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Décisions

CA Versailles, 9e ch., 30 mai 1991, n° 265

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Jean Chapelle (SA), Procureur général près la Cour d'appel de Versailles

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Belleau

Conseillers :

MM. Ducomte, Marill

Avocat :

Me Karsenty.

TGI Nanterre, 15e ch., du 16 oct. 1990

16 octobre 1990

LA COUR,

Après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant que l'appel principal interjeté par X et par la société Y France à l'encontre des dispositions tant pénales que civiles du jugement entrepris et sur les appels incidents du Ministère Public et de la société Jean Chapelle ;

Considérant qu'aux termes d'une citation directe du 5 septembre 1990, la société anonyme Jean Chapelle, spécialisée dans la vente en discount de matériel Hi-Fi, vidéo ou de TV, poursuit X sous la prévention d'avoir à Colombes, depuis le début du mois de janvier 1990, en sa qualité de PDG de la société Y France :

1°) imposé directement ou indirectement un prix de revente minimum ou une marge minimum de revente aux produits qu'elle commercialise,

2°) établi des factures non conformes aux prescriptions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

faits prévus et punis par les articles 34 et 31 de cette ordonnance ;

Considérant que X et la société Y France, celle-ci attraite comme civilement responsable, concluent à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite exercée pour facturation incomplète ; qu'ils sollicitent la réformation pour le surplus, demandant de relaxer X du chef d'imposition d'un prix de vente minimum et de débouter la société Jean Chapelle de toutes les fins de son action civile ; qu'ils réclament enfin l'allocation de 10 000 F en vertu de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;

Considérant que le Ministère Public, appelant en seconde part, s'en rapporte à l'appréciation de la Cour ;

Considérant que la société Jean Chapelle, troisième appelante, souhaite voir retenir X dans tous les liens de la prévention ; qu'elle demande que les dommages et intérêts que les premiers juges lui ont alloués soit portés de 20 000 F à 150 000 F ; qu'elle réclame la publication de la décision à intervenir aux frais de la société Y dans les journaux Les Echos, Le Monde et Le Figaro ; qu'elle entend enfin se voir allouer une somme complémentaire de 10 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;

Considérant que les appels, régulièrement interjetés dans le délai légal, sont recevables en la forme ;

1°) Sur l'imposition à une société de discount d'un prix de vente minimum :

Considérant qu'à l'assignation introductive d'instance sont annexés des extraits des " conditions générales de vente " Janvier 1990 " offertes par Y France à sa clientèle ;

Considérant que la société Jean Chapelle se fonde sur ce document pour critiquer les remises qu'elles soient qualifiées " de base ", "qualitatives ", " spécifiques " ou " différées " proposées par Y France ; qu'elle fait grief à la société Y France de pratiquer une politique commerciale qui la contraindrait à fixer ses prix de revente en se référant à un prix d'achat dont le niveau n'est pas connu avec certitude et qui sera vraisemblablement réduit ultérieurement ; qu'elle allègue qu'elle est ainsi amenée à fixer ses prix bien au-delà du seuil de la revente à perte ; qu'elle avance qu'une telle pratique, quant elle concerne un distributeur spécialisé dans le discount, met obstacle au jeu de la libre concurrence ;

Mais considérant que les " remises de base " proposées à tous les détaillants sont clairement fixées à 20 % ;

Considérant que les remises qualitatives relatives à une spécialisation, à une " mise en avant " ou à un service d'information de la clientèle sont à l'évidence déterminables dès le jour de l'achat des produits, de même que les remises spécifiques accordées pour telle ou telle catégorie de marchandise; qu'il relève en effet de la seule volonté commerciale du distributeur d'assurer un service de démonstration, un service après-vente, ou de participer à une opération publicitaire de lancement; qu'il suffit pour cela qu'il se dote du personnel et du matériel correspondant aux prestations qu'il prend en charge ; qu'il importe peu que ces remises ne soient réglées, pour certains produits, que par avoirs mensuels dès lors que leur niveau est connu dès le moment où la commande est souscrite;

Considérant qu'aux termes de l'extrait des conditions de vente de Y France soumises à la Cour des remises différées sont consenties au détaillant si le chiffre d'affaires par lui réalisé l'année précédente, en l'espèce l'année 1989, a dépassé le seuil de 700 000 F; que leur calcul arithmétique est très simple et se déduit d'une simple référence comptable;

Considérant qu'une seule prime, dite d'expansion d'un montant de 1 % ou de 2 %, relative à l'expansion du chiffre d'affaires après la date de facturation, ne peut être incluse dans le prix de revient car de toute évidence elle est aléatoire pour les deux co-contractants ;

Mais considérant qu'il est paradoxal de soutenir qu'en la consentant le fournisseur a la volonté d'abuser d'une position de force et de contrôler le marché, alors qu'au contraire elle est allouée gracieusement pour saluer les efforts d'un détaillant dynamique et l'encourager à les poursuivre ; qu'il ne dépend que de lui d'y renoncer ;

Considérant que l'intention frauduleuse est une condition nécessaire du délit prévu à l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'elle fait manifestement défaut en l'espèce ;

Considérant qu'il s'en suit que ni l'élément matériel du délit, ni l'élément intentionnel ne sont réunis en l'espèce; que le jugement sera réformé et le prévenu relaxé ;

2°) Sur le délit de facturation imprécise :

Considérant qu'aux termes d'une citation directe exagérément extensive, la société Jean Chapelle reproche à X de ne s'être pas conformé aux prescriptions réglementaires de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais considérant qu'un tel grief est purement abstrait dès lors qu'aucune facture n'a été jointe à l'assignation introductive d'instance ; que la décision de relaxe sera confirmée de ce chef ;

3°) Sur les intérêts civils :

Considérant que du mal fondé de la prévention découle nécessairement celui des actions civiles intentées par la société Jean Chapelle ;

Considérant que la société Jean Chapelle qui sera condamnée aux dépens ne peut prétendre au bénéfice de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;

Considérant que ni X ni la société Y France n'ont la qualité de partie civile ; qu'ils ne peuvent pas davantage se prévaloir de ce texte ;

Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard du civilement responsable et de la partie civile, contradictoirement en vertu des dispositions de l'article 411 du Code de Procédure Pénale à l'égard du prévenu ; En la forme : Dit les appels recevables ; Au fond : Sur l'action publique : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé partiellement X ; Réformant pour le surplus, Renvoie X des autres fins de la poursuite ; Sur l'action civile : Réformant, Déboute la société Jean Chapelle des fins de son action civile ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ; Condamne la société Jean Chapelle aux frais et dépens avancés par l'Etat et liquidés à la somme totale de 915,76 F.