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Décisions

CA Pau, ch. corr., 8 juillet 1992, n° 414

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riboulleau

Conseillers :

MM. Masson, Laventure

Avocat :

Me Danguy

TGI Tarbes, ch. corr., du 5 mars 1992

5 mars 1992

Statuant sur l'appel interjeté le 16 mars 1992 par le Ministère public d'un jugement contradictoirement rendu le 5 mars 1992 par le Tribunal Correctionnel de Tarbes qui a relaxé Étienne S des fins des poursuites engagées à son encontre du chef de revente à perte.

Attendu qu'il est fait grief au prévenu d'avoir à Laloubere (65), les 8 et 9 décembre 1989 revendu des produits en l'état à un prix inférieur à leur prix d'achat effectif,

Infraction prévue et réprimée par la Loi du 2 juillet 1963, modifiée par l'article 32 de l'Ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986

Attendu qu'il ressort d'un procès-verbal dressé par la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes le 17 juillet 1990 que, le 8 décembre 1989, ses services étaient avisés que l'Hypermarché X à Laloubere pratiquait une remise de 20 % sur tous les jouets,

Qu'une intervention des contrôleurs de la Direction de la Concurrence établissait que, sur 19 articles dont les prix d'achat ont pu être déterminés, d'ailleurs avec difficulté en raison du comportement peu coopératif des personnes responsables de l'établissement, 13 étaient revendus à perte ;

Attendu que le prévenu, comme il l'avait déjà conclu avec succès devant les Premiers Juges, soutient devant la Cour qu'il n'est pas punissable pénalement, d'une part en raison du caractère saisonnier des produits vendus (Loi du 2 juillet 1963 - Article 1° - al. 1), d'autre part parce que Étienne S peut bénéficier de l'exception d'alignement, affirmant qu'il a aligné ses prix sur ceux de son concurrent le plus proche : Méridien Leclerc à Tarbes ; que, s'il ne peut justifier son affirmation, c'est en raison de la tardiveté avec laquelle le procès-verbal a été dressé, et son audience ordonnée ; qu'il ne saurait lui être fait grief de ne pouvoir, plusieurs mois après, apporter la preuve de ce qu'il invoque ; qu'il doit être relaxé ;

Sur quoi :

Sur l'exception d'alignement :

Attendu que l'article 1° de la Loi du 2 juillet 1963 réprime la vente, par un commerçant, d'un produit en l'état, à un prix inférieur à son prix d'achat effectif ; qu'aux termes de l'alinéa 2 du même texte, ces dispositions ne sont pas applicables, notamment, aux produits dont le prix de revente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité ; que, s'il appartient à la partie poursuivante d'établir le caractère illégal du prix sur lequel le prévenu prétend s'aligner, c'est à ce dernier d'apporter, préalablement, la preuve du prix de référence;

Attendu, en l'espèce, qu'une telle preuve n'est pas rapportée par Étienne S; que c'est en vain qu'il invoque la tardiveté du procès-verbal pour justifier sa carence; qu'en effet, au moment même de l'opération de contrôle, le 8 décembre 1989, les factures correspondantes aux 25 jouets contrôlés ont été réclamées par les contrôleurs de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes; que ni à ce moment, ni dans les semaines suivantes, n'ont été fournis les moindres renseignements permettant à la partie poursuivante de remplir sa mission et de vérifier la véracité des prix de référence, puisqu'elle n'était en mesure, du fait de la carence des contrevenants d'effectuer la moindre comparaison,

Que ni S, ni ses subordonnés n'ignoraient qu'une telle preuve doit être établie dans un temps très proche de la période contrôlée, en raison de la variation permanente des prix dans cette catégorie de commerces, qu'il est seul responsable de la tardiveté du procès-verbal, conclusion d'une enquête qui s'est révélée malaisée de son fait, que l'exception d'alignement ne peut être invoquée à bon droit ;

Sur le caractère saisonnier des produits :

Attendu que s'il peut être admis que la vente de jouets est plutôt pratiquée en période de Noël et fin d'année, encore ce caractère saisonnier est-il moins évident dans un hypermarché, qui possède, à l'année, un rayon de jouets conséquent, que dans les petites surfaces commerciales,

Qu'en outre les jouets proposés de manière promotionnelle n'étaient pas des produits susceptibles de se démoder en quelques semaines, mais bien des jouets appréciés depuis des générations par les enfants (jeux de société, poupée " Barbie ", jeux éducatifs...); qu'enfin et surtout, à supposer que l'on admette le caractère saisonnier de la vente de jouets, l'article 1 § 2 de la Loi du 2 juillet 1963 ne s'applique " qu'aux produits saisonniers... pendant la période terminale de la saison des ventes... " ; qu'il ne peut être sérieusement soutenu que les 8 et 9 décembre constituaient la période terminale de la saison considérée, le magasin étant situé dans une région où l'on fête Noël le 25 décembre et non Saint Nicolas le 6 décembre,

Que la promotion était donc illicite;

Attendu qu'aux termes de ce qui précède, la Cour infirmera le jugement, estimant constitués les faits dont elle déclarera Étienne S coupable,

Qu'en répression, elle le condamnera à une amende de 5.000 F ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement par application de l'article 411 du CPP, En la forme, reçoit le Ministère public en son appel. Au fond, Infirmant le jugement déféré, Déclare S Étienne coupable des faits qui lui sont reprochés. En répression, le condamne à une peine d'amende de 5.000 F. Condamne S Étienne aux dépens. Fixe la contrainte par corps conformément à la Loi. Le tout par application des Articles 473 et suivants, 749 du Code de Procédure Pénale, Loi du 2 juillet 1963, modifiée par l'article 32 de l'Ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986.