CA Paris, 9e ch. A, 3 mars 1987, n° 86-1473
PARIS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Castres
Conseillers :
MM. Collomb-Clerc, Launay
Avocat :
Me Ryfman.
Rappel de la procédure :
Le jugement :
Le tribunal a rejeté les exceptions aux fins de nullité de la procédure.
A déclaré C Yolande coupable d'infraction aux règles de la facturation des prix, (faits commis à Paris, en 1981 et 1982),
Et par application des articles 1-5, 39-II, 45, 47, 49 alinéa 1, 51 de l'ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945 et 45, 48 de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945,
A condamné C Yolande à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et quarante mille (40.000) francs d'amende.
A déclaré la société SARL S, solidairement responsable.
A condamné C Yolande aux frais et dépens envers l'Etat liquidés à la somme de 368,56 F.
A fixé au minimum la durée de la contrainte par corps.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
- C Yolande, tant en son nom personnel que représentante légale de la SARL S, le 31 janvier 1986.
- M. le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris, le même jour.
Décision :
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
La prévenue, C Yolande, prise tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentant légal de la SARL S, et le ministère public ont régulièrement interjeté appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de Paris (31e chambre) en date du 23 janvier 1986 qui, pour infraction aux règles de la facturation sur les prix, a condamné la prévenue aux peines de trois mois d'emprisonnement avec sursis et 40.000 F d'amende et déclaré la SARL S solidairement responsable du paiement de l'amende et des frais.
Les premiers juges ayant exactement rappelé la procédure et les termes de la prévention ainsi que les faits de la cause, la Cour s'en rapporte, sur ces points, aux énonciations du jugement entrepris dont il résulte, pour l'essentiel, les faits ci-après et y ajoute en tant que de besoin.
Sur les exceptions de nullité de la procédure :
Avant tout débat au fond, la prévenue a soulevé deux exceptions de nullité de la procédure, motifs pris de ce que, d'une part, P, gérant de la SARL " B " n'a pas été poursuivi dans le cadre de cette procédure comme coauteur de l'infraction qui lui est imputée, d'autre part, les poursuites diligentées à l'encontre de la prévenue l'auraient été en violation de la convention européenne des droits de l'homme.
Yolande C a fait déposer, à cet effet, des conclusions dans lesquelles elle reprend, en substance, l'argumentation qu'elle a adoptée en première instance et auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé circonstancié des motifs de nullité invoqués ; la Cour observe que la prévenue n'a apporté, au soutien de ses affirmations, aucun élément de nature à justifier celles-ci et à faire échec aux motifs clairs et pertinents du jugement critiqué par lequel les premiers juges ont estimé la procédure régulière et dont il est fait, par suite, adoption.
La Cour ne peut, dès lors, que passer outre à ces exceptions en les rejetant.
Sur l'application aux faits dénoncés par la poursuite de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, relative à la liberté des prix et de la concurrence et publiée au Journal Officiel du 9 décembre 1986 :
La prévenue a sollicité, à titre subsidiaire, l'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 comme ne prévoyant plus pour les faits dont s'agit, qu'une peine d'amende.
La Cour observe que Yolande C a été poursuivie, pour infraction aux règles de la facturation des prix, en vertu des dispositions des articles 46 à 48 de l'ordonnance du 30 juin 1945, relative aux prix, et 1-5°, 45, 47, 49 alinéa 1, 51 de l'ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945, relative à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique.
La Cour constate que l'ordonnance du 1er décembre 1986 abroge, en son article 1°, l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 et, en son article 57, l'ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945.
Elle remarque que les faits retenus à la charge de Yolande C, sous l'empire des dispositions ainsi abrogées, sont, désormais, expressément visés, sous la même qualification, par l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée qui ne les sanctionne plus que d'une peine d'amende de 5.000 F à 100.000 F alors que la peine antérieurement applicable était de quinze jours à trois mois d'emprisonnement et de 60 F à 40.000 F d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement. Il s'ensuit que l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui a force de loi, ayant abaissé le maximum de la peine encourue, doit être considérée comme " plus douce ", et, par suite, rétroactivement appliquée aux faits commis avant sa promulgation.
Au fond :
Lors d'une intervention effectuée dans les locaux commerciaux de la SARL B, gérée par P Miroslav, entrepreneur de confection à façon et non en cause dans la présente procédure, les enquêteurs du service régional de Police Judiciaire devaient constater que cette société se livrait à des travaux de confection de vêtements pour le compte d'entreprises parisiennes et notamment, la SARL S, dont la prévenue est gérante, qui la fournissaient en matières premières.
Les enquêteurs remarquaient que, sur certaines factures adressées aux clients dont la SARL S, la désignation des vêtements ne figurait que sous la dénomination de " pièces " ; ils découvraient en outre, au siège de la société S diverses factures émanant de façonniers autres que la SARL B et sur lesquelles les articles étaient également désignés sous la seule appellation de " pièces " ;
Selon les déclarations de P, celui-ci, à la demande de certains de ses clients, parmi lesquels Yolande C, établissait les factures de manière " imprécise ", c'est-à-dire en augmentant le prix de la façon et en diminuant le nombre de vêtements assemblés sans modifier le montant de la facture, afin de leur permettre " de faire assembler des vêtements au noir " ; c'est dans ces conditions, indiquait-il, qu'il avait dressé les factures litigieuses à la SARL S.
Devant la Cour, Yolande C a fait plaider sa relaxe en présentant les arguments qu'elle avait déjà fournis tant au cours de l'enquête préliminaire que devant le tribunal.
Réfutant formellement les arguments de P, elle a allégué que lorsqu'elle avait créé la société S, en 1981, elle n'avait pas prêté attention au libellé des factures qu'elle recevait des façonniers avec la mention " pièces " au lieu de celle correspondant à la nature des articles concernés, n'étant pas au courant alors de la réglementation applicable à la rédaction des factures.
Elle a fait valoir que la plupart des façonniers étant d'origine étrangère et connaissant mal le français, l'appellation générale de " pièces " était usuelle et qu'il lui était aisé, quant à elle, de faire la ventilation, à la réception de la facture, entre les modèles regroupés sous ladite appellation par les prix unitaires.
La Cour relève que l'argument tiré par la prévenue de sa bonne foi ne saurait par lui-même suffire à l'exonérer des fins de la poursuite, compte tenu des exigences impératives de l'article 47 de l'ordonnance 45-1485 du 30 juin 1945, reprises par l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
L'infraction se trouve, en effet, caractérisée dès lors qu'elle a accepté, en couverture de travaux à façon, des factures irrégulières au regard dudit article 31 comme ne comportant pas la " dénomination précise " des articles en cause.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur la déclaration de culpabilité.
Sur la peine :
La Cour, eu égard aux éléments de l'espèce, à l'absence de renseignements défavorables sur le compte de la prévenue et au fait qu'elle n'a pas d'antécédents judiciaires, la fera largement bénéficier des circonstances atténuantes en ne lui infligeant qu'une amende modérée, sans qu'il y ait lieu, toutefois, d'accueillir la demande présentée par Yolande C aux fins de dispense d'inscription de cette condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire.
Sur les demandes de l'administration :
Le représentant de la Direction Générale de la Concurrence et de la Consommation conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré la SARL S solidairement responsable avec la prévenue en application de l'article 56 de l'ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945.
La Cour condamnera la SARL S, solidairement avec C Yolande et sur le fondement de l'article 54 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 précitée, au paiement de l'amende prononcée à l'encontre de la prévenue.
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en second ressort, En la forme : Reçoit les appels de la prévenue, prise en son nom personnel et ès qualités de représentant légal de la SARL S, ainsi que le ministère public. Rejette les exceptions de nullité de procédure soulevées par la prévenue. Au fond : Confirmant, sur la déclaration de culpabilité, le jugement dont appel, Condamne C Yolande à la peine de deux mille (2.000) francs d'amende. Dit n'y avoir lieu à dispense d'inscription de cette condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire de Yolande C. Déclare la SARL S solidairement responsable avec C Yolande au paiement de l'amende prononcée à l'encontre de celle-ci. Condamne Yolande C aux frais et dépens envers l'Etat, de première instance et d'appel, liquidés à la somme de 1.037,40 F. Dit qu'il pourra être recouru, dans les conditions fixées aux articles 749 et suivant du code de procédure pénale, pris dans leur rédaction applicable depuis le 1er février 1986, à l'exercice de la contraint par corps pour le recouvrement de l'amende et des frais de justice. Le tout par application des articles 463 du code pénal, 1er, 31, 54, 57 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, 749 et suivants du code de procédure pénale.