Cass. crim., 27 juin 1996, n° 95-84.098
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Schumacher
Avocat général :
M. Libouban
Avocat :
Me Hennuyer.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Sylvain, contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 22 juin 1995, qui, pour infraction aux règles de la facturation, l'a condamné à une amende de 30 000 francs et a ordonné la publication de la décision; - Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 31, alinéa 1, et 55 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Sylvain X coupable et l'a condamné au paiement d'une amende de 30 000 francs ainsi qu'à la publication de l'arrêt dans le quotidien de médecin;
"aux motifs qu'il était reproché au docteur X, qui avait procédé à titre gracieux à des implantations de prothèses mammaires le 13 mai 1991 et le 20 juillet 1991 sur la personne de Mme Feltrin, d'avoir effectué pour son activité professionnelle des achats ou des ventes desdites prothèses sans factures; qu'il résultait de l'enquête de la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes qu'il n'était pas possible d'établir la façon qui avait permis au docteur X de se procureur les prothèses litigieuses dès lors qu'il n'existait aucun double des factures d'achat s'y rapportant, ni au cabinet du docteur X, ni dans les laboratoires X qui, selon le docteur X, en était le fabricant, mais les enquêteurs avaient constaté que les interventions en chirurgie esthétique effectuées par le docteur X, non prises en charge par la sécurité sociale, ne donnaient pas lieu à délivrance de note d'honoraires; qu'il était constant que le docteur X avait déclaré avoir effectué environ 75 poses de prothèses mammaires en 1990-1991 mais être dans l'impossibilité de présenter les factures d'achat desdites prothèses et les notes d'honoraires s'y rapportant, ces factures étant, selon lui, entre les mains des patientes elles-mêmes qui en faisaient directement l'acquisition; qu'au cas de trois prothèses litigieuses de Mme Feltrin, il n'avait pas été possible d'en établir avec certitude la provenance puisqu'à défaut de présentation de factures originales, aucun double de factures d'achat s'y rapportant n'a pu être retrouvé dans les services des laboratoires X; que, certes, le docteur X soutenait que le produit n'avait jamais été acheté par ses soins et qu'il n'en avait été que le dépositaire dans la mesure où ce produit était vendu par le laboratoire à la cliente, mais qu'il résultait des pièces de la procédure que, pour l'année 1991, sur 34 factures émises par les laboratoires X, 19 factures ont été destinées sans ambiguïté au docteur X lui-même que si certaines d' entre elles comportent effectivement le nom des patientes, le docteur X était toujours mentionné en qualité de client, que le fait que les opérations effectuées sur Mme Feltrin le 13 mai et 20 juillet 1991 aient été effectuées à titre gracieux en raison des défaillances antérieures du docteur X était sans incidence sur le défaut de production des factures d'achat des prothèses mammaires litigieuses qui étaient posées dans le cadre strict de l'activité professionnelle de ce dernier, lequel doit être en mesure de présenter à tout moment les factures d'achat des produits utilisés conformément à la loi;
"alors que, d'une part, il ne ressort d'aucune des constatations de l'arrêt attaqué que les prothèses implantées les 13 mai et 20 juillet 1990, seules retenues par la prévention, aient été achetées par le docteur X, la seule utilisation des prothèses n'entraînant pas pour l'utilisateur l'obligation de présenter les factures des objets utilisés; que, dès lors, la culpabilité, d'ailleurs non précisée au dispositif de l'arrêt, n'est pas légalement établie;
"alors que, d'autre part, la référence répétée de l'arrêt à des faits non retenus dans la prévention ou atteints par la prescription, pour justifier une condamnation portant sur des faits dont la preuve n'est pas directement apportée procède d'une méconnaissance des droits de la défense;
"alors qu'enfin, l'arrêt attaqué ne relève pas l'intention coupable du docteur X qui, en parfaite bonne foi, pouvait estimer que la facturation directe des implants par le laboratoire à ses clientes, sans qu'il ait à intervenir dans le règlement de leur acquisition, était légale et d'ailleurs conforme à la déontologie médicale; que l'arrêt est à cet égard entaché d'un défaut de motif";
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Sylvain X, chirurgien esthétique exerçant dans un établissement privé, a, en 1991, procédé, au cours de trois opérations, à l'implantation de deux prothèses mammaires sur une même personne; qu'à la suite de l'échec de ces interventions, imputable à la mauvaise qualité des prothèses, et de la plainte de la patiente, l'enquête diligentée par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n'a pas permis de déterminer l'origine des prothèses; que Sylvain X est poursuivi pour avoir effectué, pour une activité professionnelle, des achats de produits sans factures;
Attendu que, pour condamner de ce chef le prévenu, après avoir écarté son moyen de défense tiré de ce qu'il n'avait été que le dépositaire des prothèses achetées par la patiente, les juges du second degré relèvent que, pour l'année 1991, sur les trente-quatre factures du fournisseur habituel destinées aux médecins de cet établissement, dix-neuf ont été destinées sans ambiguïté au docteur X et que, si certaines comportent l'indication du nom de patientes, elles mentionnent toujours le nom du prévenu comme "client"; qu'ils énoncent que Sylvain X ne peut être suivi dans son argumentation, dans la mesure où un praticien de chirurgie plastique assume l'entière responsabilité de ses interventions, en particulier dans le choix essentiel du matériau des prothèses; qu'ils en déduisent que le prévenu a été l'acheteur de celles-ci dans le cadre de son activité professionnelle;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, tirés de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve soumis à son examen, et dès lors que la seule constatation de la violation en connaissance de cause d'une prescription légale implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; d'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.