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Décisions

CA Paris, 9e ch. A, 29 mai 1990, n° 89-7995

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Collomb-Clerc

Conseillers :

M. Launay, Mme Renard-Payen

Avocat :

Me Duffour.

TGI Évry, 6e ch., du 1er mars 1989

1 mars 1989

Rappel de la procédure :

Le jugement.

Le tribunal a déclaré Gérard V et Paul-Louis H coupables de facturation non conforme (faits commis courant février, mars 1988 à la Ville du Bois (91), et par application des articles 31 alinéas 2 et 3 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, 31 alinéa 4 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, 55 alinéa 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, a condamné :

- Gérard V à une amende de cinq mille (5 000) Francs,

- Paul-Louis H à une amende de vingt cinq mille (25 000) Francs,

a prononcé la publication du jugement dans le Figaro, par extrait. Les prévenus ont été condamnés en outre, chacun pour sa part, aux dépens envers l'Etat, liquidés à la somme de 418, 12 F.

Les appels.

Appel a été interjeté par :

- H Paul-Louis, le 10 mars 1989, (au pénal et au civil)

- V Gérard, le 10 mars 1989 (au pénal et au civil)

- Le ministère public, le 15 mars 1989 contre H et V

Décision :

Après en avoir délibéré conformément à la loi.

En la forme :

La Cour, constate la régularité des appels interjetés, à l'encontre du jugement susvisé, par les prévenus ainsi que par le ministère public et, dès lors, les déclarera recevables en la forme.

Au fond :

Considérant que le magasin hypermarché à l'enseigne " C ", sis 5 rue de la Croix-Saint-Jacques à la ville du Bois (Essonne), et dont V Gérard assume la direction effective, est exploité par la SNC " C hypermarché " ayant pour gérant la SA " P ", dont H Paul-Louis est le président du conseil d'administration.

Qu'il ressort d'un contrôle opéré le 25 février 1988 dans les dépendances dudit magasin par les agents de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du département de l'Essonne, que, sur cent quatre vingt dix-sept produits faisant l'objet d'un dépliant publicitaire se rapportant - entre autres magasins exploités par le même groupe commercial - à l'établissement susvisé, trente-huit de ceux-ci comportaient apparemment un prix d'achat supérieur au prix de vente au public ;

Que l'examen par les enquêteurs des fiches de calculs des prix a, en effet, mis en évidence l'existence de diverses remises consenties par les fournisseurs et qui n'avaient pas été mentionnées dans la facturation des produits concernés destinée à l'hypermarché de la Ville du Bois, alors que lesdites remises, qui étaient en l'occurrence acquises et parfaitement déterminées quant à leurs montants, se trouvaient néanmoins prises en compte dans les calculs des prix d'achat effectifs de ces produits en vue de déterminer les prix de vente au public ;

Que les agents de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ayant ainsi constaté que les factures relatives à ces trente-huit produits ne répondaient pas aux dispositions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prévoyant que toute facture doit comporter notamment tous rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente, dressaient procès verbal, tant à l'encontre de V que de H, pour infraction aux règles de la facturation.

Considérant que, sur la base des constatations ainsi effectuées par les agents de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, V Gérard, pris en sa qualité de directeur de l'hypermarché " C " sis à la Ville du Bois, et H Paul-Louis, pris en sa qualité de président du conseil d'administration de la SA " P ", ont été, à la requête du ministère public, poursuivis devant le tribunal correctionnel, sous la prévention :

" d'avoir à la Ville du Bois, courant février, mars 1988, accepté et utilisé des factures non conformes à la réglementation prévue à l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ne comportant pas tous les rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente, pour les factures suivantes : factures du 04 08 88 La Martiniquaise, du 18 02 88 Garnier, du 10 02 88 Procter et Gamble France, du 22 02 88 Noky, du 29 02 88 Gringoire et Brossard, du 17 02 88 Nabisco, du 17 02 88 FBC France, du 18 02 88 Upsa, du 15 02 88 Taureau ailé, du 18 02 88 Général conserve, du 22 02 88 Benckiser Saint Marc, du 09 02 88 Colgate Palmolive, du 04 03 88 Williams Pitters, du 16 02 88 Andros, du 06 02 88 Terraillon, du 04 02 88 Emi Pathé Marconi, du 18 02 88 CGE, du 17 02 88 Mazda éclairage, du 01 02 88 Universal rasoirs, du 15 02 88 Diffusion Celor, du 04 03 88 Rica ... "

Considérant que H, pour résister à la poursuite et solliciter devant la Cour sa relaxe, fait valoir, outre la circonstance qu'il justifie avoir donné au directeur général de sa société, qui l'a acceptée, une délégation de ses pouvoirs pour mettre en œuvre au sein du groupe P une politique d'achat conforme à la réglementation économique, qu'il a, de surcroît, veillé personnellement à la mise en place de toutes les structures nécessaires pour qu'aucune infraction ne soit commise, de telle sorte que les infractions aux règles de la facturation dénoncées par la poursuite ne lui sont, en tout état de cause, pas personnellement imputables, dès lors que c'est en l'occurrence V qui, après avoir commandé et reçu la livraison à son magasin des produits, détenait les factures incriminées.

Considérant qu'il apparaît du dossier et des débats que les factures énoncées par la poursuite, et qui ont été établies par divers fournisseurs, ont été effectivement libellées au nom du magasin " C ", de la Ville du Bois dirigé par V ;

Que, dans ces conditions, et alors que cet établissement avait pris ainsi auprès de ses fournisseurs la qualité de cocontractant, H ne saurait être tenu pour pénalement responsable des infractions aux règles de la facturation relevées par la poursuite et qui, en l'occurrence, se rapportent aux seuls faits intervenus courant février et mars 1988 au sein dudit magasin.

Considérant, en revanche, et pour ce qui concerne V, force est de constater que ce dernier ne détenait pas pour trente-huit produits par lui commandés directement aux fournisseurs et offerts à la vente en son magasin, une facturation répondant aux prescriptions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Qu'au regard des obligations incombant au prévenu, en tant que cocontractant, aux termes de ces dispositions légales, est, tout d'abord, inopérant l'argument selon lequel la poursuite ne saurait prospérer à son encontre, dès lors que les fournisseurs, regardés par lui comme responsables des manquements aux règles de la facturation, ne sont pas attraits en la cause.

Que, par ailleurs, et contrairement à ce qui est aussi avancé par V, pour sa défense, force est de constater, qu'il n'est pas justifié, au terme des débats, que les fournisseurs, premiers responsables de ces manquements aux règles de la facturation, aient été mis impérativement en demeure, sous peine de rompre toutes relations commerciales, d'avoir à se conformer, en ce qui les concerne, à la réglementation économique;

Qu'au demeurant les documents versés aux débats, et dont la défense entend tirer argument, se rapportent à des mises en garde adressées à certains fournisseurs, soit concomitamment, soit le plus souvent postérieurement au relevé des infractions retenues par la poursuite.

Considérant que, dès lors, et tout en renvoyant H des fins de sa poursuite, la Cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a retenu V dans les liens de la prévention ;

Que les premiers juges ayant fait, une juste application de la loi pénale au prévenu, en le sanctionnant d'une amende d'un montant modéré, la Cour confirmera également sur ce point le jugement dont appel ;

Qu'il convient, en outre, compte tenu des circonstances de l'espèce, d'ordonner la dispense d'inscription de la condamnation à intervenir au bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé.

Par ces motifs et ceux non contraire des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en second ressort. Reçoit, en la forme, les appels des prévenus et du ministère public. Au fond, confirmant pour partie, réformant pour partie le jugement attaqué. Renvoie H Paul-Louis des fins de la poursuite. Déclare V Gérard coupable d'infraction aux règles de la facturation dans les termes de la prévention. Le condamne à la peine de cinq mille (5.000) francs d'amende. Ordonne la dispense d'inscription de cette condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Condamne V aux dépens envers l'Etat, de première instance et d'appel, liquidés à la somme de 1.034,61 F. Dit qu'il pourra être recouru, s'il y a lieu, à l'exercice de la contrainte par corps pour le recouvrement de l'amende et des frais de justice, dans les conditions fixées aux articles 749 et suivants du code de procédure pénale. Le tout en application de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 473, 474, 749 et suivants, 775-1 du code de procédure pénale.