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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. corr., 8 avril 1999, n° 98-00417

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blanc Sylvestre

Conseillers :

MM. Armingaud, Teisseire

Avocat :

Me Naval.

TGI Montpellier, ch. corr., du 5 mars 19…

5 mars 1998

Rappel de la procédure :

Le jugement rendu le 5 mars 1998 par le Tribunal de Grande Instance de Montpellier a :

Sur l'action publique :

déclaré C Alain Jacques Robert coupable :

- d'avoir dans l'Hérault en 1996, et en tout cas depuis temps non prescrit, effectué, pour une activité professionnelle, un ou des achats de produits, ou une prestation de services sans facturation.

Faits prévus et réprimés par l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et par les articles 31 alinéa 2, alinéa 3 et 4 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986; 31 alinéa 5, alinéa 6, 55 alinéa 1 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986.

En répression, l'a condamné à une amende de dix mille francs.

Appels :

Les appels ont été interjetés par le prévenu et le Ministère Public, à titre incident, le 16 mars 1998.

Demandes et moyens des parties :

Le prévenu soutient à l'appui de son recours, qu'il n'a pour obligation que celle de réclamer une facture, ce qu'il n'a pas eu à faire puisque son fournisseur les lui a adressées, que par contre seul le vendeur est tenu par l'article 31 alinéa 1 de délivrer une facture qui soit conforme aux dispositions qui lui sont reprochées, mais en l'espèce ce vendeur étant une société de droit monégasque Mercure International of Monaco, le Ministère Public ne rapporte pas la preuve que la loi française lui soit applicable ;

Il insiste sur le fait que l'alinéa 2 est le seul à contenir au terme de l'article 31, l'obligation qui s'impose à l'acheteur, que le droit pénal étant d'interprétation stricte, on ne peut élargir les mentions obligatoires prévues par l'article 31 alinéa 3 à l'acheteur ;

Qu'en fait ces mentions rendues obligatoires par l'article 31 alinéa 3, ne lui sont pas imputables, qu'en plus en l'espèce elles se retrouvent de fait dans les bons de livraison qui étaient annexés ;

Il insiste également sur le fait qu'on ne peut lui reprocher d'avoir obtenu de la même société des factures qui soient conformes dans d'autres cas de livraison, et demande à la cour de le renvoyer des fins de la poursuite, la solidarité prévue par l'alinéa 2 de l'article 31 devant s'interpréter de façon stricte et limitative à l'obligation d'exiger une facture ;

Le Ministère Public requiert la confirmation du jugement entrepris.

Décision :

LA COUR après en avoir délibéré,

Attendu que C prévenu, comparaît à l'audience assisté de son conseil, qu'il sera statué par arrêt contradictoire à son égard ;

Attendu que les appels réguliers et dans les délais doivent être déclarés recevables.

Sur l'action publique :

Attendu qu'il résulte du dossier les éléments de faits suivants :

La société R exploite au quartier le Polygone à Montpellier, X Center, et exploite par ailleurs un autre magasin dans le nord de Montpellier ; son PDG, Monsieur C a eu plusieurs contrôles au titre de 1993 et notamment l'un dans le cadre d'une opération de liquidation avant travaux ; l'administration de la concurrence et de la répression des fraudes expose qu'un tel contrôle dans le cadre d'une liquidation est fréquent, ne serait ce que pour vérifier que les marchandises mises en vente ne sont pas à un prix inférieur au prix de revient et sont des marchandises tenues en stock depuis trois mois au moins ;

Monsieur C a dans le cadre de ce contrôle présenté des factures, dont 5 d'octobre 1995 ne portaient aucune dénomination des produits achetés ni des quantités ni des prix unitaires. Le prévenu a déclaré qu'à chacune de ces factures étaient attachés des bons de livraisons détaillés et valorisés ;

Il souligne qu'il est de bonne foi, car les faits se sont situés à une époque d'exploitation transitoire et qu'il a selon lui géré tant bien que mal, ce provisoire ;

Attendu tout d'abord que la matérialité des faits est incontestable puisque C a présenté 5 factures qui n'étaient que des factures globales ne comportant ni les quantités ni les prix unitaires des produits, ni la description des produits auxquels elles se rattachaient ;

Attendu qu'il n'est pas nécessaire de rechercher si la législation française est applicable à une société de droit monégasque dès lors que les livraisons sont faites en France que les objets achetés sont remis en vente par C en France et que la société Mercure International of Monaco a déjà délivré tant avant l'opération concernée qu'après des factures parfaitement conformes à la législation en vigueur en France;

Attendu que C était parfaitement informé de son obligation de détenir des factures détaillées faisant état des prix unitaires des produits achetés et des quantités facturées ; que la seule constatation de la violation en connaissance de cause de prescriptions légales ou réglementaires en l'espèce des dispositions de l'article 31 de l'ordonnance de 1986 implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée par le code pénal;

Attendu que les obligations prévues à la charge du vendeur et à la charge de l'acheteur ont été qualifiées par la jurisprudence comme des obligations réciproques et indivisibles;

Qu'il est certain que si l'alinéa 2 de l'article 31 de l'ordonnance susvisée, oblige l'acheteur a réclamer une facture, il est sous entendu que le législateur veut l'obliger à réclamer une facture conforme aux prescriptions de l'article 31 alinéa 3, car sans cela, son obligation deviendrait sans aucun effet tout acheteur voulant frauder pouvant se contenter de réclamer une facture qui ne soit pas conforme aux dispositions légales et qui ne permet donc pas le moindre contrôle et le moindre suivi de la marchandise ;

Qu'en effet, le but essentiel de cette réglementation est de pouvoir suivre la marchandise depuis son acquisition à sa mise en vente au détail, tant en ce qui concerne les prix unitaires pratiqués, qu'en ce qui concerne (comme en l'espèce en matière de liquidation) la durée de détention dans le stock du revendeur ;

Attendu que les bons de livraisons attachés aux factures ou présentés comme tels par C, ne sauraient suffire à palier la carence des factures, qu'en effet il n'a pas été prouvé avec certitude que les bons de livraison en question correspondent très exactement à la marchandise mise en vente dans le cadre de la liquidation concernée par le présent contrôle ;

Qu'ainsi la solidarité prévue par l'alinéa 2 de l'article 31 doit être étendue aux mentions exigées à l'alinéa 3 du même article ;

Que s'agissant d'un professionnel, C habitué à travailler avec la même société devait exiger de celle-ci des factures conformes et détaillées, qu'il lui était d'ailleurs possible (si comme il indique les bons de livraisons étaient eux mêmes détaillés) à son fournisseur de le faire pour donner des factures conformes ;

Attendu que les circonstances de la cause ont donc été exactement appréciées par le Tribunal dont la décision doit être confirmée dans son principe de culpabilité sauf à être modifiée dans le quantum de l'amende prononcée pour tenir compte de la quantité importante des marchandises correspondant à des facturations non détaillées (plus de 2.900.000 F pour les 5 factures en litige) ; que la peine d'amende doit être également suffisamment élevée pour être dissuasive ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire à l'égard de C Alain Jacques Robert et en matière correctionnelle ; En la forme : Reçoit les appels réguliers et dans les délais. Au fond : Sur l'action publique : Confirme en son principe de culpabilité la décision déférée. Emendant sur la peine, Condamne C Alain à la peine de cinquante mille francs (50.000 F) d'amende. Fixe la durée de la contrainte par corps, s'il y a lieu de l'exercer, conformément aux dispositions des articles 749 et suivants du code de procédure pénale. Le tout par application des textes visés au jugement et à l'arrêt, des articles 512 et suivants du Code de Procédure Pénale.