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Décisions

Cass. crim., 17 juin 1985, n° 84-93.193

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Escande

Rapporteur :

M. Tacchella

Avocat général :

M. de Sablet

Avocat :

SCP Guiguet Bachellier Potier de la Varde

TGI Metz, ch. corr., du 3 févr. 1983

3 février 1983

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par K (Manfred), la société F, civilement responsable de ce dernier, contre un arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle en date du 26 avril 1984 qui, du chef de refus de communication des conditions de vente ainsi que pour pratique de prix et conditions de vente discriminatoires a condamné K à 2 000 francs d'amende, a dit la société F civilement responsable de son préposé, et sur l'action civile exercée par la société Hudin, a ordonné avant dire droit une expertise comptable. - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation commun aux deux demandeurs, et pris de la violation des articles 37 1 / et 42 de la loi du 27 décembre 1973, 40 de l'ordonnance 1484 du 30 juin 1945 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de pratiques de prix et conditions de vente discriminatoires et l'a condamné à 2 000 francs d'amende, ordonnant une expertise comptable sur l'action civile ;

" aux motifs qu'il ne ressort nullement des documents produits notamment de la correspondance échangée entre les parties que le bénéfice de la tranche la plus favorable ne soit accordé qu'aux seuls commerçants stockistes ;

" alors que les remises accordées par la société F à ses revendeurs tenant compte du chiffre d'affaires réalisé par ces derniers et les parties étant en désaccord sur le montant exact du chiffre d'affaires réalisé par la société Hudin, qui selon celle-ci devait inclure le chiffre d'affaires réalisé par une société Bouler, livrée directement par la société F et qui selon cette dernière ne comprenait que le chiffre d'affaires réalisé directement par la société Hudin, la cour d'appel, qui, en ordonnant une expertise aux fins d'évaluation du préjudice subi par la société Hudin a nécessairement admis que le chiffre d'affaires réalisé par celle-ci n'était pas connu, ne pouvait déclarer le délit constitué sans s'expliquer sur le montant exact de ce chiffre d'affaires ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le second moyen de cassation commun aux deux demandeurs, et pris de la violation des articles 37 et 42 de la loi du 27 décembre 1973, 40 de l'ordonnance 1484 du 30 juin 1945 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de refus de communication du barème de prix et conditions de vente et l'a condamné à 2 000 francs d'amende, ordonnant une expertise comptable sur l'action civile ;

" aux motifs que le délit est constitué dès lors que le prévenu n'a pas remis l'intégralité du barème et a ainsi privé la société Hudin de la possibilité d'améliorer ses achats et de profiter de prix plus intéressants ; que la société Hudin, lorsqu'elle a eu connaissance de la totalité des conditions, a pu constater et faire admettre qu'elle a été lésée, et ainsi obtenir réparation par voie de transaction ;

" alors qu'en statuant ainsi sans rechercher si K n'avait pu de bonne foi considérer que le chiffre d'affaires de la société Hudin étant inférieur au seuil de 300 000 francs ouvrant droit à la remise de 16 % il était inutile de porter à sa connaissance l'existence de cette remise et si cette croyance - erronée ou non - n'était pas exclusive de toute intention délictueuse, la cour d'appel n'a pas donne de base légale à sa décision ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué comme du jugement qu'il a confirmé dans toutes ses dispositions et dont il a repris les motifs que K Manfred a été cité devant le tribunal correctionnel pour avoir, courant 1979, refusé de communiquer à l'un de ses clients, la société Hudin, ses barèmes et conditions de vente, et pour avoir, durant la même période, pratiqué des prix et conditions de vente discriminatoires en refusant au même client les remises correspondant au chiffre d'affaires par lui réalisé l'année précédente, délits prévus et punis par les articles 37 de la loi du 27 décembre 1973, 1 et 40 de l'ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945 ; que de son côté la société F a été poursuivie devant la juridiction pénale comme civilement responsable de son préposé K ;

Attendu que pour dire K coupable des faits visés à la prévention, la responsabilité civile de la société l'employant n'étant pas remise en cause par les moyens proposés, les juges du fond énoncent d'abord que la société F, fabricante d'articles de serrurerie avait depuis plusieurs années comme cliente la société Hudin dont l'activité consistait à vendre en gros de la quincaillerie ; que courant 1979 la première de ces deux entreprises et son dirigeant K Manfred ont modifié le système de bonification accordé jusque là à l'ensemble de leur clientèle et ont décidé de classer celle-ci en cinq catégories différentes bénéficiant de remises variant dès lors entre 18 et 7 %, lesdites catégories se différenciant les unes des autres par notamment la prise en compte du chiffre d'affaires réalisé l'année précédente par le client intéressé avec son propre fournisseur ; que constatant en 1979 que la remise dont elle bénéficiait était inférieure à celle des années précédentes, la société Hudin a demandé à la société F par lettre du 28 juillet 1979 communication du barème applicable, tandis que cette dernière lui répondait par courrier du 4 septembre 1979 et sous la signature de K, mais en omettant de faire figurer dans le document transmis l'une des catégories, à savoir la deuxième, dans laquelle précisément se situait la société Hudin ; que K en omettant de faire figurer dans le barème adressé tant cette catégorie de clients que la remise qui leur était attribuée au vu de leur chiffre d'affaires, avait usé d'une réticence intentionnelle nullement justifiée par ses explications à l'audience ; querien en tout cas n'autorisait le prévenu qui connaissait le chiffre d'affaires exact de la société Hudin, à communiquer à son correspondant et co-contractant des renseignements tronqués destinés à l'induire en erreur; que les juges ajoutent ensuite que la pratique de prix et conditions de vente discriminatoires, seconde infraction dont K avait à répondre, était démontrée dès lors qu' il était établi, ce qui était le cas de l' espèce, qu'il avait refusé d'octroyer à la société Hudin la remise de 15 % consentie à tous les clients figurant dans la deuxième catégorie super A et qu'il lui avait imposé l'allocation d'une remise réduite à 13 % attachée à la clientèle du troisième groupe dit clients A, en motivant son refus réitéré par une prétendue condition de stockage non remplie par la société Hudin, alors que cette clause conditionnelle et accessoire n'intéressait que la clientèle de la première catégorie dite pilote, laquelle pouvait ainsi obtenir la remise maxima prévue, soit 18 %;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et constatations desquelles il résulte que sont établis les éléments constitutifs tant matériels qu'intentionnels des deux infractions dont K a été déclaré coupable, la cour d'appel a justifié sa décisionsans encourir les griefs articulés aux moyens lesquels tentent en vain de remettre en cause devant la cour de cassation les éléments de fait retenus à charge par les juges du fond ; que des lors les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois.