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Décisions

CA Chambéry, ch. corr., 22 novembre 1990, n° 450-90

CHAMBÉRY

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Palisse

Conseillers :

MM. Rogier, Clergue

Avocat :

Me Aufrant.

TGI annecy, ch. corr., du 13 oct. 1989

13 octobre 1989

LA COUR :

Attendu que par jugement en date du 13 octobre 1989 le Tribunal Correctionnel d'Annecy a déclaré Pascal X coupable :

- d'avoir à Metz-Tessy et dans les départements de l'Isère, du Rhône, du Doubs, de la Drôme, de l'Ardèche, des Hautes-Alpes, de la Savoie, courant 1987 et 1988, imposé directement ou indirectement un caractère minimal au prix de revente d'un produit, en l'espèce sur du matériel de sport ;

Infraction prévue et réprimée par l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Qu'en répression, le Tribunal l'a condamné à la peine de 100 000 F d'amende ;

Attendu que sur la constitution de partie civile du Syndicat des Consommateurs et Usagers d'Annecy et de ses environs, il a été statué ainsi qu'il suit :

" Reçoit Monsieur Cattin Claude, agissant en sa qualité de représentant légal du Syndicat des Consommateurs et Usagers d'Annecy et de ses environs, en sa constitution de partie civile ;

Condamne Monsieur X à payer à Monsieur Cattin Claude représentant légal du Syndicat des Consommateurs et Usagers d'Annecy et de ses environs la somme de 500 F à titre de dommages-intérêts ;

Ordonne aux frais du condamné l'insertion de la présente décision dans le Bulletin du Consommateur ;

Dit que le coût de cette insertion ne devra pas dépasser la somme de 700 F ; "

Attendu qu'il a été interjeté appel de cette décision par le prévenu le 23 octobre 1989 et par le Ministère Public le 24 octobre 1989 ;

Attendu que de la procédure et des débats résultent les faits suivants :

A la suite de plaintes de consommateurs, les Directions Départementales de la Concurrence et de la Consommation effectuaient des enquêtes dans les départements du Rhône, de l'Isère, de l'Ardèche, de la Drôme, du Doubs, de la Savoie et des Hautes Alpes, sur les prix pratiqués par les détaillants sur le matériel de ski de marque Y ;

Ces enquêtes révélaient, pour la saison 1987-1988, que les prix pratiqués étaient identiques sur 74 points de vente et 1143 prix relevés, seuls 19 étaient différents du prix indiqué par Y ;

Entendus, de nombreux revendeurs faisaient état de consignes strictes données au cours de réunions ou de stages. Certains précisaient que la société Y les avaient informés qu'en cas de non respect ils couraient le risque de ne pas être livrés, ou de voir le matériel repris et qu'ils étaient invités à dénoncer les concurrents qui ne respecteraient pas les prix imposés ;

Attendu que X demande l'infirmation du jugement déféré et sa relaxe ; qu'il soutient que les éléments légaux de l'infraction ne sont pas réunis, en l'absence d'imposition directe ou indirecte des prix, qu'il n'est pas établi un seul cas de rétorsion, que le recours par la société Y à des contrats de distribution sélective et à des prix conseillés est parfaitement licite et qu'en tout cas, il n'y a pas eu d'intention de sa part ;

Attendu que les premiers juges ont à raison relevé que l'importance numérique des contrôles effectués et les déclarations d'un nombre important de revendeurs excluaient toute coïncidence ;

Attendu que l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 interdit toute imposition directe ou indirecte d'un prix de revente minimum; qu'il n'est pas exigé par ce texte que les pressions exercées sur les revendeurs prennent une ou des formes particulières; que s'agissant d'une pratique illicite, elles sont nécessairement plus ou moins dissimulées;

Attendu que les déclarations de nombreux revendeurs et les prix de détail relevés démontrent que la société Y a fait pression sur ses revendeurs pour qu'ils appliquent strictement des prix qui n'étaient officiellement qu'indicatifs, en les menaçant de rétorsions commerciales; qu'il importe peu que ces mesures de rétorsion n'aient pas été effectivement appliquées, ne serait-ce que parce que les prix imposés ont été dans la très grande majorité des cas respectés;

Attendu qu'il n'est pas reproché au prévenu d'avoir fait souscrire aux revendeurs des contrats dits de détaillant agréé, constituant des contrats de distribution sélective, ni d'avoir annexé à ces contrats des prix indicatifs ;

Attendu que X ne conteste pas qu'il était au sein de la société Y responsable des ventes en France et des relations avec les revendeurs ; que l'existence de pressions exercées sur les revendeurs pour qu'ils respectent les prix fixés par la société Y, implique de sa part, l'intention morale de commettre l'infraction ;

Attendu, en conséquence, que le jugement doit être confirmé en ce qui concerne la culpabilité;

Attendu, en revanche, que le maximum de la peine a été prononcé ; qu'il existe cependant des circonstances atténuantes ; que X n'était qu'un salarié de la société Y, en sorte que l'infraction n'a pas été commise à son profit, alors surtout qu'il a fait depuis, l'objet d'un licenciement économique ; qu'il convient de modérer la peine prononcée ;

Attendu que les premiers juges ont justement apprécié le préjudice de la partie civile ; que de ce chef, leur décision doit être confirmée ;

Par ces motifs : LA COUR : Statuant publiquement et contradictoirement ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ; Reçoit les appels comme réguliers en la forme ; Au fond : Confirme le jugement du Tribunal correctionnel d'Annecy en ce qu'il a déclaré Pascal X coupable des faits qui lui sont reprochés, ainsi qu'en toutes ses dispositions civiles ; L'infirme sur la peine et statuant à nouveau ; Condamne, en répression, Pascal X à la peine de trente mille francs (30 000 F) d'amende ; Le condamne aux dépens. Le tout par application des articles 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 473 et 477 du Code de Procédure Pénale, dont lecture a été faite à l'audience par Monsieur le Président.