par l'article 34 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, le délit suppose la volonté délibérée du fournisseur d'abuser d'une position de force pour chercher directement ou indirectement à assurer indûment le contrôle du marché et à faire échec au jeu de la libre concurrence ; qu'au cas d'espèce, en statuant comme ils l'ont fait, sans caractériser en quoi Claude B, dirigeant de la société X, avait l'intention en refusant de livrer ses produits à la société Bricomarchandises d'abuser d'une position de force pour faire échec au jeu de la concurrence, les juges du fond ont en tout état de cause privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" alors que, troisièmement, et en tout cas, nul n'est responsable que de son propre fait ; qu'ainsi, en vertu de ce principe, les juges du fond, s'agissant du chef d'entreprise, doivent caractériser un acte positif de ce dernier dans l'accomplissement de l'infraction ; que dans ses conclusions d'appel, Claude B faisait valoir que la stratégie globale comme la négociation des relations commerciales avec les grandes surfaces de bricolage étaient décidées et mises en œuvre par le responsable du secteur, à savoir, en 1997, M. G ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, sans rechercher si Claude B avait commis un quelconque acte positif dans la commission de l'infraction, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" et alors que, quatrièmement, si les juges du fond interprètent souverainement les conclusions déposées par les parties, c'est à la condition qu'ils n'en dénaturent pas le sens clair et précis ; qu'au cas d'espèce, en énonçant que Claude B avait reconnu ne pas avoir délégué ses pouvoirs en matière économique, alors qu'au contraire, aux termes d'énonciations précises et circonstanciées, celui-ci faisait valoir que c'était M. G qui était responsable de la stratégie commerciale s'agissant des relations avec la société Bricomarchandises, les juges du fond ont dénaturé les conclusions claires et précises de Claude B " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par courrier du 24 juin 1997, la société X, spécialisée dans la fabrication, notamment, de laine de roche, a fait connaître à la société Bricomarchandises International qu'il n'était pas tolérable que celle-ci " se permette de galvauder l'image de marque de la société X en vendant certains produits à prix bas et, qu'en conséquence, le fabricant refusera de vendre ces produits dès lors qu'ils seront commercialisés à des prix manifestement contraires à leur image de qualité " ; que, pendant trois mois environ, la société venderesse n'a pas livré la société distributrice ;
Attendu que, pour déclarer Claude B, président du directoire de la société X, coupable d'imposition d'un caractère minimal au prix de revente d'un produit, la cour d'appel se détermine par les motifs repris au moyen et précise, notamment, que le fait, par un fournisseur, de refuser de livrer un revendeur au motif qu'il estime trop bas le prix pratiqué, et ce, en croyant pouvoir se dispenser de lui indiquer le prix minimal à partir duquel il l'autoriserait à commercialiser ses produits, conduit exactement aux mêmes conséquences, au plan commercial, que le fait de lui préciser un prix minimal ;
Attendu qu'en cet état, les juges du second degré ont, sans dénaturer les conclusions du prévenu, justifié leur décision, dès lors que le refus de livrer un produit au motif que le prix de sa revente est insuffisant constitue un moyen indirect, au sens de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, d'imposer un caractère minimal au prix de revente de ce produit ; d'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.