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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 17 mai 1990, n° 89-3232

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ciba-Geigy (SA)

Défendeur :

Procep (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gadel

Conseillers :

MM. Tour, Duchemin

Avoués :

SCP Argellies, SCP Capdevila Auche Gabolde

Avocats :

Me Saint-Esteben, SCP Threard Leger Bourgeon Meresse.

T. com. Béziers, du 24 avr. 1989

24 avril 1989

La société d'exploitation des établissements Chazottes, société anonyme, exerçait à Agde une activité de fabrication d'engrais chimiques pour l'agriculture.

A la suite d'une augmentation de capital par apport d'un fonds industriel de fabrication et de vente d'engrais et d'une station service, la société transférait son siège social à Narbonne et changeait, le 31 mars 1978, de dénomination sociale pour s'appeler " Société de production et commerce des engrais et phytos " et prendre le sigle de " Procep ".

Depuis de longues années, la société était en relations commerciales avec la société Flytox à laquelle elle était liée par un contrat d'agent commercial.

Suivant accord passé le 10 novembre 1965, le contrat avait été résilié et la société d'exploitation des établissements Chazottes avait pris la qualité de grossiste. Aux termes de cet accord, la société Flytox s'était engagée à la faire bénéficier, pendant une période de 5 ans au moins, d'une part, d'une remise spéciale de 20 % s'ajoutant aux marges du revendeur le plus privilégié de la région même pour les nouveaux produits commercialisés par la société Flytox, d'autre part de règlements à 90 jours fin de mois. L'accord portait sur 6 départements.

Courant 1970, la société Flytox avait, de son côté, été absorbée par la société Ciba Geigy.

Courant 1975, cette société supprimait certains avantages commerciaux consentis à la société d'exploitation des établissements Chazottes après avoir créé en 1972 des agences régionales.

Le 16 février 1977, la société d'exploitation des établissements Chazottes portait plainte avec constitution de partie civile entre les mains du Doyen des juges d'instruction de Béziers pour refus de vente, pratiques discriminatoires de prix et refus de communication à un revendeur de barèmes de prix et de conditions de vente. Deux expertises comptables étaient successivement ordonnées et le président directeur général de la société Ciba Geigy était inculpé.

Le 22 avril 1985, la juge d'instruction rendait une ordonnance de non-lieu. Sur appel de la partie civile, la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Montpellier infirmait l'ordonnance entreprise et ordonnait un supplément d'information.

L'ordonnance du 1er décembre 1986 ayant dépénalisé le refus de vente et la pratique discriminatoire de prix entre professionnels, la Chambre d'accusation rendait, le 9 février 1988, un arrêt de non-lieu constatant l'extinction de l'action publique par abrogation de la loi pénale.

Le 9 mai 1988, la société Procep assignait la société Ciba Geigy en paiement d'une somme de 6 748 851 F en réparation de son préjudice commercial.

Par jugement du 24 avril 1989, le Tribunal de commerce de Béziers a condamné la société Ciba Geigy à payer à la société Procep la somme de 3 100 000F en réparation de son préjudice, avec les intérêts légaux à compter du 1er septembre 1979, celle de 500 000 F à titre de dommages-intérêts pour l'obligation de recourir à une procédure de suspension provisoire des poursuites et celle de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et ce avec exécution provisoire, sauf en ce qui concerne la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le 17 mai 1989, la société Ciba Geigy a relevé appel de cette décision. La société Procep a formé un appel incident.

La société appelante demande à la Cour de déclarer prescrite l'action engagée par la société intimée, subsidiairement de débouter cette dernière de toutes ses demandes, en toutes hypothèses de lui allouer la somme de 100 000 F par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et de condamner la société Procep à lui rembourser, avec les intérêts légaux à compter du paiement, les sommes versées par la société Ciba Geigy au titre de l'exécution provisoire.

Tout en contestant l'affirmation de la société Procep selon laquelle les faits délictueux ont été établis à l'occasion de l'information pénale alors que le juge d'instruction a, le 22 avril 1985, rendu une ordonnance de non-lieu, la société Ciba Geigy fait observer en faveur de la prescription :

- qu'en l'espèce, le délai de prescription applicable est de 10 ans par application de l'article 189 bis du code de commerce,

- que ce texte de loi est applicable non seulement aux actions fondées sur des contrats, mais aussi à celles reposant sur des délits ou quasi-délits,

- que les règles relatives aux causes d'interruption de cette prescription sont les règles de droit commun instituées par les articles 2242 et suivants du code civil,

- que si la constitution de partie civile formalisée par la société d'exploitation des établissements Chazottes a certes interrompu la prescription et fait courir un nouveau délai de 10 ans, ce délai était expiré lorsque l'assignation du 9 mai 1988 a été délivrée,

- que s'il est de principe que les actes interruptifs de la prescription de l'action publique entraînent l'interruption de la prescription de l'action civile, il résulte de l'article 2247 du code civil que l'interruption est non avenue si l'action n'aboutit pas,

- que selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la disposition de l'article 2247 du code civil, aux termes de laquelle l'interruption de la prescription est regardée comme non avenue si la décision est rejetée, est absolue et ne comporte aucune distinction,

- qu'en l'espèce, l'action civile a été repoussée par l'arrêt de la Chambre d'accusation du 9 février 1988 qui a constaté l'extinction de l'action publique par abrogation de la loi pénale et a rejeté toutes les demandes de la société d'exploitation des établissements Chazottes,

- que la société Procep ne saurait soutenir que les faits qu'elle invoque à l'appui de sa demande en justice constituent des fautes volontairement commises par la société appelante dont le caractère dolosif empêche cette dernière de se prévaloir des dispositions de l'article 189 bis du code de commerce, alors qu'elle a l'obligation, pour se prévaloir de la prescription trentenaire, de démontrer qu'il existe une faute volontaire de nature délictuelle équivalente au dol, c'est-à-dire extérieure au contrat et qu'une telle faute résulterait des pièces du dossier,

- qu'en l'espèce, la seule communication de pièces est constituée par les pièces de la procédure pénale, que le réquisitoire définitif de non-lieu et l'ordonnance de non-lieu sont formels sur le fait que les infractions de pratiques discriminatoires de prix et de refus de communication de vente ne sont pas caractérisées et que la procédure devant la Chambre d'accusation n'a pas apporté de démenti à cette décision, l'arrêt du 3 juillet 1986 ordonnant un supplément d'information,

- que l'assignation du 9 mai 1988 qui saisit le tribunal de commerce reprend exclusivement les griefs formulés par la société Chazottes dans sa plainte,

- que dans son arrêt du 9 février 1988, la Chambre d'accusation " rejette toutes autres conclusions plus amples ou contraires de la partie civile " et que cet arrêt ne pouvait pérenniser la suspension de la prescription décennale,

- que pour rejeter le moyen de prescription, les premiers juges ont fait foi à l'allégation de la société Procep selon laquelle elle aurait sollicité à titre principal devant la Chambre d'accusation un supplément d'information, alors que la partie civile avait conclu au principal au renvoi de l'inculpé devant le tribunal correctionnel,

- que le tribunal a considéré que le fait du prince ne pouvait en aucun cas modifier les droits des parties en matière civile par rapport à ceux qu'elles pouvaient avoir acquis au moment des faits, alors que l'abrogation de la loi pénale n'est pas assimilable à un cas fortuit ou à la force majeure et qu'il n'est pas tenu compte de ce que l'action civile, portée devant la juridiction pénale, était tributaire de tous les événements qui rendent l'interruption de la prescription non avenue.

Sur le fond et subsidiairement, la société Ciba Geigy fait plaider à l'appui de son appel :

1) Sur les fautes prétendues de la société appelante :

a) sur le contexte :

- qu'à la suite de la résiliation du contrat d'agent commercial liant la société Le Flytox à la société d'exploitations des établissements Chazottes, il lui fut substitué un simple contrat de grossiste sans clause d'exclusivité, ce qui autorisait la société Flytox, puis la société Ciba Geigy à créer des points de vente concurrents de la société Chazottes dans la zone territoriale de celle-ci ou à recourir à tous autres moyens de distribution,

- que les conditions économiques accordées à la société Chazottes arrivaient normalement à échéance en 1970, mais qu'elles furent renouvelées d'année en année jusqu'en 1976, date à laquelle fut supprimé l'avantage exceptionnel de 2 %, après que la société Chazottes en ait été avisée dès 1973,

- que dans les années 1970, la concurrence est devenue de plus en plus vive sur les produits phytosanitaires, surtout à partir des années 1974-1975 et qu'il s'y est ajouté l'expiration des brevets sur deux produits les plus importants de la gamme qui constituaient la part la plus importante du chiffre d'affaires de la société Chazottes avec la société Ciba Geigy, ce qui a conduit celle-ci à réagir à cette évolution du marché, comme la plupart de ses concurrents, en consentant des rabais en fin de campagne et en intégrant de plus en plus la distribution sous la forme de création d'agences dans toute la France,

- que cette décision ne causa de problème notable que dans une seule zone et avec un seul grossiste, la société Chazottes, et qu'un chiffre d'affaires très important continue à être réalisé avec les autres grossistes,

- que la société Chazottes resta inerte jusqu'à sa fusion avec Procep et que de nombreux changements étaient intervenus en une dizaine d'années dans la direction de la société,

- que dès le début de l'année 1976, la société Chazottes a connu une importante chute du chiffre d'affaires et éprouvé des difficultés financières qui la conduisirent à solliciter des reports d'échéances auprès de la société Ciba Geigy,

- que dans un courrier en date du 11 juin 1976 qui équivaut à une quasi rupture, elle décidait unilatéralement de ne pas payer les produits achetés à la société Ciba Geigy et de remettre à sa disposition lesdits produits, se privant ainsi de quantités importantes de produits qu'elle pouvait vendre au cours de la campagne 1976-1977,

- que contrairement aux termes de sa plainte avec constitution de partie civile, c'est bien la société Chazottes qui a pris cette décision et informé ensuite sa clientèle de la réduction de ses activités de distribution des produits Ciba Geigy,

- que c'est dans ces conditions exceptionnelles et particulières que s'est ouverte la campagne litigieuse 1976-1977.

b) sur le problème des invendus :

- que si le litige sur les stocks " invendus " est au centre du procès comme l'a estimé le tribunal, par contre son appréciation de ce problème est totalement erronée,

- que comme l'a relevé le commissaire Lemoyne de la DGCC dans l'enquête au départ de l'affaire, il est compréhensible que la société Ciba Geigy ait voulu s'entourer de garanties lors des commandes 1977 alors que son client, après avoir retrouvé une importante quantité de marchandises impayées fin septembre 1976, passait commande quelques jours plus tard des mêmes références,

- que contrairement à l'avis des premiers juges, le fonctionnaire de la DGCC n'a pas fait qu'analyser les témoignages recueillis sans vérifier les pièces, son rapport faisant notamment état en page 10 de l'étude de documents,

- que le tribunal a, sous de mauvais prétextes, écarté ce rapport administratif et préféré s'appuyer sur le rapport des experts Ducoroy et Ricard établi de manière non contradictoire,

- qu'à la date du 11 juin 1976 où a été ouvert le grave contentieux entre les deux sociétés, la société Chazottes restait devoir plus de 2 300 000 F à la société Ciba Geigy et qu'un fournisseur est en droit de refuser la vente au distributeur qui ne paie pas les factures antérieures ;

- que c'est à tort que le tribunal a imputé le stock important de produits invendus à la suppression des avantages consentis à la société Chazottes en 1965 et à la création d'agences par la société Ciba Geigy,

- que si la société Chazottes bénéficiait depuis 1965 d'un double avantage, la marge du revendeur le plus privilégié de la région et une remise supplémentaire de 2 %, seule cette dernière fut supprimée fin 1975 de façon parfaitement licite et il n'a jamais été établi que le premier avantage ait jamais été supprimé,

- qu'à partir du moment où les parties avaient, en 1965, convenu de mettre fin à l'exclusivité dont la société Chazottes bénéficiait auparavant, il ne saurait être reproché à la société Ciba Geigy d'avoir modifié son organisation commerciale en créant dans la zone de son client des points de vente éventuellement concurrents de celui-ci,

- qu'ainsi, la cause des impayés et des invendus ne saurait être recherchée dans un comportement fautif quelconque de la société Ciba Geigy mais dans l'incapacité propre aux dirigeants successifs de la société Chazottes qui n'ont pas su ou voulu s'adapter aux nouvelles conditions du marché,

- que la société Chazottes s'est volontairement privée d'une centaine de tonnes de produits et que comme le rapport des experts Raffegeau et Girard le relève, il y a contradiction de la part de la société intimée de soutenir qu'en raison de sa prétendue ignorance, en début de campagne, des conditions de vente, elle ne pouvait passer commande et disposer de produits, alors qu'elle disposait de stocks qualifiés par le tribunal d'" importants " qu'elle ne cherchait pas à vendre et désirait remettre à la disposition de son fournisseur,

- que l'explication présentée par le tribunal selon laquelle en vendant les stocks, la société Chazottes faisait sienne la marchandise ainsi écoulée et était dans l'obligation d'en payer le montant au prix de la campagne précédente alors qu'elle était certaine d'acheter les produits à meilleur prix pour la campagne à venir recèle deux erreurs de droit grossières et une affirmation venant détruire la logique de toute la décision,

- qu'en effet, il est paradoxal de considérer que ce serait au moment où l'on vend le produit et où l'on en transfère la propriété à un tiers que l'on acquiert celle-ci et qu'en outre, conformément à l'article 1583 du code civil, c'est au moment où la société Chazottes achetait la marchandise qu'elle en acquérait la propriété,

- que l'affirmation des premiers juges selon laquelle la revente des stocks aux nouveaux prix aurait constitué " une revente à perte " interdite est tout aussi erronée dans la mesure où la loi du 2 juillet 1963 écarte l'interdiction de la revente à perte lorsque le prix du marché est en baisse, ce qui était la situation de la société Chazottes,

- qu'en affirmant, d'autre part, que la société Chazottes était au tout début de la campagne 1976-1977 certaine de le toucher à meilleur prix pour la campagne à venir ", le jugement admet que la société Chazottes connaissait suffisamment les tendances du marché fortement en baisse, notamment la pratique, déjà acquise les années précédentes, des rabais de fin de campagne, pour commencer à prendre des commandes avant même que la société Ciba Geigy n'édite ses nouveaux tarifs,

- que la société appelante a, néanmoins, sans que sa responsabilité ne soit en aucune manière engagée, accepté la proposition de la société Chazottes de reprendre les " invendus ", afin d'éviter une situation susceptible de déboucher sur une cessation des paiements,

- que contrairement à l'appréciation du tribunal, la société Ciba Geigy n'avait pas à accorder un " avoir " à la société Chazottes, s'agissant de quantités très importantes de produits et la pratique de l'avoir n'étant appliquée que sur des produits déjà payés,

- que bien que rien n'obligeait la société Ciba Geigy à accepter la reprise de ces " invendus " dont elle était en droit d'exiger, au contraire, le parfait paiement tout en cessant d'envisager, en attendant, toute nouvelle vente, elle a préféré, dès le 17 juin 1976, demander à la société Chazottes communication de l'état des stocks et que celle-ci n'a répondu, 12 jours plus tard, par un télex d'attente annonçant l'envoi ultérieur des états de stocks,

- que jusqu'au 25 août 1976, les parties étaient préoccupées par une seule question, le règlement du contentieux en cours.

c) sur les problèmes de communication des conditions de vente au début de la campagne 1976-1977 :

- que la société Ciba Geigy avait communiqué son nouveau tarif imprimé à la société Chazottes comme à l'ensemble de ses distributeurs, fin août au lieu de juillet comme d'habitude en raison des difficultés d'imprimerie qui furent vérifiées par les experts Raffegeau et Girard,

- qu'avant même le règlement définitif du contentieux sur les impayés et les invendus, la société Ciba Geigy a communiqué les conditions particulières de vente lors d'un rendez-vous spécial du 30 septembre 1976, le jugement présentant, d'ailleurs, une contradiction sur la date de cette communication,

- que l'on ne saurait reprocher à la société appelante de ne pas avoir communiqué, lors de la réunion du 30 septembre 1976, une baisse de 2 F sur le produit " Gésatope ", alors que cette baisse ne fut décidée qu'à la mi-octobre ainsi que la société Chazottes a dû l'admettre ultérieurement, et qu'elle fut portée à la connaissance de celle-ci à l'occasion d'une communication téléphonique le 18 novembre 1976,

- que la communication fut confirmée par lettre recommandée du 30 novembre 1976 et que la société intimée n'a jamais retourné la copie de la lettre dûment approuvée et signée ainsi que, par prudence, la société appelante l'avait demandé,

- que malgré ce, il fut appliqué à la société Chazottes toutes les conditions de vente qui y figuraient,

- qu'il n'est pas plus contesté par la société intimée que les remises de fin de campagne furent décidées après le 30 novembre 1976 et qu'elle en bénéficiera comme les autres revendeurs,

- que la société Chazottes est mal venue à plaider que le bénéfice de ces remises ne lui fut accordé qu'après la plainte, alors que lesdites remises furent accordées à tous les distributeurs courant mars et avril 1977,

- qu'en toute hypothèse, un courrier adressé le 4 novembre 1976 à la société Ciba Geigy par l'un des dirigeants de la société Chazottes montre bien que pour celle-ci le règlement des impayés était la question essentielle et le préalable au redémarrage des rapports commerciaux entre les parties et qu'il n'était pas question d'obstacles quelconques dressés par la société Ciba Geigy au début de la campagne pour empêcher le bon déroulement de celle-ci ;

2) Très subsidiairement, sur le préjudice :

a) sur le lien de causalité :

- que le tribunal n'a absolument pas abordé la question du lien de causalité entre les prétendues fautes imputées à la société Ciba Geigy et le préjudice invoqué par la société Procep,

- que la société Ciba Geigy a été condamnée à payer en principal une somme égale à la différence du fonds de roulement entre l'exercice 1974/1975 de la société Chazottes et l'exercice 1978/1979 de la société Procep, alors que le tribunal se réfère à un élément antérieur de deux exercices aux fautes prétendues de la société Ciba Geigy et à une donnée postérieure de deux exercices par rapport à la campagne litigieuse,

- que le tribunal n'a pas vu qu'il n'y avait aucun rapport nécessaire entre une prétendue communication tardive et incomplète des conditions de vente et l'impossibilité de commercialisation,

- qu'en effet, il est de principe que le refus de communication de conditions de vente n'empêche pas nécessairement le revendeur de vendre, ne s'agissant par d'un refus de vente et la société Chazottes disposant, d'ailleurs, de " stocks importants " en début de campagne,

- qu'au surplus, il est acquis aux débats qu'une importante chute du chiffre d'affaires était déjà intervenue avant le début de la campagne litigieuse et que le jugement entrepris le constate expressément,

- qu'après avoir fusionné avec la société Chazottes, la société Procep a déposé le bilan plusieurs années après les faits litigieux et a quitté le secteur des produits phytosanitaires alors que, selon son curateur, elle détenait un contrat d'exclusivité avec Sandoz,

- qu'on peut se demander si l'effondrement final de la société Procep n'est pas dû à la fusion, le curateur ayant relevé que ce n'est qu'après la fusion de 1978, " faite au plus mauvais moment ", que le fonds de roulement s'était effondré,

b) sur l'évaluation du préjudice retenu par le tribunal :

- que deux spécialistes de questions comptables et de gestion d'entreprise, consultés par la société Ciba Geigy ont répondu que la position retenue par le tribunal sur le critère de l'évolution du fonds de roulement était absolument injustifiée,

- qu'en effet, d'une part, le fonds de roulement et son évolution mesurent la liquidité de l'entreprise et non sa rentabilité, d'autre part la dégradation du résultat entre l'exercice litigieux et les exercices l'ayant précédée peut être estimée à un niveau compris entre 440 000 F et 500 000 F et qu'on est loin des 3 200 000 F retenus par le tribunal,

- qu'au vu des comptes de la société Chazottes au cours des exercices précédant les faits litigieux, la valeur de l'entreprise était de l'ordre de 700 000 F et selon l'estimation faite par la société elle-même et son commissaire aux apports, cette valeur était toujours de 700 000 F à la fin de l'exercice litigieux,

- que la Cour ne saurait davantage reprendre à son compte la prétendue indemnité complémentaire de 500 000 F, ni le point de départ du calcul des intérêts, celui-ci devant normalement prendre effet à la date de la déclaration judiciaire rendue.

De son côté, la société Procep conclut, sur son appel incident, au débouté de la société Ciba Geigy de toutes ses demandes et à la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 4 millions de francs en réparation de son préjudice avec les intérêts légaux depuis le 1er septembre 1977, subsidiairement à la confirmation du jugement dont appel ainsi qu'à l'allocation des sommes 473 553 F et 150 000 F, outre celle de 100 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

En ce qui concerne la prescription, la société intimée réplique :

- que les faits par elle invoqués dans son assignation du 9 mai 1988 constituent des fautes volontairement commises par la société Ciba Geigy dont le caractère dolosif empêche cette dernière de se prévaloir de la prescription décennale de l'article 189 bis du code de commerce,

- que si aux termes de l'article 2247 du code civil, l'interruption de la prescription est regardée comme non avenue lorsque la demande est rejetée, la Chambre d'accusation, dans son arrêt du 9 février 1988, n'a pas rejeté l'action poursuivie par la société Procep, ayant constaté l'extinction de l'action publique en raison de l'abrogation de la loi pénale et l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de statuer sur l'action civile,

- que si la Chambre d'accusation a rejeté la demande la société Procep, c'est seulement dans la limite du supplément d'information que cette dernière sollicitait.

Sur le fond, la société intimée fait valoir au soutien de ses prétentions :

1) Sur le contexte :

- que les établissements Chazottes ont constamment développé jusqu'en 1975-1976 le chiffre d'affaires des produits Ciba Geigy qui est demeuré leur fournisseur quasi exclusif,

- qu'à partir de 1975, les clients qui avaient cessé de s'approvisionner auprès des établissements Chazottes ont été repris par les agences régionales de la société Ciba Geigy,

- que contrairement à ce que tente de suggérer la société appelante, le marché des produits phytosanitaires n'a connu aucune régression, mais, au contraire, s'est multiplié de 1970 à 1979 par 2 ou 3,

- que c'est bien la concurrence entreprise auprès des clients traditionnels des établissements Chazottes par son propre fournisseur qui a brutalement et profondément perturbé leur activité à partir de la campagne 1975-1976 au cours de laquelle le chiffre d'affaires des produits Ciba Geigy qui représentait le 9/10e de leur chiffre d'affaires global est tombé de plus de 17 millions de francs à moins de 9 millions avant de se réduire à un montant symbolique inférieur à 600 000 F au cours de la campagne 1976-1977,

- que c'est vainement que la société Ciba Geigy argue de l'évolution du marché et de l'imprévoyance des établissements Chazottes pour tenter de masquer sa responsabilité directe à l'égard de la situation dans laquelle elle a placé ces derniers,

- que contrairement aux allégations de la société appelante, les établissements Chazottes n'ont connu qu'un seul changement dans leur structure de direction, le remplacement en avril 1975 de M. Hennequin par M. Faure,

- qu'à partir de 1976, la concurrence directe des agences locales de la société Ciba Geigy allait s'accroître, cette dernière ayant supprimé à la fin de l'année 1975 aux établissements Chazottes le bénéfice de la remise supplémentaire de 2 % qu'elle leur accordait jusqu'alors,

- qu'au cours de la première quinzaine de mars 1976, M. Faure alertait un responsable parisien de la société Ciba Geigy et confirmait ses préoccupations le 6 mai 1976, mais que le 19 mai 1976, celle-ci, sous la signature de M. Remy, indiquait expressément qu'elle entendait désormais poursuivre une politique de vente active et concurrente au travers de ses agences régionales,

- qu'en présence de cette remise en cause explicite de l'accord de base de 1965 prévoyant la possibilité pour les établissements Chazottes de conserver leur clientèle, ceux-ci se voyaient contraints de tirer les conséquences de la position prise par la société Ciba Geigy, d'une part en remettant à la disposition de leur fournisseur les stocks invendus de son fait au terme de la campagne 1975-1976, d'autre part en suspendant la commercialisation des produits Ciba Geigy dans les départements du Tarn et de l'Aveyron compte tenu de la concurrence directe de l'agent Ciba Geigy de Toulouse,

2) Sur les fautes de la société Ciba Geigy :

- que la société Ciba Geigy ne peut sérieusement soutenir que les invendus étaient le résultat d'une évolution défavorable du marché ou d'erreurs de gestion des établissements Chazottes,

- qu'approfondissant le déroulement de la campagne 1976-1977, les expertises Ducoroy et Ricard, puis Raffegeau et Girard ont mis en lumière des fautes commises par la société Ciba Geigy qui, d'une part, n'a communiqué aux établissements Chazottes aucune indication sur le prix de ses produits pour la campagne 1976-1977 jusqu'au 30 septembre 1976, d'autre part, leur a dissimulé une baisse de 2 F intervenue sur le " Gésatope " dès le début octobre 1976, puis l'existence de remises et réajustements de fin de campagne qu'elle avait arrêtés dès le mois de novembre 1976,

a) sur l'absence de toute indication de prix jusqu'au 30 septembre 1976 :

- que les premiers juges ont souligné l'importance qui s'attachait à la ponctualité de la communication par la société Ciba Geigy de ses conditions de vente, à l'ouverture de chaque campagne, 80 % des ventes des Etablissements Chazottes étant réalisées chaque année entre octobre et décembre en fonction des commandes passées en juillet et septembre sur la base de conditions communiquées par la société Ciba Geigy courant juillet,

- qu'il est constant qu'à l'occasion de la campagne 1976-1977, les établissements Chazottes n'ont reçu de la société Ciba Geigy aucune indication relative à ses conditions de vente jusqu'au 30 septembre 1976,

- que les justifications avancées par la société Ciba Geigy ont fluctué au cours de la procédure,

- qu'il n'est nullement établi que les Etablissements Chazottes aient été destinataires début septembre 1976 du tarif Ciba Geigy n° 1117,

- qu'au contraire, ils ont été contraints de le réclamer à la société Ciba Geigy par une lettre adressée le 13 octobre 1976,

- qu'alors que les conditions de vente avaient toujours été données oralement aux établissements Chazottes dès la fin juillet, ce n'est que le 30 septembre 1976 que ces conditions de vente leur ont été communiquées,

- que cette communication a été délibérément tardive puisqu'il est établi que des indications orales avaient été données par la société Ciba Geigy à ses autres revendeurs dès le mois de juillet 1976, nonobstant l'absence d'un tarif imprimé,

- que devant la Cour, la société appelante prétend qu'elle a pu légitimement s'abstenir de communiquer ses conditions de vente aux Etablissements Chazottes car ils lui étaient redevables d'importants invendus de la campagne 1975-1976, mais que cette argumentation est sans pertinence en fait comme en droit,

- en fait, que la société Ciba Geigy ne peut contester sa responsabilité dans la situation dont elle tente de se prévaloir, la Chambre d'accusation ayant reconnu cette responsabilité et les premiers juges ayant constaté que la concurrence des agences locales s'était trouvée accrue par la suppression de la remise supplémentaire de 2 % dont bénéficieraient les Etablissements Chazottes jusqu'en 1975, que depuis la campagne 1974 où les produits " Gésatope " et " Gésaprime " étaient tombés dans le domaine public, ces produits devenaient invendables aux prix antérieurs d'une campagne sur l'autre à tel point qu'une pratique s'était instaurée selon laquelle, sans reprendre physiquement les stocks, la société Ciba Geigy les refacturait à ses revendeurs à de nouvelles conditions,

- qu'au terme de la campagne 1974-1975, les établissements Chazottes avaient bénéficié d'un report de facturation de 420 956 F,

- qu'ainsi le courrier adressé le 11 juin 1976 en ce sens par les Etablissements Chazottes à la société Ciba Geigy n'était pas inusuel, comme le prétend la société appelante, et que dans sa réponse du 17 juin 1976, celle-ci n'a, d'ailleurs, pas exprimé la moindre surprise,

- que contrairement à ses allégations, la société Ciba Geigy n'avait jamais exprimé, au moment des faits, la moindre inquiétude sur la situation des Etablissements Chazottes et qu'elle n'a exigé la restitution physique des stocks que courant septembre 1976,

- que les experts Raffegeau et Girard estiment que la société Ciba Geigy " reproche aux établissements Chazottes une situation de fait qu'elle avait largement contribué à provoquer et pour laquelle elle avait certaines garanties ".

- que c'est dans le but de pénaliser davantage encore les établissements Chazottes que la société Ciba Geigy a exigé courant septembre 1976 la restitution physique des stocks invendus, ce qu'elle n'avait pas sollicité au cours des mois de juillet et août 1976,

- que c'est à la veille de la période habituelle de livraison par les établissements Chazottes à ses clients que la société Ciba Geigy a souhaité une réexpédition physique des invendus plutôt que de procéder à une refacturation des mêmes produits aux prix de la nouvelle campagne,

- en droit, que la société appelante fait valoir qu'elle était en droit de refuser la vente de ses produits aux Etablissements Chazottes tant que ces derniers restaient débiteurs des stocks invendus, mais qu'il résulte d'une jurisprudence établie avant les faits en litige que le refus de communication des conditions de vente constituait un délit distinct du refus de vente et qu'ainsi l'existence d'un impayé ne pouvait en aucun cas justifier l'absence de communication des conditions de vente,

- que l'absence d'indication a empêché les Etablissements Chazottes de recueillir des commandes auprès de leurs clients.

- qu'en outre, le jugement a souligné à juste titre que connaissant le marché des produits en cause, les établissements Chazottes savaient que leur prix pour la campagne 1976-1977 seraient nécessairement inférieurs à ceux de la campagne 1975-1976, mais qu'ils ne pouvaient préjuger des conditions exactes que leur fournisseur pouvait seul décider d'appliquer sur ces produits dans le cadre de sa politique commerciale et des impératifs concurrentiels du marché national, la baisse ayant finalement atteint 30 %,

b) sur la dissimulation des réajustements de conditions en cours de campagne :

- que dès le début octobre 1976, la société Ciba Geigy a appliqué au profit de l'ensemble de sa clientèle une baisse de 2 F sur le produit " Gésatope ", mais qu'elle n'a informé les établissements Chazottes de cette baisse que le 30 novembre 1976 au moment même où elle appliquait à ses clients une nouvelle baisse de 2 F sur le même produit qu'elle dissimulait aux établissements Chazottes,

- que l'affirmation de la société appelante selon laquelle elle n'aurait jamais reçu la commande passée par les Etablissements Chazottes par lettre du 13 octobre 1976 est surprenante si l'on se réfère à la lettre de la société Ciba Geigy du 30 novembre dans laquelle elle donne elle-même le détail de la commande objet du courrier du 13 octobre 1976,

- que ce n'est que par une correspondance du 30 novembre 1976, postérieure de 12 jours à la commande du 18 novembre 1976, que la société Ciba Geigy a finalement annoncé aux établissements Chazottes la baisse des prix qu'elle appliquait en fait à l'ensemble de sa clientèle depuis la première quinzaine d'octobre 1976,

c) sur la dissimulation des réajustements de fin de campagne :

- qu'une ristourne hors facture avait été consentie par la société Ciba Geigy à ses revendeurs en fin de campagne 1975-1976 pour compenser les remises supplémentaires que ceux-ci avaient dû consentir pour écouler les produits "GEGE" qui n'étaient plus protégés par les brevets contre la concurrence,

- que la société appelante prétend qu'elle n'a décidé en décembre 1976 que du principe de tels réajustements pour la campagne 1976-1977 et que le montant de ses réajustements n'était pas davantage connu des ses agences ou de ses autres clients que des Etablissements Chazottes avant mars ou avril 1977, mais que ces deux affirmations sont erronées,

- qu'il est constant que la société Ciba Geigy a délibérément induit en erreur les Etablissements Chazottes sur ses intentions de fin de campagne par sa lettre du 30 novembre 1976 en présentant la remise de 2 F sur le " Gésatope " comme une adaptation exceptionnelle, anticipée par rapport à celle de la saison précédente, des prix de facturation de ses produits et comme une facturation nette, mais également définitive.

- que la société Ciba Geigy s'est bornée, le 18 janvier 1977, c'est-à-dire à une date postérieure à celle à laquelle elle fixe elle-même sa décision de principe de réajuster les prix de fin de campagne, à adresser aux Etablissements Chazottes un courrier par lequel elle insistait pour que ces derniers lui retournent un exemplaire contresigné de la lettre du 30 novembre 1976 " qui faisait le point exact de la situation ", sans tenir compte de ce qu'un accord sur les prix lui avait déjà été donné par les Etablissements Chazottes dans un télex du 6 décembre 1976,

- que la société appelante ne peut sérieusement soutenir que les agences et autres revendeurs n'étaient pas informés des remises qui seraient consenties en fin de campagne, alors que ces divers clients interrogés par les services de police judiciaire ont confirmé que des représentants de la société Ciba Geigy leur avaient annoncé dès le mois de décembre 1986 des conditions de prix inférieures à celles annoncées aux Etablissements Chazottes dans sa lettre du 30 novembre 1976,

- qu'au surplus, tous les bons de commandes pris par la société Ciba Geigy dans le département de l'Aude courant décembre 1976 mentionnent un prix inférieur à celui indiqué aux Etablissements Chazottes dans sa lettre du 30 novembre 1976,

- que l'expertise n° 1 a révélé sur les 13 000 factures saisies entre les mains des autres revendeurs de la société Ciba Geigy l'existence d'annotations à la main mentionnant la remise à venir effectivement consentie par celle-ci en fin de campagne,

d) sur l'application partielle des réajustements de fin de campagne :

- que sur ce point, l'expertise n° 2 a cru pouvoir contredire, en acceptant sans réserves les conclusions tirées par la société Ciba Geigy d'un tableau qu'elle a elle-même fourni, les conclusions de l'expertise n° 1,

- que les réajustements et ristournes consentis aux Etablissements Chazottes l'ont été entre mars et mai 1977 alors que M. Dubouis avait été entendu dès le mois d'avril 1977 par le commissaire Lemoyne à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par les Etablissements Chazottes,

- qu'en outre, le tableau produit par la société Ciba Geigy fait abstraction des délais de paiement dont elle a privé les établissements Chazottes et qui représentent à eux seuls l'équivalent de 2 des 5 % de marges moyennes accordées aux revendeurs sur les produits concernés,

- qu'il résulte, d'autre part, des factures établies pour la société Sodexbal par la société Ciba Geigy que celle-ci a discriminé les Etablissements Chazottes de manière grossière et que c'est au vu de ces documents que la Chambre d'accusation avait ordonné un supplément d'information,

- que la société appelante est mal venue à faire valoir que les Etablissements Chazottes ne produisent aucun élément de preuve concernant des concurrents actifs dans sa zone, alors que c'est à elle qu'incombe, à la lumière des textes applicables au moment des faits, la charge de prouver qu'elle aurait pratiqué dans la zone d'activité des Etablissements Chazottes des prix différents de ceux consentis à la société Sodexbal et non discriminatoires de deux appliqués aux Etablissements Chazottes,

- que contrairement aux allégations de la société appelante, les pièces versées aux débats démontrent que la société Sodexbal a bénéficié, dès la mi-octobre 1986, des réajustements de fin de campagne qui n'ont jamais été annoncés aux Etablissements Chazottes et qui ne leur ont pas été appliqués qu'après le dépôt de leur plainte avec constitution de partie civile,

- en conclusion, que l'ensemble des éléments susanalysés démontre que la société Ciba Geigy a poursuivi, au cours de la campagne 1976-1977, une politique d'élimination définitive des Etablissements Chazottes du marché local,

- que l'action menée par la société Ciba Geigy a emprunté des formes délictuelles au regard des textes applicables au moment des faits et s'est perpétuée tout au long de la campagne 1976-1977,

3) Sur le préjudice :

a) sur le lien de causalité entre les fautes commises par la société Ciba Geigy et le préjudice subi par les Etablissements Chazottes :

- que la société Ciba Geigy ne saurait prétendre qu'il est injustifiable de raisonner en prenant en considération la situation de l'entreprise sur l'exercice 1974-1975 c'est-à-dire deux exercices antérieurs aux fautes commises au cours de la campagne 1976-1977, alors que précisément l'exercice 1974-1975 est le dernier exercice antérieur à l'entrée en concurrence directe des agences régionales et que c'est cette concurrence directe des agences régionales qui a provoqué une première chute substantielle du chiffre d'affaires des Etablissements Chazottes au cours de la campagne 1975-1976 et l'existence des invendus à l'ouverture de la campagne 1976-1977,

- que la société appelante ne peut affirmer " qu'il n'y a aucun rapport nécessaire entre une prétendue communication incomplète et tardive des conditions de vente et l'impossibilité de commercialisation ", alors que, d'une part, l'absence de toute communication des conditions de vente a privé les Etablissements Chazottes de la possibilité de prendre des commandes auprès de leurs clients jusqu'au 30 septembre 1976, que d'autre part, la société intimée ne pouvait présumer des décisions que la société Ciba Geigy prendrait quant aux prix pour la campagne 1976-1977, ni commercialiser les produits à leurs anciens prix devenus non concurrentiels, qu'enfin celle-ci a encore retardé la possibilité pour les établissements Chazottes de commencer la commercialisation en exigeant tardivement, fin septembre 1976, au moment où ceux-ci avaient coutume de commencer à livrer leurs clients, la restitution physique des stocks remis à sa disposition depuis le 11 juin 1976, ce qui plaçait les Etablissements Chazottes dans l'obligation de s'approvisionner auprès des agences régionales de la société Ciba Geigy,

- que la société appelante reproche vainement aux premiers juges de ne pas avoir pris en compte l'évolution du marché, alors que si celui-ci était concurrentiel en particulier pour les produits qui n'étaient plus couverts par des brevets, en revanche aucune régression significative du marché n'a été constatée par le commissaire Lemoyne, l'avis de la commission de la concurrence soulignait sa croissance continue au cours de la période 1979-1980,

- que la société Ciba Geigy est mal venue à reprocher au tribunal de ne pas s'être interrogé sur la situation de la société Procep en 1978 au moment de la fusion, alors que c'est bien la fusion avec les établissements Chazottes et la nécessité de réorienter leur activité vers les engrais qui a provoqué les difficultés qui ont contraint la société Procep à solliciter en 1980 le bénéfice d'une suspension provisoire des poursuites,

b) sur le montant du préjudice :

- que les indemnités allouées par les premiers juges sont inférieures à la diminution de la valeur du fonds de commerce qui est résultée des agissements de la société Ciba Geigy telle que l'ont analysé les experts Lozano et Kuntz,

- qu'en privant les établissements Chazottes de la possibilité d'approvisionner leur clientèle de produits phytosanitaires au cours de la campagne 1976-1977 et en s'appropriant ainsi définitivement au profit de ses agences une clientèle qui représentait jusqu'alors 90 % du chiffre d'affaires des Etablissements Chazottes, la société Ciba Geigy leur a causé un préjudice à caractère patrimonial dépassant largement un simple préjudice d'exploitation de 455 000 F apparaissant sur l'exercice clos au 30 septembre 1977,

- que les fautes commises par la société appelante engageant sa responsabilité délictuelle, celle-ci doit à la société Procep la réparation intégrale du préjudice qu'elle lui a causé,

- qu'à tout le moins, la confirmation du quantum alloué par les premiers juges s'impose, l'expert Vallat précisant que le critère acceptable pour apprécier le préjudice subi par les établissements Chazottes et que le Tribunal a tenu compte des conséquences intégrales du quasi arrêt de l'activité Ciba Geigy des établissements Chazottes consécutive à la campagne 1976-1977,

- qu'en tout état de cause, la suspension provisoire des poursuites que la société Procep a dû solliciter en 1980 et qui découle des fautes commises par la société Ciba Geigy a créé des difficultés complémentaires à la société Procep tant auprès de ses fournisseurs qu'auprès de sa clientèle justifiant l'indemnité complémentaire de 500 000 F allouée de ce chef par le jugement dont appel et que la société intimée est également bien fondée à solliciter la condamnation de la société Ciba Geigy au paiement de la somme de 473 553 F en réparation de l'incidence fiscale des mesures de restructuration qu'elle a dû prendre à la suite de la disparition de son activité de distribution de produits phytosanitaires,

- que la décision des premiers juges allouant les intérêts légaux à compter du 1er septembre 1979 à titre de supplément de dommages-intérêts est parfaitement justifiée eu égard à l'ancienneté des faits générateurs du préjudice.

Motifs de l'arrêt et décision :

Attendu sur la prescription, qu'il est d'évidence que la plainte avec constitution de partie civile déposée le 16 février 1977 par la société d'exploitation des Etablissements Chazottes entre les mains du doyen des juges d'instruction de Béziers a interrompu la prescription ; que les actes accomplis par les magistrats instructeurs et les décisions rendues par la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Montpellier ont produit un effet pareillement interruptif ;

Attendu qu'en faveur de la prescription, la société Ciba Geigy argue des dispositions de l'article 2247 du code civil qui prévoit que si la demande est rejetée, l'interruption est regardée comme non avenue et de ce que la Chambre d'accusation a rejeté toutes les demandes de la société d'exploitation des Etablissements Chazottes ;

Attendu que l'arrêt de non-lieu rendu le 9 février 1988 par la Chambre d'accusation est fondé sur l'extinction de la l'action publique par abrogation de la loi pénale, l'ordonnance du 1er décembre 1986 ayant abrogé l'article 37 de l'ordonnance du 30 juin 1945 prévoyant et réprimant les délits visés dans la plainte ; que si dans son dispositif, l'arrêt " rejette toutes autres conclusions plus amples ou contraires de la partie civile appelante ", il précise dans ses motifs qu'il s'agit du complément d'information sollicité par la partie civile dans son mémoire ;

Attendu que comme l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale ne peut préjudicier aux intérêts des tiers ; que l'abrogation de la loi pénale au cours des poursuites laisse subsister l'action civile ; que néanmoins, la Chambre d'accusation, juridiction d'instruction, ne pouvait statuer sur l'action civile et qu'en constatant l'extinction de l'action publique, elle était nécessairement dessaisie de l'action civile ; que la décision prise à l'égard de la partie civile doit exclusivement s'interpréter en ce sens et que l'article 2247 du code civil n'est pas applicable à l'espèce ; qu'à la date de l'assignation, 9 mai 1988, la prescription n'était donc pas acquise, qu'elle soit décennale ou trentenaire ; que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a, dans ses motifs, rejeté cette fin de non-recevoir ;

Attendu sur le fond, qu'il convient, au préalable, d'examiner la situation commerciale de la société d'exploitation des établissements Chazottes telle qu'elle résultait de l'accord passé le 10 novembre 1985 avec la société Le Flytox à la suite de la résiliation de son contrat d'agent commercial ; qu'outre la perception de la somme de 250 000 F à titre d'indemnité de clientèle, les établissements Chazottes bénéficiaient pour une durée d'au moins 5 ans, d'une part, d'une remise spéciale de 2 % s'ajoutant aux marges de revendeur le plus privilégié de la région, d'autre part de règlements à 90 jours fin de mois, enfin d'un secteur comprenant 6 départements ; qu'en outre, à la suite de l'absorption de la société Flytox par la société Ciba Geigy, celle-ci avait créé courant 1972 des agences régionales dans le but d'informer la clientèle sur l'utilisation des produits, mais aussi de prospecter, de prendre des commandes auprès des négociants et des coopératives et de la transmettre aux grossistes, notamment aux établissements Chazottes ; qu'ainsi, ces derniers bénéficiaient d'une situation on ne peut plus privilégiée et qu'il est singulier qu'ils aient, le 16 février 1977, porté plainte notamment pour pratiques de prix discriminatoires, alors que jusqu'en 1975, ils avaient, pendant 10 ans, largement bénéficié de telles pratiques ;

Attendu que courant 1975, les brevets protégeant les deux produits représentant l'essentiel des échanges entre les établissements Chazottes et la société Ciba Geigy tombaient dans le domaine public ; que la concurrence qui était devenue vive sur les produits phytosanitaires n'a fait que s'accentuer ; que devant les perspectives du marché, le fabricant a pris deux initiatives, la révision de sa politique tarifaire sous la forme de concession de ristournes hors factures en cours et surtout en fin de campagne et l'utilisation de ses propres agences pour son introduction dans le circuit de la distribution; que parmi les mesures prises à cette époque avait aussi été décidée la suppression de la remise spéciale de 2 % dont bénéficiaient les établissements Chazottes ;

Attendu que la société Procep ne saurait reprocher à la société Ciba Geigy ni cette suppression ni sa nouvelle politique de distribution ; qu'en effet, l'accord du 10 novembre 1965 n'accordait aux établissements Chazottes le bénéfice de la remise spéciale de 2 % que pendant 5 ans, alors qu'ils en ont tiré profit pendant 10 ans ; qu'en outre, l'avantage des marges du revendeur le plus privilégié de la région leur était maintenu ; que d'autre part, le contrat de grossiste ne leur assurait aucune exclusivité, ce qui laissait libre la société Le Flytox d'abord, la société Ciba Geigy ensuite de créer et de développer leur propre distribution ; qu'enfin, la société Procep ne saurait légitimement prétendre, celle elle le fait dans ses écritures, que la société Ciba Geigy a poursuivi à l'égard des établissements Chazottes, au cours de la campagne 1976-1977, une politique d'élimination définitive du marché régional alors que le titulaire au 15 juin 1976 envers eux d'une créance de 2 328 000 F, il lui suffisait, pour ce faire, d'introduire une action tendant à la constatation de l'état de cessation des paiements des établissements Chazottes et à sa mise en règlement judiciaire ;

Attendu, sur le fondement de l'action de la société Procep, que celle-ci invoque à l'encontre de la société Ciba Geigy les dispositions des articles 37 de la loi du 27 décembre 1973 dite " loi Royer " et 1382 du code civil ; que l'article 37 de la loi du 27 décembre 1973 en vigueur à la date des faits dénoncés, disposait, notamment, qu'il était interdit à tout producteur, commerçant, industriel ou artisan de pratiquer des prix ou des conditions de vente discriminatoires qui n'étaient pas justifiées par des différences correspondantes du prix de revient de la fourniture ou du service et que tout producteur était tenu de communiquer à tout revendeur qui en ferait la demande son barème de prix et ses conditions de vente ;

Attendu qu'il y a lieu d'observer que liée à la société Ciba Geigy par une convention, la société Procep ne peut articuler les fautes imputées à celle-ci que dans le cadre de la responsabilité contractuelle et non délictuelle comme elle le fait dans ses écritures ;

Attendu, sur les pratiques de prix discriminatoires, que les experts Ducoroy et Ricard, désignés par le juge d'instruction avant l'inculpation du président directeur de la société Ciba Geigy Thomas Coate, ont, de manière très subtile, relevé en pages 80 et 81 de leur rapport que si l'on comparait les proposition de prix faites aux établissements Chazottes le 30 novembre 1976 et les prix payés par les autres clients de la société Ciba Geigy, il y avait discrimination, mais que si l'on comparait les prix effectivement payés par la partie civile à la suite de l'attribution des réajustements ou ristournes au cours de l'année 1977, il n'y avait pas discrimination; qu'à cet égard, la société intimée ne saurait prétendre que l'amélioration des conditions de vente dont elle a bénéficié courant 1977 est la conséquence du dépôt de sa plainte avec constitution de partie civile le 16 février 1977, alors qu'il résulte tant du rapport de la Direction générale de la concurrence et des prix que des deux rapports d'expertise que l'essentiel des aménagements de prix opérés par la société Ciba Geigy se situait en fin de campagne, donc au printemps ; que, selon les experts précités, le caractère frauduleux ou non des agissements de la société productrice tient de la question de savoir si, entre le 30 novembre 1976 et la période d'établissement des avoirs de réajustements et de ristournes la société des Etablissements Chazottes, d'une part, les autres clients de la société Ciba Geigy, d'autre part, savaient ou non qu'ils bénéficiaient desdits réajustements et ristournes ; qu'à cette question, les experts répondent en page 83 qu'il n'est pas établi que les Etablissements Chazottes aient été informés en novembre 1976 des avantages dont ils bénéficieraient en 1977, alors qu'au contraire il semblait qu'en novembre et décembre 1976 les autres clients en avaient connaissance ;

Mais attendu que l'article 37 de la loi du 27 décembre 1973 qui interdit les pratiques discriminatoires vise les prix effectivement payés par l'acquéreur et non les prix indiqués par le producteur; qu'il résulte d'ailleurs, des pièces versées aux débats qu'en matière de produits phytosanitaires, les prix ne sont jamais définitivement fixés en début et même en cours de campagne, mais présentent une très grande souplesse ; que les experts Raffegeau et Girard ont, notamment, insisté sur le caractère purement indicatif du tarif imprimé distribué par la société Ciba Geigy en début de saison aux grossistes en expliquant qu'il s'y rajoutait les conditions des remises qui étaient débattues entre les responsables de la société et les revendeurs, remises qui étaient consenties produit par produit et qui constituaient des remises sur factures ;

Attendu, d'autre part, que dans son rapport le commissaire Lemoyne de la Direction Générale de la Concurrence et des Prix ; que cette appréciation est confirmée par les experts Raffegeau et Girard commis par le magistrat instructeur à la suite de l'inculpation au terme de leur rapport, mentionnent que " l'ensemble des différents points examinés permet de conclure à l'absence de pratiques discriminatoires en matière de prix " ;

Attendu, sur la communication du barème des prix et des conditions de vente qui était exigée par l'article 37 de la loi du 27 décembre 1973, que les experts Raffegeau et Girard ont, dans leur rapport, confirmé l'explication avancée par la société Ciba Geigy sur le retard avec lequel le tarif imprimé avait été adressé aux grossistes, à savoir la négligence de l'imprimeur qui était sur le point de cesser son activité ; qu'en ce qui concerne la communication des autres éléments des prix, les experts Ducoroy et Ricard ont relevé, contrairement aux campagnes précédentes, un défaut de communication aux établissements Chazottes des conditions de vente pour l'ensemble des produits entre le 31 juillet et le 30 septembre 1976 et un défaut de communication des conditions de vente pour les produits " Weedazol " et les " Ultracide " entre le 30 septembre et le 30 novembre 1976 ; que ce défaut de communication est confirmé par les experts Raffegeau et Girard ;

Mais attendu que ces mêmes experts ont noté qu'au cours de l'été et du début de l'automne 1976, des rapports constants avaient été maintenus entre les deux sociétés et que ces rapports n'avaient pour objet, pour l'essentiel, que le problème des invendus ; qu'en effet, au terme de la campagne 1975-1976, les Etablissements Chazottes se trouvaient en possession d'une centaine de tonnes de produits invendus ; que dans un courrier adressé le 11 juin 1976 à la société Ciba Geigy, ils l'avaient informée de ce qu'ils suspendaient le paiement de ces invendus et les remettaient à la disposition du fabricant ; que comme l'ont relevé les experts, il en est résulté, dans l'attente de la solution de ce grave problème qui n'est intervenue qu'au début du mois de novembre 1976, une certaine ambiguïté dans les rapports entre les deux sociétés et une inertie évidente dans l'organisation de la campagne 1976-1977 ;

Attendu que les experts, ont plus particulièrement, relevé que les nouvelles conditions de prix sur les produits " Gésatope " et " Gésaprime ", décidées à la mi-octobre 1976 et comportant une baisse de 2 F avaient été communiquées tardivement aux Etablissements Chazottes, le 18 novembre 1976 selon la société appelante, le 30 novembre selon la société intimée ;

Mais attendu que l'article 37 dernier alinéa de la loi du 27 décembre 1973 disposait que " tout producteur est tenu de communiquer à tout revendeur qui en fera la demande son barème de prix et ses conditions de vente " ; que les experts Raffegeau et Girard notent, en page 85 de leur rapport, que les Etablissements Chazottes n'avaient pas demandé de façon évidente la communication des nouveaux prix de campagne; que leur première demande ne datait que du 23 novembre 1976 et que la société Ciba Geigy avait répondu le 30 novembre 1976 par un réajustement de prix; qu'ainsi, la faute invoquée par la société intimée sur le fondement de la loi Royer n'est en aucune façon caractérisée et qu'aucun comportement fautif ne peut, d'une façon générale par application de l'article 1382 du code civil, être retenu;

Attendu, sur la communication des réajustements de prix de fin de campagne, qu'il est constant que les établissements Chazottes ont bénéficié de ceux-ci ; que pour démontrer que la société Ciba Geigy n'a accordé les ristournes qu'à la suite de la plainte avec constitution de partie civile la société Procep, argue des termes du courrier du 30 novembre 1976 dans lequel il était indiqué : " c'est-à-dire qu'aussitôt après son expédition à votre adresse le Gésatope vous sera facturé à son prix net et définitif hors TVA ", ce qui excluait tout réajustement en fin de saison ; que, néanmoins, les experts ont estimé en page 86 de leur rapport que comme pour les campagnes précédentes, les Etablissements Chazottes devaient s'attendre à ce que des réajustements interviennent en fin de campagne ; qu'en outre, et surtout, la société intimée fait preuve d'une certaine mauvaise foi en se référant à la facturation " à son prix net et définitif " annoncée dans le courrier du 30 novembre 1976, alors que les ristournes de fin de campagne étaient, comme l'ont souligné les experts, attribuées hors facture ;

Attendu que les fautes invoquées par la société Procep à l'encontre de la société Ciba Geigy ne sont ainsi point caractérisées;

Attendu, au demeurant, que comme le revendique la société appelante, la relation de causalité entre les agissements dénoncés et le préjudice n'est en aucune manière évidente ; qu'en effet, alors que la société intimée incrimine exclusivement le comportement de la société Ciba Geigy au cours de la campagne 1976-1977, la comptabilité des Etablissements Chazottes fait apparaître que son chiffre d'affaires qui atteignait 18 millions de francs au terme de la campagne 1973-1974 a régressé à 12 millions en 1974-1975 et à 7 millions en 1975-1976, alors que ces deux dernières campagnes ne sont pas mises en cause et que l'introduction des agences régionales dans le circuit de la distribution n'est intervenue qu'en 1975 ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que l'activité des Etablissements Chazottes était à concurrence de 90 % fondée sur la vente en gros des produits de la société Ciba Geigy et que les 80 % des achats faits à celle-ci s'appliquaient à trois produits seulement ; que les Etablissements Chazottes n'ont manifestement pas su s'adapter à l'évolution du marché et à la concurrence née de la disparition de la protection des brevets pour les produits " Gésatope " et " Gésaprime ", ce qui a entraîné une chute vertigineuse de leur chiffre d'affaires et la constitution d'un stock considérable d'invendus ;

Attendu que le jugement déféré doit ainsi être infirmé sur le fond et la société intimée déboutée de ses demandes ;

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la société appelante la charge des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel et qu'il doit lui être alloué à ce titre la somme de 10 000 F ;

Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel régulier en la forme ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir de prescription ; L'infirme sur le fond et statuant à nouveau, Déboute la société Procep de ses demandes ; La condamne à rembourser à la société Ciba Geigy les sommes versées au titre de l'exécution provisoire et avec les intérêts de droit à compter du paiement ; La condamne aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Ciba Geigy la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Autorise la SCP Argellies, avoués associés, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.