Cass. com., 7 février 1995, n° 93-16.334
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Chapelle, Jean Chapelle (SA)
Défendeur :
Sony France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Léonnet
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
Me Choucroy, SCP Célice, Blancpain.
LA COUR : - Sur le moyen unique pris en ses deux branches : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Versailles, 29 avril 1993) que M. Jean Chapelle, qui exploite à Paris, un fonds de commerce de vidéo, télévision, et audiovisuel, en qualité de détaillant, a assigné en 1989 la société Sony France en annulation de ses conditions générales de vente au 1er janvier 1989, qu'il estimait contraire aux dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur les prix et la concurrence, et à l'allocation d'une somme de un franc à titre de dommages-intérêts ; que la société Jean Chapelle à laquelle il a cédé son fonds de commerce en 1989 est intervenue en cours d'instance pour s'associer à ces demandes ;
Attendu que M. Jean Chapelle et la société Jean Chapelle font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables leurs demandes alors selon le pourvoi, d'une part, que l'action en réparation des préjudices nés de pratiques discriminatoires est ouverte à toute personne justifiant d'un intérêt, c'est-à-dire à toute victime de la discrimination, ou à tout concurrent d'un bénéficiaire de la discrimination ; que les pratiques discriminatoires alléguées, sur lesquelles la cour d'appel ne s'est pas prononcée au fond, consistaient d'une part dans des conditions de vente pénalisant certaines méthodes de vente, et notamment les ventes " discount ", et d'autre part, dans des dérogations faisant supporter cette pénalisation à M. Jean Chapelle et à la société Jean Chapelle ; qu'il en résultait la mise hors marché de M. Jean Chapelle et de la société Jean Chapelle, et l'impossibilité pour ceux-ci de passer des commandes à la société Sony, à peine de se voir imposer des conditions de vente insupportables sur le plan de la concurrence, ce qui caractérisait un intérêt à agir nonobstant l'absence de toute commande pour la période considérée ; qu'ainsi, en refusant à M. Jean Chapelle et à la société Jean Chapelle le droit d'agir en réparation du préjudice à eux causé par leur mise hors marché en raison des critères discriminatoires d'application des conditions de vente Sony, qui rendaient ces conditions illicites, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, d'autre part, qu'en ne justifiant pas en quoi les actions engagées par " le groupe Chapelle " devant les juridictions compétentes pour faire cesser les pratiques discriminatoires dont il était l'objet et obtenir réparation, auraient été de nature à priver M. Jean Chapelle et la société Chapelle de leur droit d'agir en justice, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'objet du litige tendait à l'annulation des conditions générales de vente de la société Sony France applicables à compter du 1er janvier 1989, et que M. Chapelle et la société Chapelle ne démontraient pas, pendant la période litigieuse, avoir passé des commandes à la société Sony France ou que cette dernière ait refusé de les livrer, la cour d'appel, après avoir relevé qu'ils n'apportaient au soutien de leurs demandes que " des références purement abstraites " a, abstraction faite d'un motif surabondant concernant les actions en justice intentées par M. Chapelle ou les sociétés dont il est actionnaire, légalement justifié sa décision en déclarant irrecevables leurs demandes pour défaut d'intérêt à agir au sens de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.