Cass. crim., 7 janvier 1986, n° 85-91.787
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Escande (conseiller doyen faisant fonctions)
Rapporteur :
M. Tacchella
Avocat général :
M. Clerget
Avocat :
Me le Prado.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par A Jean-Paul contre un arrêt de la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Versailles en date du 15 mars 1985 qui, pour infraction aux règles sur la facturation des prix et des services, l'a condamné à 8 000 francs d'amende et à verser à la Fédération nationale des syndicats de commerçants non sédentaires, partie civile, 1 franc de dommages-intérêts et 1 500 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 46 à 49 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, de l'article L. 231-5 b 4e du Code des communes, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Paul A coupable d'infraction aux règles de la facturation des prix ;
" aux motifs qu'il est stipulé à l'article 34 du cahier des charges établi par la ville de Rueil-Malmaison " que les sommes dues par les commerçants abonnés ou non, sont calculées par l'addition des différents droits ou taxes à savoir : - droits de places, couvert ou découvert, - droits de matériel, table, retour et tréteaux, - droits de stationnement ou de déchargement " ; qu'ainsi le cahier des charges distingue nettement les différents droits dus par les usagers des marchés : d'une part, les droits de nature fiscale, composés notamment des droits de place proprement dits et des droits de stationnement, et d'autre part, les droits d'une nature différente comme les droits de matériels qui constituent des redevances pour services rendus; que les redevances pour services rendus dues par les marchands forains . . . doivent être soumises . . . aux articles 46 à 49 de l'ordonnance n° 45-1483 relatifs aux factures ";
" alors d'une part que les droits de place, par définition, perçus à l'occasion d'un service rendu, constituent, par nature, une recette fiscale laquelle, à défaut d'une disposition législative expresse, ne peut entrer dans le champ d'application de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; que l'arrêt ne pouvait, au sein des droits perçus par l'entreprise faire une distinction entre les droits de place proprement dits - de nature fiscale - et les droits de matériels - dépourvus de nature fiscale- du seul fait que ces derniers sont perçus à l'occasion d'un service rendu puisque l'ensemble des droits de place perçus par l'entreprise - que ce soit les droits de place proprement dits ou les droits de matériels - sont perçus à l'occasion d'un service rendu ; qu'en déclarant Jean-Paul A coupable d'infraction aux règles de facturation des prix pour n'avoir pas délivré à l'occasion de la perception des droits de place des factures conformes aux dispositions de l'ordonnance du 30 juin 1945, l'arrêt a violé les articles 46 à 49 de ladite ordonnance, ainsi que l'article L. 231-5 b 4e du Code des communes ;
" alors d'autre part que l'arrêt attaqué ne pouvait affirmer que les droits de matériel perçus par l'entreprise concessionnaire pour le compte de la commune étaient soumis aux dispositions des ordonnances du 30 juin 1945 en les qualifiant de redevances sans vérifier si ces droits correspondaient à la valeur du service rendu aux usagers, faute de quoi il ne pouvait s'agir que de taxes échappant en toute hypothèse au champ d'application desdites ordonnances ; qu'en statuant ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 46 à 49 de l'ordonnance n° 45-1483 ;
" alors de troisième part que, même si la perception de droits de location de matériel devait faire l'objet d'une facturation, la Cour d'appel s'est abstenue de répondre aux conclusions de A faisant valoir que " bien que les contrats intervenus avec les communes prévoient la possibilité de location de matériel, les sommes perçues pour le compte des communes ne correspondent qu'à l'utilisation faite par les usagers du domaine public communal, aucune location de matériel n'ayant été effectuée par l'entreprise qui a renoncé depuis de nombreuses années à fournir de telles prestations " ; qu'elle a, là encore, violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" alors enfin que, même si la perception de droits de location de matériel devait faire l'objet d'une facturation, la cour d'appel qui s'est bornée à analyser le cahier des charges de la commune de Rueil- Malmaison n'a pas recherché si l'entreprise avait effectivement procédé à la location de matériel aux usagers des marchés ; qu'en condamnant Jean-Paul A pour n'avoir pas délivré de factures de redevances pour services rendus, elle n'a pas constaté l'existence des éléments constitutifs de l'infraction poursuivie et, a donc privé sa décision de base légale au regard des articles 46 à 49 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et dont il adopte les motifs, comme des procès-verbaux servant de base aux poursuites, qu'A Jean-Paul, dirigeant de fait d'une entreprise familiale dite " X ", a été cité devant le tribunal correctionnel pour avoir courant avril 1982, en sa qualité de concessionnaire des droits communaux commis des infractions aux règles de la facturation en remettant aux marchands acquittant leurs droits sur les marchés de Rueil-Malmaison des documents tenant lieu de factures qui ne comportaient pas toutes les mentions prévues et exigées par l'article 47 de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 ;
Attendu que pour déclarer le prévenu coupable et répondre à ses conclusions, lesquelles, sans nier les carences matérielles relevées, contestaient que le délit fût constitué au motif que les redevances que percevait l'entreprise familiale présentaient un caractère purement fiscal et n'étaient pas, pour cette raison, soumises aux obligations de facturation exigées par l'ordonnance économique servant de base aux poursuites, l'arrêt attaqué énonce qu'au vu du cahier des charges établi par la ville de Rueil- Malmaison, il y avait lieu de distinguer, en ce qui concernait le concessionnaire des droits communaux, les différents droits dus par les usagers des marchés, à savoir, d'une part, ceux " de places " et " de stationnement " qui constituaient tous deux des taxes strictement fiscales dont le paiement n'entraînait pas délivrance de factures portant les mentions énoncées par l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945, d'autre part les autres redevances pour services rendus, notamment les droits de location de matériel, de tables et de tréteaux, soumis à ce titre à la TVA sur les prestations de service, et, eux, relevant pour ce qui est des factures à délivrer des dispositions édictées par les articles 46 à 49 de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 ;
Attendu, à cet égard, que pour combattre l'argumentation du prévenu qui soutenait n'avoir jamais perçu des frais de location de matériel, le jugement dont l'arrêt a fait siens les motifs, spécifie que l'intéressé ne contestait nullement que les droits qu'avaient acquittés les commerçants forains qui se sont plaints de ses agissements, excédaient les sommes par lui reversées à la commune et qu'ils comprenaient bien la rémunération des services par lui rendus auxdits intéressés, à savoir, la location, la mise en place et le renouvellement du matériel par eux utilisé, comme l'entretien des emplacements qu'ils occupaient;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, sans encourir les divers griefs visés au moyen, a donné une base légale à sa décision; que dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme.
Rejette le pourvoi.