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Décisions

Cass. crim., 27 avril 1981, n° 79-93.619

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pucheus

Rapporteur :

M. Guerin

Avocat général :

M. Dullin

Avocats :

Me Célice, SCP Lesourd, Baudin.

Riom, ch. corr., du 12 juill. 1979

12 juillet 1979

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi commun formé par X François, Y François et Z Louis contre un arrêt de la cour d'appel de Riom (chambre des appels correctionnels), en date du 12 juillet 1979, qui, pour refus de vente, pratique discriminatoire de prix et défaut de communication au revendeur du barème des prix et des conditions de vente, les a condamnés chacun à 2000 F d'amende et a statué sur l'action civile ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 2, 3, 85, 86, 595 et 802 du code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, 45 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973, violation des articles 1, 5, 19, 33 de l'ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945, des articles 1382 et 2092 du code civil, en tant que de besoin, insuffisance défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que les poursuites dirigées contre les prévenus avaient été valablement déclenchées par les constitutions de partie civile, que le dossier de l'information judiciaire était régulièrement constitué et qu'enfin, tant les époux Planat que la société SOCAP étaient recevables à faire valoir le préjudice susceptible d'avoir été causé par les infractions dénoncées ;

" aux motifs propres et adoptés du jugement que l'ordonnance 45-1484 en sa rédaction actuelle assurait désormais à l'autorité judiciaire la maîtrise de l'action publique en vertu de l'article 19, que les infractions pouvaient être constatées par procès-verbal ou par information judiciaire (article 5) et qu'une transaction mettant fin à l'action répressive pouvait intervenir (article 19), que l'article 45 de la loi du 27 décembre 1973 prévoyait l'exercice de l'action civile dans les conditions du droit commun et même la saisine des juridictions répressives à l'effet de statuer sur les intérêts civils après transaction sur l'action publique, que le juge d'instruction avait pu sans violer le secret professionnel obtenir communication du dossier de la douane et qu'enfin, il suffisait pour la régularité des constitutions de partie civile que soit possible l'existence du préjudice allégué et de sa relation directe avec l'infraction dénoncée ;

" alors, d'une part, que si l'article 45 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973 confère désormais aux particuliers la faculté de se joindre aux poursuites intentées par le Ministère public en matière d'infractions économiques, il n'a ni pour effet ni pour objet d'autoriser la mise en mouvement de l'action publique par la constitution de partie civile ; qu'en effet, les délits imputés aux prévenus relevaient, soit directement, soit par assimilation des dispositions de l'ordonnance 45-1483 et comme tels, obéissaient en ce qui concerne leur constatation, leur poursuite et leur répression aux règles particulières de l'ordonnance 45-1484 qui, seule, définit la procédure tant administrative que judiciaire à mettre en œuvre ; que, contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, les dispositions spécifiques des articles 19 et 33 de l'ordonnance 45-1484 excluent que l'action publique puisse être mise en mouvement dans les conditions prévues aux articles 85 et 86 du code de procédure pénale, ce qui aurait pour effet de retirer toute portée à la transaction, de substituer les parties civiles au ministère public dans son monopole et d'éluder la consultation préalable et obligatoire du service des prix ;

" alors, d'autre part, que s'il est exact que, au terme de l'article 5 de l'ordonnance 1484, les infractions à la législation économique peuvent aussi être constatées par voie d'information judiciaire, il n'en demeure pas moins que les poursuites et la répression obéissent exclusivement aux dispositions spécifiques de l'ordonnance 45-1484 en sorte que l'intervention du parquet, postérieurement au déclenchement de l'action publique par les parties civiles, n'a pu régulariser la procédure ; qu'il en est d'autant plus ainsi que le Ministère public s'est abstenu de recueillir les conclusions de l'administration ainsi qu'il est prévu à l'article 19 précité et que l'information a été diligentée sur la base de procès-verbaux qui, en l'absence de la transmission régulière organisée par l'article 19 précité, ont échappé au contrôle des autorités hiérarchiques dans des conditions lésant les intérêts de la défense ;

" alors, enfin, que, statuant sur la recevabilité même des constitutions de partie civile, la cour d'appel ne pouvait décider que les infractions commises par les prévenus dans leurs relations commerciales avec la SOCAP étaient de nature à causer un préjudice direct à la fois à ladite SOCAP, locataire du fonds de commerce, et aux époux Planat pris en leur double qualité de propriétaires du fonds de commerce et des murs du local commercial ;

Attendu que, pour rejeter l'exception prise de la nullité de la procédure d'information judiciaire, tirée de l'irrecevabilité des époux Planat et de la SA " Caravaning et pneumatiques " (SOCAP) à se constituer parties civiles devant le juge d'instruction, la cour d'appel, après avoir constaté que la poursuite de toutes les infractions visées dans la prévention s'exerce suivant la procédure prévue par l'ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945, à laquelle l'article 42 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973 s'est référée expressément, énonce, d'une part, qu'aux termes de l'article 5 de ladite ordonnance, les infractions de cette nature sont constatées au moyen de procès-verbaux ou, comme elles l'ont été en l'espèce, par information judiciaire, que, d'autre part, en vertu de l'article 45 de ladite loi, l'action civile en réparation du dommage causé par l'une des infractions constatées, poursuivies et réprimées suivant les dispositions de l'ordonnance précitée, est exercée dans les conditions du droit commun, que, dès lors, les parties civiles peuvent mettre en mouvement l'action publique, conformément aux articles 3 et 85 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'en statuant ainsi et abstraction faite de motifs surabondants, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi, qu'en effet, et contrairement à ce qui est allégué au moyen, il résulte des dispositions de l'article 19 de l'ordonnance susvisée que le Ministère public n'est tenu de solliciter ou de connaître les conclusions de l'administration quant à la suite transactionnelle ou judiciaire à donner que s'il est saisi de procès-verbaux dressés en application de l'article 6 ; que dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le moyen additionnel de cassation, pris de la violation des articles 50 et 52 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, 463 et suivants, 520, 593 et 657 et suivants du code de procédure pénale, défaut de contradiction de motifs, manque de base légale, violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

" en ce que l'arrêt a prononcé contre les prévenus différentes condamnations et notamment pour infraction à l'article 37 de l'ordonnance n° 45-1483 sans tenir compte de l'avis que la Commission de la concurrence doit exprimer sur l'incrimination spéciale d'abus de position dominante dont elle était parallèlement saisie ;

" alors d'une part qu'en vertu de l'article 52 de l'ordonnance n° 45-1483, la constatation et la répression du délit d'abus de position dominante sont subordonnées à l'intervention d'organes d'instruction spécialisés dont la cour devait attendre les conclusions, qu'en s'abstenant de prendre en considération l'obstacle de droit ainsi constitué et en limitant son examen aux seuls délits retenus dans le cadre de l'information judiciaire, la cour d'appel, qui s'est du même coup privée de toute possibilité de qualifier le délit sous sa plus haute expression pénale, a violé les textes susvisés ainsi que l'article 5 du code pénal ;

" alors d'autre part que l'arrêt attaqué a laissé sans réponse les conclusions de la demanderesse qui faisait précisément valoir que les griefs articulés par la partie civile entraient dans le champ du délit d'abus de position dominante, qui ne pouvait être poursuivi en dehors des dispositions spéciales de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ;

" alors enfin que les demandeurs sont fondés par application des articles 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des principes généraux assurant le respect des droits de la défense à contester la régularité de l'information et des décisions de jugement les ayant condamnés, lorsque avant que les condamnations ne soient définitives, il s'avère comme en l'espèce, que les mêmes faits font l'objet d'actes d'information et de poursuite, emportant mise en demeure des prévenus de présenter, à nouveau, les éléments de leur défense et les exposant éventuellement à de nouvelles condamnations ;

Attendu que la cour d'appel n'avait pas à statuer sur une infraction d'abus de position dominante prévue par l'article 50 de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 modifiée par la loi 77-806 du 19 juillet 1977 dont elle n'était pas saisie et alors que les conclusions des demandeurs ne tendaient à aucune disqualification en ce sens ; d'ou il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur la demande subsidiaire en règlement de juges ; - Attendu qu'il résulte de l'examen de la procédure que l'arrêt attaqué a statué sur les préventions de refus de vente, de pratique de prix discriminatoires injustifiés et de défaut de communication de barèmes à un revendeur, délits respectivement prévus par l'article 37 paragraphe 1er a) de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945, et 37 paragraphe 1er et paragraphe 2, 2e alinéa, de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973, que, selon les demandeurs, la Commission de la concurrence est actuellement saisie pour avis, en vertu des articles 50 et suivants de ladite ordonnance, de faits qui seraient susceptibles de constituer des abus de position dominante, à la suite d'une plainte du groupement des rechappeurs indépendants français contre la firme M ;

Attendu que la commission de la concurrence, instituée par la loi 77-806 du 19 juillet 1977, n'est pas une juridiction, mais seulement, aux termes de l'article 1er de ladite loi, un organisme appelé notamment à connaître, à titre consultatif, et à la demande du Ministre de l'économie, des faits qui lui paraissent susceptibles de constituer des ententes illicites ou des abus de position dominante ; d'où il suit qu'il n'existe aucun conflit de juridictions, au sens des articles 657 et suivants du code de procédure pénale ; dit n'y avoir lieu à règlement de juges ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 37 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973 et de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de pratiques de prix ou de conditions de vente discriminatoires et de refus de communication desdites conditions de vente et a, en conséquence, ordonné une expertise pour déterminer le préjudice des parties civiles ;

" aux motifs propres et adoptés que les prévenus ne rapportent pas la preuve que les conditions de vente prétendument discriminatoires par eux pratiquées se justifieraient par une différence correspondante du prix de revient, et qu'en faisant, de son propre aveu, une différenciation entre revendeurs, du fait de leur seule qualité, sans qu'elle ne corresponde à une fonction effectivement exercée ou un service complémentaire effectif rendu (entreposage, livraison, service après-vente), ou justifié par l'importance des quantités vendues en raison des gains de productivité qui peuvent en résulter, en introduisant insidieusement dans le rappel de fin d'année, des primes de patronage, la prime chiffre d'affaires rechape, outre la rémunération proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé, un élément de rémunération laissé à sa seule appréciation, fondé sur des critères purement subjectifs impliquant que le revendeur accepte de communiquer son chiffre d'affaires à la firme A, les prévenus, par cette rémunération supplémentaire ont entendu rémunérer non un service en raison des gains de productivité, mais une fidélité inconditionnelle à la marque, que la finalité de ce critère de remise en fait ressortir le caractère discriminatoire, que si le critère " température A " jouait pour trois ristournes de fin d'année dont le pourcentage en valeur absolue parait faible, compte tenu de l'importance du chiffre d'affaires réalisé par SOCAP avec la firme A qui fournissait à ce revendeur plus de 65 % de ses achats de pneumatiques pour 1974, et de l'importance toujours croissante des achats, cette pratique avait pour effet d'amputer dans des proportions non négligeables les bénéfices sur lesquels les parties civiles étaient en droit de compter, que cette pratique donnait ainsi à cette notion particulière de coopération commerciale une influence telle au tarif du fournisseur qu'elle faussait entre revendeurs les possibilités de libre concurrence ; que la SOCAP, classée suivant taux de température " A " en catégorie 1, 2, 3 en 1971 1972-1973, était classée en catégorie 4 puis 5 en 1974 et 1975, alors que le chiffre d'affaires réalisé avec A, notamment en 1974, étant non seulement équivalent et supérieur pour certains postes (rechapage), et que, cependant, les services commerciaux de la firme A devaientt imposer à la SOCAP au cours des années 1974 et 1975 des conditions de vente différentes de ses barèmes internes et officieux, pour prime de progrès, en excluant pour 1975, cette société du bénéfice des primes de progrès et de régularité, qu'ainsi, les trois prévenus ont bien commis le délit de l'article 37-1° de la loi du 27 décembre 1973 ;

" alors, d'une part, que des conditions de vente qui tiennent compte de la coopération du revendeur non exclusif manifestée notamment par son égard pour la marque et l'effort accompli dans son secteur pour le maintien et la promotion du produit, ne constituent pas une discrimination injustifiée mais la rémunération d'un service facultatif ayant une répercussion directe sur la commercialisation du produit, et, partant, sur son prix de revient ; que ce service dont la rémunération par le fabricant est licite, ne se limite pas, contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, à l'entreposage, la livraison, au service après-vente et à ce qui engendre un gain de productivité, mais s'étend aussi, comme l'énonce la circulaire du 10 janvier 1978, dans une interprétation correcte de la loi, au service avant-vente et à la coopération commerciale, qui allègent le coût de la commercialisation du produit ;

" alors, d'autre part, que la rémunération desdits services est licite, comme l'énonce la circulaire du 10 janvier 1978, à condition de conserver une incidence limitée par rapport aux prix facturés au revendeur, et non, comme le décide l'arrêt attaqué, par rapport aux " bénéfices " du revendeur, notion conjoncturelle variable et totalement étrangère à l'incrimination légale, en sorte que la cour d'appel, qui reconnaît d'ailleurs contradictoirement la faiblesse en pourcentage de la remise pratiquée, mais qui se réfère au caractère " non négligeable " de l'amputation des bénéfices des parties civiles pour en déduire que les conditions de la libre concurrence pourraient être faussées, prive sa décision de base légale et ne met pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la réunion des éléments constitutifs de l'infraction ;

" alors, de troisième part, que la condamnation prononcée ne saurait non plus reposer sur une application anormale des conditions de vente à la SOCAP qui, selon l'arrêt, a été déclassée de 1971 à 1975 en dépit du maintien ou même de l'augmentation (rechapage) de son chiffre d'affaires, dès lors que la Cour d'appel laisse sans réponse le chef péremptoire des conclusions d'après lesquelles la progression du chiffre d'affaires de la partie civile demeurerait inférieure à celle du marché considéré et que le déclassement progressif du revendeur, lié par ailleurs à la disparition de sa coopération commerciale, voire à son activité illégitime, découlait ainsi de l'application correcte de conditions non discriminatoires ;

" alors, enfin, que les primes de progrès et de régularité ont été supprimées, comme le soutenaient les prévenus dans des conclusions péremptoires admises par le tribunal et reprises en appel mais totalement délaissées par l'arrêt attaqué, en raison du refus de la SOCAP de souscrire les accords particuliers y afférents, la souscription de tels accords étant nécessaire, comme l'a admis l'administration, pour justifier le versement de telles primes ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement dont il a adopté les motifs non contraires que la SA " SOCAP ", dont la Dame Planat née Alasseur Marie-Claude, est le président du conseil d'administration, a pour objet la distribution de pneumatiques et d'accessoires d'automobiles, fournis par divers fabricants, dont, pour une grande part, "A", que, pour rémunérer les négociants tels que la " SOCAP ", ladite manufacture consent des remises sur facture pour tous les revendeurs sans exceptions et, dans certaines conditions que les juges décrivent, des ristournes de fin d'année, groupées sous 4 rubriques : remise différée, rappel de fin d'année, primes complémentaires et primes promotionnelles ;

Attendu que, pour déclarer X François, Y François, co-gérants de la société en commandite par actions " A " et Z Louis, directeur commercial de ladite société, coupables de pratique injustifiée de prix et de conditions de vente discriminatoires, délit prévu par l'article 37 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973 et réprimé, en vertu de l'article 42 de ladite loi, par les articles 1er et 40 de l'ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945, les juges du fond constatent que quelques unes des remises susénoncées, telles que certains rappels de fin d'année, la prime complémentaire de patronage et celle sur le chiffre d'affaires des pneus rechapés, ont été calculées en fonction d'un critère dit " de température A " où il a été tenu compte de la collaboration plus ou moins efficace du distributeur à l'action commerciale de la firme A, que, selon l'arrêt, la détermination " du taux de température A " a impliqué un contrôle de la comptabilité du commerçant par cette firme, que la SOCAP, classée en 1re catégorie en 1971, a subi en 1974 et 1975 un déclassement, qui a entraîné une réduction desdites primes dans une certaine proportion, que les prévenus ont reconnu, disent les juges, que si les remises quantitatives étaient effectivement des conditions de vente, celles relevant du critère précité, rémunéraient d'une façon marginale, un comportement commercial n'affectant pas les ventes proprement dites, qu'en faisant de leur propre aveu, une différenciation entre revendeurs, du fait de leur seule qualité, sans qu'elle ait correspondu à un service complémentaire effectivement rendu, en faisant entrer dans le calcul des remises un élément de rémunération laissé à sa seule appréciation sur des critères purement subjectifs, les prévenus ont entendu rémunérer une fidélité inconditionnelle à la marque, que la finalité du critère sur lequel porte l'infraction, en fait ressortir le caractère discriminatoire ;

Attendu que par ces constatations et énonciations, déduites d'une appréciation souveraine des éléments de fait soumis au débat contradictoire et qui caractérisent le délit retenu à la charge des demandeurs, la cour d'appel a, sans encourir aucun des griefs formulés au moyen, donné une base légale à sa décision, qu'en effet, s'il est vrai que peuvent justifier une discrimination de prix en faveur d'un client revendeur, non seulement l'importance des quantités vendues en raison des gains de productivité qui peuvent en résulter, mais encore les services effectivement rendus par ce dernier et qui se traduisent par un allégement des charges du fournisseur, en l'espèce la preuve de tels faits justificatifs n'a pas été établie ; d'ou il suit que le moyen doit être également écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 37-1° de l'ordonnance 1483 du 30 juin 1945 et de l'article 593 du code de procédure pénale, de la présomption d'innocence consacrée par l'article 6 paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de la maxime " fraus omnia corrumpit " insuffisance et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables du délit de refus de vente envers la société de distribution SOCAP et les époux Planat ;

" aux motifs propres et adoptés que la mauvaise foi des parties civiles dans la passation et la destination des commandes non livrées n'était pas établie dès lors que la SOCAP et les époux Planat n'étaient liés à A par aucune convention d'exclusivité, que dans une lettre du 25 septembre 1975 la SOCAP se plaignait d'avoir reçu au 31 juillet 1975 des quantités inférieures à celles de l'année précédente pour des commandes annuelles identiques, que, selon la SNE, entre le 10 avril et le 31 juillet 1975, la SOCAP avait reçu pour des commandes plus importantes, des livraisons moindres que celles effectuées à un concurrent, la société Estager, que les livraisons de A en 1975 avaient été si modestes que la SOCAP avait du s'approvisionner auprès d'autres revendeurs, que la SOCAP étant indépendante, les prévenus ne pouvaient invoquer comme " fait justificatif " le comportement des époux Planat au sein de " France pneu " pour le compte du concurrent américain Firestone ;

" alors, d'une part, que la bonne foi de l'acheteur est un élément constitutif du délit et non la mauvaise foi un fait justificatif dont la preuve serait à la charge du prévenu, en sorte que l'arrêt attaqué a violé la présomption d'innocence ; que, d'ailleurs, la bonne foi de l'acheteur, qui ne se déduit pas de l'absence de convention d'exclusivité contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, entaché sur ce point d'une erreur de droit, devait s'apprécier en fonction de l'ensemble du comportement de l'acheteur ; qu'à cet égard, les conclusions des prévenus caractérisaient une machination globale à laquelle SOCAP s'était livrée en adoptant un comportement anormal d'achat destiné à perturber les stocks du producteur, à raréfier certains produits sur le marché et à les utiliser ensuite comme marques d'appel permettant de pénétrer la clientèle et en procédant à des commandes dans des formes ou conditions contraires aux usages du commerce à seule fin de préconstituer les preuves du présent litige, en sorte que l'arrêt attaqué, qui limite son examen à certains aspects ponctuels du comportement de la partie civile, n'a pu valablement statuer sur l'élément constitutif susvisé du délit et a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et d'un manque de base légale flagrants ;

" alors, d'autre part, que, concernant la réalité des non-livraisons, la disponibilité du produit et la conformité des commandes aux usages commerciaux, l'arrêt attaqué renverse la charge de la preuve et prive sa décision de base légale en ne recherchant pas, comme l'y invitaient les conclusions péremptoires des demandeurs laissées sans réponse, si la diminution, en 1975, des livraisons n'était pas en réalité liée à une diminution volontaire des commandes de la SOCAP qui avait librement décidé de s'approvisionner auprès de collègues, contestation que l'arrêt ne pouvait trancher ni en se référant à une lettre de la SOCAP en date du 25 septembre 1975, ni en constatant l'approvisionnement de celle-ci auprès d'autres revendeurs, titres que la partie civile ne pouvait se constituer à elle-même, ni si les commandes de la Socap étaient normales par rapport aux usages respectés par les autres revendeurs, ni enfin si les disponibilités, dont l'arrêt attaqué se borne à mentionner les chiffres, permettaient, sans atteinte à la sécurité des stocks et aux besoins des usagers et des autres revendeurs, d'honorer les commandes litigieuses ; en sorte qu'en fractionnant les périodes de référence pour comparer les livraisons effectuées à divers revendeurs, selon une méthode à juste titre abandonnée par la DNE, et en ne s'interrogeant pas sur la conformité aux usages des livraisons effectuées à la Socap (81 % à 100 % des commandes selon les produits), la cour d'appel a mis la Cour suprême dans l'impossibilité d'exercer son contrôle sur les éléments constitutifs de l'infraction ;

" alors, enfin, que l'arrêt attaqué ne pouvait tout à la fois éluder la distinction entre la personnalité morale de la société et la personne physique de ses dirigeants en recevant les époux Planat dans leur constitution de partie civile personnelle à l'occasion des actes accomplis par A envers SOCAP, et faire jouer cette distinction pour déclarer que l'action menée par les époux Planat au travers de la société France pneu ne saurait être invoquée par les prévenus à titre de fait justificatif, qu'en tout état de cause, la Cour de Riom, saisie des conclusions faisant valoir que le comportement secret des époux Planat procédait d'une concurrence déloyale, ne pouvait limiter son examen de la bonne foi à la SOCAP et se dispenser de rechercher si l'action des parties civiles à travers diverses sociétés ne procédait pas d'une seule et même fraude ;

Attendu que pour déclarer les demandeurs coupables de refus de vente, délit prévu par l'article 37 paragraphe 1er a) de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 et puni par les articles 1er et 40 de l'ordonnance 45-1484 du même jour, les juges du fond énoncent que dans le courant de l'année 1975, la SA " SOCAP " a reçu de la firme A, des livraisons inférieures à ses commandes, que cette situation n'était pas due au manque de disponibilités du vendeur, puisqu'il a été constaté que, durant la même période un revendeur de la même importance que la " SOCAP " et ayant passé des commandes qui, sur le plan quantitatif, étaient approximativement semblables, a été régulièrement approvisionné par les prévenus, que, selon l'arrêt, les livraisons de la manufacture A à ladite société ont été si modestes que celle-ci, pour satisfaire à la demande de sa clientèle, a été dans l'obligation d'acheter un nombre important de pneumatiques de même marque à d'autres revendeurs ; qu'il est précisé, d'une part, par les juges que les demandes de la SOCAP ne présentaient aucun caractère anormal, que les quantités de produits demandées n'étaient ni disproportionnées à ses besoins, ni au volume habituel de ses achats au cours des années précédentes, qu'elles relevaient de l'activité normale du revendeur et étaient dès lors prévisibles, qu'elles n'étaient pas de nature à créer une rupture dans une période de prospérité, alors qu'il n'a pas été justifié d'une rupture brutale et prolongée de la production, que, d'autre part, la mauvaise foi de la SOCAP dont ont fait état les prévenus pour se justifier et qui aurait consisté en un dénigrement systématique de la marque A, n'a pas été démontrée, que, s'il est vrai que la " SOCAP " a exploité un procédé de rechapage des pneus concurrents et si, comme l'ont soutenu les demandeurs, elle a pu être à l'origine de la constitution d'une société dont l'objet a été la distribution, en France, de pneumatiques d'une marque étrangère, il a été constaté que la " SOCAP " n'était liée à la firme A, par aucun contrat d'exclusivité, par aucun engagement limitant sa liberté commerciale et que, dès lors, rien ne lui interdisait d'offrir à sa clientèle une gamme étendue de produits de toutes marques ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs qui échappent à tout grief d'insuffisance et qui relèvent du pouvoir souverain d'appréciation par les juges du fond des éléments de conviction soumis au débat contradictoire, la cour d'appel n'a nullement renversé la charge de la preuve, comme l'allègue le moyen et a caractérisé l'infraction retenue à la charge des demandeurs ; que, dès lors, le moyen doit être également rejeté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 37 dernier alinéa de la loi du 27 décembre 1975, des articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de non-communication des conditions de vente et a, en conséquence, accueilli l'action civile tant de la SOCAP que des époux Planat ;

" aux motifs que la communication devait intervenir par écrit, que, par leurs engagements verbaux ou écrits partiels et réticents, le silence volontairement gardé sur le calcul des ristournes déterminées en fin d'année que seul le fournisseur apprécie, les prévenus étaient coupables des faits qui leur étaient reprochés, que les parties civiles avaient un intérêt direct et immédiat à ce que les conditions de vente, à elles faites, soient clairement précisées et qu'il y avait lieu d'ordonner une expertise, en vue de la détermination de leur préjudice ;

" alors, d'une part, que la loi n'impose pas une communication écrite, que la communication pouvait intervenir verbalement conformément aux usages de la profession, expressément invoqués ;

" alors, d'autre part, que des variations, d'incidence limitée, non aisément qualifiables ne peuvent faire l'objet, en tant que conditions générales de vente seules soumises à l'obligation légale, que d'une communication portant sur leur amplitude, communication intervenue en l'espèce, comme le soutenaient les demandeurs dans des conclusions demeurées sans réponse ;

" alors enfin, que l'obligation de communication est limitée au " revendeur " et ne pouvait donner lieu a une action civile de la part des époux Planat ;

Sur les deux premières branches du moyen ; - Attendu que pour retenir à la charge des prévenus, le défaut de communication par le producteur à tout revendeur qui en fait la demande de son barème de prix et de ses conditions de vente, délit prévu par le dernier alinéa de l'article 37 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973 et puni, en vertu de l'article 42 de ladite loi, par les articles 1er et 40 de l'ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945, les juges du fond énoncent que, lorsque les conditions de vente sont multiples, complexes et contestées, il est nécessaire qu'à la demande du revendeur, les barèmes et les conditions de vente du producteur lui soient communiqués par écrit, que s'il est vrai que les communications qui ont été faites par écrit aux parties civiles ont comporté l'indication des remises sur facture et de la partie fixe des ristournes de fin d'année, elles n'ont pas néanmoins apporté de précisions suffisantes sur les remises qui sont calculées en fonction du critère " température A " et qui constituent bien des conditions de vente ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a, sans insuffisance, donné une base légale a sa décision;

Sur la troisième branche du moyen ; - Vu lesdits articles ; - Attendu qu'aux termes de l'article 2 du code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention, appartient seulement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ;

Attendu qu'il appert des énonciations de l'arrêt attaqué que Planat Pierre et son épouse née Alasseur Marie-Claude, étaient propriétaires de fonds de commerce de pneumatiques, qu'ils ont constitué la société anonyme " Caravaning et pneumatiques " (SOCAP) dont l'objet est l'exploitation ou location gérance desdits fonds, que la Dame Planat a été nommée président du conseil d'administration de la société, que seule ladite société a passé les contrats avec la firme A ;

Attendu qu'en déclarant recevable l'action civile des époux Planat en réparation du préjudice qui leur aurait été causé par les différentes infractions retenues à la charge des demandeurs, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ; que, dès lors, la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs : casse et annule l'arrêt de la cour d'appel de Riom, en date du 12 juillet 1979, mais seulement en celles de ses dispositions statuant sur l'action civile des époux Planat, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ; et pour être statué à nouveau conformément à la loi, et dans les limites de la cassation prononcée, renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.