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Décisions

CA Besançon, 1re ch. civ., 12 septembre 1995, n° 972-95

BESANÇON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Centrale d'Achats des Chirurgiens-Dentistes Alpha GACD (SA), Promodentaire (SA)

Défendeur :

Microméga (SA), Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Doubs

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grange

Conseillers :

Mme Credoz, M. Deglise

Avoués :

SCP Leroux-Meunier, Me Graciano

Avocats :

Mes Levy, Bertzil

T. com. Besançon, du 10 oct. 1994

10 octobre 1994

La société Micro-Mega est spécialisée dans la fabrication de fournitures (instruments dits " à canaux ", pièces " à mains " etc ...) destinés aux laboratoires et cabinets dentaires.

Les Sociétés GACD et Promodentaire commercialisent des fournitures dentaires par catalogues de vente par correspondance.

En octobre 1992, la société GACD est intervenue auprès de la Société Micro-Mega, estimant que le tarif qui lui était appliqué était discriminatoire par rapport au tarif appliqué à ses " concurrents de même niveau ".

N'ayant pas obtenu de baisse de tarif, la Société GACD, avec la Société Promodentaire qui se trouvait dans la même situation, a fait assigner en référé la société Micro-Mega, afin d'obtenir l'arrêt de pratiques considérées comme discriminatoires.

Le Président du Tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent au profit du Président du Tribunal de commerce de Besançon.

Celui-ci, par ordonnance du 1er février 1993, a débouté les sociétés GACD et Promodentaire.

Sur appel, la Cour de Besançon, par arrêt du 16 février 1994, a déclaré irrecevables en leurs demandes les sociétés GACD et Promodentaire, en raison de la nécessité de trancher le litige au fond.

Ces sociétés ont dès lors porté leur action devant le Tribunal de commerce de Besançon aux fins de voir :

- pour l'avenir, ordonner la cessation des prix discriminatoires considérés comme injustifiés, à leur égard,

- pour le passé, condamner la société Micro-Mega, en application de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à réparer le préjudice subi du fait de cette discrimination, et confier l'évaluation de ce préjudice à un expert.

Par jugement du 10 octobre 1994, le Tribunal de commerce de Besançon a :

- débouté les sociétés GACD et Promodentaire de l'ensemble de leurs demandes,

- reçu la société Micro-Mega dans sa demande reconventionnelle et dit que cette dernière avait été publiquement dénigrée,

- condamné en conséquence la société GACD à payer à la société Micro-Mega la somme de 1 F à titre de dommages et intérêts,

- condamné les sociétés GACD et Promodentaire à payer chacune à la société Micro-Mega 8 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Les sociétés GACD et Promodentaire ont relevé appel de cette décision, soutenant que :

- la société Micro-Mega a pratiqué à leur égard des prix discriminatoires injustifiés, tant pendant la période antérieure à la conclusion par la société Micro-Mega de contrats de " conditions de distribution " avec certains de ses distributeurs, que postérieurement et jusqu'à ce jour,

- le système prétendument mis en place par lesdits contrats ne constitue pas une circonstance justificative de la pratique discriminatoire mise en cause,

- la société Micro-Mega a fait une application discriminatoire abusive de ses propres critères de tarification au détriment des sociétés appelantes,

- la société Micro-Mega ne fournit pas la preuve de l'existence, du nombre et du coût des représentants dentaires, ni de la proportion de leur activité qu'ils consacreraient à la promotion des produits de sa marque,

- les pratiques tarifaires de la société Micro-Mega ont un effet anticoncurrentiel dont les sociétés appelantes subissent le préjudice.

Elle demande à la Cour :

- de condamner la société Micro-Mega en application de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 à leur appliquer à l'avenir ses conditions tarifaires selon les mêmes critères qu'à ses autres distributeurs, sous astreinte de 1 000 F par infraction constatée,

- à cette fin, en raison du fait qu'elles ne disposent pas de la totalité des éléments permettant de chiffrer leur préjudice, de désigner un expert ayant pour mission de se rendre dans les locaux où la société Micro-Mega tient sa comptabilité et de se faire communiquer tous les éléments permettant de déterminer les prix auxquels les concurrents de même niveau payent réellement les produits également achetés par les sociétés GACD et Promodentaire, et ce depuis l'origine des relations entre les parties,

- de dire qu'il n'y a eu aucun dénigrement publié de la société Micro-Mega par la société GACD et qu'il n'est dû nulle réparation à ce titre,

- de condamner la société Micro-Mega, au paiement de la somme de 40 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

La Direction Générale de la Concurrence et de la Consommation est intervenue devant la Cour, estimant :

- qu'il n'est pas établi que les sociétés appelantes soient inaptes à offrir les services de proximité et de conseil rendus par les dépôts dentaires,

- qu'en outre, l'importance de ces services est très relative, puisque le vrai " savoir-faire " professionnel incombe aux chirurgiens-dentistes eux-mêmes,

- que les contrats de coopération commerciale passés par la société Micro-Mega avec certains distributeurs ne peuvent justifier après coup les différences de traitement appliquées pendant de longues années aux sociétés demanderesses,

- que ces contrats ne sauraient justifier les pratiques discriminatoires postérieures à leur conclusion,

- qu'en effet, ces contrats ne pourraient justifier des différences de traitement accordées à certains distributeurs que s'ils mentionnaient l'existence de services spécifiques (remises au titre de la coopération commerciale)

- que ces contrats ne pourraient justifier des différences de traitement accordées à certains distributeurs que s'ils instituent des contreparties réelles aux tarifs privilégiés offerts.

Elles demandent à la Cour :

- de constater que le comportement de la société Micro-Mega à l'égard des sociétés GACD et Promodentaire constitue une pratique discriminatoire au sens de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

- d'enjoindre à la société Micro-Mega d'établir un barème comprenant les rabais et remises consentis par elle et d'en faire une application non discriminatoire à l'égard des sociétés GACD et Promodentaire.

Enfin, la société Micro-Mega soutient :

- que les sociétés appelantes font une fausse application des règles en matière de concurrence,

- qu'elles ne démontrent pas l'existence d'une discrimination injustifiée et abusive qui pourrait entraîner la responsabilité de la société Micro-Mega,

- qu'elles ne démontrent aucun préjudice ou désavantage et qu'au contraire l'octroi des avantages demandés par les appelantes perturberait le marché et la concurrence,

- qu'elles cherchent à obtenir des avantages injustifiés de la part de la société Micro-Mega, en s'affranchissant de souscrire les engagements qui sont la contrepartie des avantages demandés,

- que par une analyse particulièrement réductrice des conditions du marché et des situations de concurrence en présence, les appelantes sont conduites à nier leur propre spécificité et l'originalité de leur méthodes de vente pour prétendre, contre toute vérité, en tant qu'entreprise de vente par correspondance, qu'elles doivent être assimilées d'emblée aux distributeurs qui vendent par des moyens de commercialisation traditionnels,

- que les sociétés GACD et Promodentaire ont adopté à l'égard de Micro-Mega une attitude exclusive de toute volonté de dialogue pour se livrer au dénigrement de Micro-Mega auprès de l'ensemble de sa clientèle.

Elle demande à la Cour :

- de confirmer le jugement du Tribunal de commerce en ce qu'il a débouté les sociétés GACD et Promodentaire de leurs prétentions,

- de déclarer la demande visant à fixer le prix de vente indéterminée et irrecevable,

- de débouter les sociétés GACD et Promodentaire, ainsi que la Direction générale de la Concurrence et de la Consommation de l'ensemble de leurs demandes,

- de faire injonction sous astreinte de 5 000 F par jour de retard à GACD et Promodentaire de produire les 4 derniers bilans annuels complets et certifiés conformes avec les rapports de gestion,

- de réformer cette décision sur le montant des dommages et intérêts et de condamner la société GACD à payer à Micro-Mega 300 000 F à titre de dommages et intérêts,

- de condamner les sociétés GACD et Promodentaire à lui payer 40 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

DECISION DE LA COUR

Attendu qu'il convient d'observer en premier lieu que la société Micro-Mega ne conteste pas pratiquer des tarifs différents pour les sociétés GACD et Promodentaire d'une part, et pour les dépôts dentaires d'autre part ;

Que ces pratiques tarifaires étaient d'ailleurs reconnues au moins implicitement dès le 10 novembre 1992 par la société Micro-Mega lorsqu'elle écrivait à la société GACD que celle-ci ne pouvait comparer les services qu'elle offrait avec ceux qui étaient fournis par les dépôts dentaires, ces derniers n'étant pas considérés comme des clients de même niveau ;

Que, dans ses conclusions récapitulatives devant la Cour, la société Micro-Mega admet qu'elle a instauré un système de remises différenciées entre ses distributeurs en fonction de l'allégement des charges que chacun d'entre eux lui procure ;

Que le seul débat opposant les parties porte donc sur le caractère justifié ou abusif de ces pratiques ;

Attendu qu'il y a lieu dès lors de rappeler qu'aux termes de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " engage la responsabilité de l'auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan :

1/ de pratiquer à l'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achats discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage sur la concurrence "... ;

Qu'en l'espèce, il convient d'examiner d'abord la période antérieure à la mise en place par la société Micro-Mega, à la fin de l'année 1993, de contrats de distribution ;

Que pour cette période, on doit rappeler que l'obligation d'établir par contrat écrit les accords de coopération commerciale a été consacrée par une loi du 31 décembre 1992, avec des sanctions applicables à compter de septembre 1993 ;

Qu'on ne peut donc appliquer rétroactivement ces dispositions qui ne prévalaient pas auparavant et qui seules ont exigé l'établissement de la preuve par écrit ;

Que cela ne signifie nullement qu'antérieurement à l'application de cette réglementation, les remises différenciées accordées aux distributeurs selon l'étendue et la nature des services rendus à la société Micro-mega, étaient dépourvues de contrepartie réelle ;

Que la preuve de l'absence de contrepartie réelle pour la période concernée n'est nullement rapportée par les sociétés GACD et Promodentaire ;

Qu'il apparaît au contraire que les dépôts dentaires disposent d'une structure assurant la commercialisation et la promotion de produits Micro-Mega par un contact direct avec la clientèle;

Que par contre, les sociétés GACD et Promodentaire qui vendent exclusivement par correspondance, n'offrent pas de services après vente structuré sur les instruments destinés aux prothésistes et aux chirurgiens dentistes, ni un service performant de promotion technique;

Qu'un sondage Sofres effectué le 9 juin 1995 à la demande de Micro-Mega montre d'ailleurs qu'en ce qui concerne l'achat d'instrumentation canalaire :

- les chirurgiens dentistes interrogés répondent que par rapport à la VPC, ce sont les dépôts dentaires qui leur donnent le plus de conseil (76 %), la meilleure connaissance du produit (70 %), et qui les convainquent le mieux pour l'achat d'une nouvelle référence (71 %),

- ces chirurgiens-dentistes reçoivent fréquemment et longuement les représentants,

- ils considèrent à 86 % comme important d'avoir l'appareil sous les yeux, à 87 % de le prendre en main, à 85 % d'avoir des explications et des conseils d'utilisation et à 70 % de voir une démonstration ;

Que le simple bon sens conduit d'ailleurs à observer qu'à l'évidence la présence sur le terrain auprès du client n'est pas remplaçable par des explications écrites même détaillées, s'agissant d'instruments manuels ou mécaniques pour la pratique dentaire ;

Que l'on doit bien admettre que les services d'information et de promotion assurés pour le compte de la société Micro-Mega par les dépôts dentaires constituaient pour cette société un allégement des charges;

Que ces services pouvaient être régulièrement rémunérés au moyen d'une remise sur les prix;

Qu'à défaut les sociétés GACD et Promodentaire auraient bénéficié d'un avantage indû dans la concurrence, si tout en se dispensant d'assumer une partie ou la totalité des services susvisés, elles s'étaient vu néanmoins consentir les mêmes conditions de tarif que les distributeurs qui l'assumaient;

Qu'ainsi, pour la période antérieure à la passation des contrats de distribution, les sociétés GACD et Promodentaire n'établissent pas avoir fait l'objet de conditions discriminatoires injustifiées ni avoir subi un désavantage dans la concurrence au sens de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Attendu qu'en ce qui concerne la période postérieure à la passation des contrats de distribution par Micro-Mega, il y a lieu de prendre en considération les observations déjà faites par la Cour sur la période antérieure ;

Que l'on doit indiquer qu'il ne sera pas tenu compte dans ce cadre du sondage invoqué par les appelantes à l'appui de leur thèse ;

Qu'en effet, celui-ci n'a pas été réalisé par un professionnel des études de marché, mais par un huissier ;

Que sur plus de 35 000 dentistes interrogés, seules 4 000 réponses ont été étudiées ;

Que les dentistes s'étaient vu proposer en rémunération de la réponse au sondage, envoyé ouvertement à l'initiative de GACD un colis-cadeau ;

Que GACD promettait en outre aux dentistes interrogés qu'une réponse rapide aiderait à faire baisser le prix de certaines fournitures ;

Qu'un tel sondage ne présente à l'évidence aucune garantie d'objectivité ;

Que ceci étant précisé, il convient d'observer à la lecture de ces contrats de distribution (46 contrats conclus en 1994 et 30 en 1995), que la société Micro-Mega justifie de l'attribution à ses distributeurs, en sus de la remise de 5% prévue en contrepartie de la qualité de distributeur de fournitures dentaires, de taux de remise différenciés, en fonction de 7 catégories de services qu'ils peuvent s'engager à lui rendre et qui résultent tous d'un barème précis, à savoir :

- fidélité à la marque Micro-Mega, taux de remise maximum de 6 %,

- présentation de l'assortiment des produits de la gamme Micro-Mega, taux maximum de 6 %,

- participation aux manifestations professionnelles de promotion, taux maximum de 2 %

- détention d'un stock minimum, taux maximum de remise de 2 %,

- existence d'un magasin exploitation, taux maximum de remise de 2 %,

- formation commerciale, taux maximum de 2 %,

- formation technique du personnel, taux maximum de remise de 2 %;

Que l'on doit observer qu'aucun des distributeurs n'est exclu par principe de ce système d'attribution de remise; que chaque distributeur est libre d'assurer ou de ne pas assurer tel ou tel service de son choix en fonction de sa structure, et donc de bénéficier ou non de la remise qui en est la contrepartie;

Que l'argumentation selon laquelle certaines clauses du contrat de distribution de Micro-mega devraient figurer dans les barèmes des prix des conditions générales de vente demeurent sans portée, dès lors que les conditions générales de distribution de Micro-Mega ont été communiquées aux appelantes et que ces conditions ont été offertes de la même manière à tous les distributeurs, y compris à GACD et Promodentaire ;

Que d'ailleurs, les contrats de Micro-Mega visent des services qui ne sont pas nécessaires et liés à l'achat pour revendre ;

Que ces services doivent s'analyser comme des remises au titre de la coopération commerciale et non des rabais, remises ou ristournes au sens de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Que la réalité de la contrepartie des différentes remises est démontrée par l'allégement des charges de commercialisation et promotion de Micro-Mega transférées aux revendeurs ainsi que par le travail fourni par les revendeurs pour la pérennité de l'image de marque, de la position et de la promotion des produits de Micro-Mega sur le marché;

Qu'à cet égard, on doit relever :

- que la remise de 5 % prévue en contrepartie de la qualité de distributeur de fournitures dentaires est justifiée par le fait que Micro-Mega traite avec un certain nombre de clients qui n'ont pas d'activité de distributeur, comme les centres de soins de mutuelle, les hôpitaux, l'armée;

- que la remise de fidélité qui peut s'élever à un maximum de 6 %, est également justifiée par le fait que le distributeur n'est pas lié par une obligation d'exclusivité d'approvisionnement auprès de Micro-Mega et que néanmoins le distributeur prend l'engagement de présenter en priorité les produits Micro-Mega ; que cette obligation est assortie de la liste des produits concurrents commercialisés par le distributeur et figurant en annexe du contrat ;

- que le montant exact de la remise au taux maximum de 2 %, rémunérant la participation des distributeurs aux manifestations professionnelles est précisé en annexe au contrat ; que cette participation est contrôlée par les services commerciaux de Micro-Mega ;

Qu'on ne peut admettre par ailleurs que les remises prévues dans les contrats de distribution de Micro-Mega seraient trop élevées;

Qu'il est vrai que le barème des remises proposées par la société Micro-Mega au titre des différents services rendus par les distributeurs s'élève à un total maximum de 27 % ;

Qu'il ne s'agit cependant que d'un barème maximum qui a un caractère public et ne remet pas en cause le principe de transparence tarifaire ;

Qu'en outre, la nature, la consistance ou les prix des services spécifiques offerts par la coopération commerciale relèvent de la responsabilité des partenaires commerciaux et échappent en conséquence au contrôle de l'Administration;

Qu'au surplus en l'espèce, le montant des remises est justifié par l'allégement des charges de commercialisation et promotion des produits Micro-Mega ;

Qu'en ce qui concerne la demande de l'Administration tendant à ce que la société Micro-Mega établisse un barème des rabais et remises consentis, elle apparaît sans objet, puisque la société Micro-Mega a déjà notifié les conditions et les barèmes d'attribution de ces remises, notamment par l'envoi d'un exemplaire complet du contrat de distribution qui les prévoit ;

Qu'ainsi, pour la période postérieure à la passation des contrats, de distribution, les sociétés GACD et Promodentaire n'établissent pas davantage avoir fait l'objet de conditions discriminatoires injustifiées ni avoir subi un désavantage dans la concurrence au sens de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Attendu en ce qui concerne la demande reconventionnelle de Micro-Mega, que le courrier circulaire adressé en juin 1993 par GACD à l'ensemble des chirurgiens dentistes de France (plus de 35 000) contient des propos de dénigrement caractérisés à l'encontre de Micro-Mega;

Qu'il est en effet dénoncé dans ce document "une pratique discriminatoire" "illégale en droit français... et immorale dans la mesure où elle a empêché GACD de pratiquer des prix plus compétitifs";

Qu'il est en outre indiqué qu'en répondant au sondage les chirurgiens dentistes aideront GACD à faire baisser le prix de certaines fournitures et obtiendront par la même occasion un colis-cadeau ;

Que bien qu'elle ne soit pas expressément citée, la société Micro-Mega pouvait être aisément identifiée par les destinataires de la circulaire, dans la mesure où il était indiqué :

- que la société dénoncée était " un grand fabricant de l'industrie dentaire notamment spécialisé dans les instruments à canaux ",

- que GACD avait assigné en justice cette société pour pratique commerciale discriminatoire ;

Qu'en agissant ainsi, la société GACD a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil;

Qu'au vu de l'importance du dénigrement diffusé auprès de l'ensemble de la clientèle de chirurgiens-dentistes, il y a lieu de condamner la société GACD à payer à la société Micro-Mega la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Attendu enfin qu'au vu des circonstances de la cause, il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Micro-Mega la totalité de ses frais irrépétibles;

Qu'il convient en conséquence, non seulement de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué la somme de 8 000 F en application de l'article 700 du NCPC, mais encore de condamner les sociétés GACD et Promodentaire à verser à la société Micro-Mega la somme globale de 20 000 F pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement rendu le 10 octobre 1994 par le Tribunal de commerce de Besançon, sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts alloués à la société Micro-Mega, Réformant sur ce point et statuant à nouveau, Condamne la société GACD à payer à la société Micro-Mega la somme de Cent Mille Francs (100 000 F) à titre de dommages-intérêts, condamne en outre les sociétés GACD et Promodentaire à verser à la société Micro-Mega la somme de Vingt-Mille francs (20 000 F) au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, Reçoit Monsieur le Ministre de l'économie et des Finances représenté par la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes en son intervention en cause d'appel, Le Déboute de ses demandes, Condamne les sociétés GACD et Promodentaire aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP d'Avoués Leroux-Meunier, en application des dispositions de l'article 699 du NCPC, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.