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Décisions

CA Paris, 9e ch. A, 24 novembre 1992, n° 92-4576

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chevallier

Conseillers :

MM. Collomb-Clerc, Cailliau

Avocat :

Me Paley-Vincent

TGI Bobigny, 15e ch., du 18 févr. 1992

18 février 1992

Rappel de la procédure

A) Le jugement

Le 18 février 1992, la 15e Chambre du Tribunal de Grande Instance de Bobigny a déclaré H Jean coupable d'avoir, à la Courneuve, le 8 octobre 1990, commis le délit de pratique de prix imposés en imposant directement ou indirectement un caractère minimal au prix de revente des marchandises, et par application des articles 34, 55 et 59 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, l'a condamné à une amende de trente mille (30 000) francs, ainsi qu'aux dépens envers l'Etat, liquidés à la somme de 185,60 F (non compris le droit fixe de procédure de 250 F et le droit de poste de 35 F).

Le tribunal a déclaré la société X, solidairement responsable du paiement de l'amende susvisée.

B) Les appels

Appels a été interjeté par :

- Me Djidjelli, avocat, au nom de Jean H, le 28 février 1992,

- Me Djidjelli, avocat, au nom de la société X, solidairement responsable de H, le même jour,

- M. Le procureur de la République de Bobigny, le 2 mars 1992.

Décision :

prise après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme :

LA COUR, se référant aux énonciations qui précédent et aux pièces de la procédure, constate la régularité des appels interjetés, à l'encontre du jugement susvisé, par le prévenu, le ministère public ainsi que par la SA X, recherchée comme solidairement responsable, et les déclarera, dès lors, recevables en la forme.

Au fond :

Considérant qu'ensuite d'un contrôle opéré le 8 octobre 1990, par les services de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, au siège administratif de la SA X, en vue de vérifier les prix pratiqués par cette société qui produit et commercialise divers alcools et sirops, ainsi qu'après une enquête complémentaire diligentée par les services de police judiciaire à la requête du Procureur de la République, H Jean, pris en sa qualité de Président du Conseil d'administration de ladite société, est poursuivi pour avoir imposé directement ou indirectement un caractère minimal aux prix de revente de ses produits et avoir ainsi enfreint les dispositions de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Qu'il y a lieu, pour ce qui concerne l'exposé général des faits, de se rapporter aux énonciations du jugement déféré ;

Que pour une meilleure compréhension des débats, il convient, toutefois, de rappeler que la poursuite reproche au prévenu, sur la base des constatations effectuées par les enquêteurs des Services de la Concurrence, selon procès-verbal clos le 30 novembre 1990, d'avoir conféré un caractère minimal au prix de revente des produits de la SA X tels que devant être pratiqués par les distributeurs et ce, tout d'abord, par le biais des conditions générales de vente fixées par cette société pour l'année 1990, notamment, de la clause 7 définissant à l'intention des partenaires commerciaux, et en vue de déterminer le " prix public " des produits, le seuil de revente à perte de ceux-ci, compte tenu, d'une part, de diminutions devant intervenir au titre des remises promotionnelles et quantitatives ou encore des ristournes d'assortiment, d'autre part, des majorations afférentes aux droits de consommation, de vignette et de la TVA ;

Puis, et toujours aux mêmes fins, en diffusant, le 12 mars 1990, auprès des clients, une circulaire comportant une liste de seuils de revente à perte des cinq principaux produits (A - B - C - D - E) que la société souhaitait voir respecter ;

Qu'il est enfin reproché à H, la conclusion, au cours de l'année 1990, de contrats de coopération commerciale avec certains distributeurs ou centrales d'achat (Euro-Achats, Intermarché) qui, selon la poursuite, aurait eu, entre autre effet, et alors que la SA X avait intégré dans le calcul des prix publiés de ses produits des remises consenties à ses clients à l'occasion de diverses opérations publicitaires, de limiter, en l'occurrence, abusivement à la durée de l'opération promotionnelle l'incidence en résultant pour ceux-ci dans la détermination de leur propre prix de revente minimal desdits produits.

Sur les éléments de la prévention :

Considérant que le prévenu, pour résister à la poursuite ainsi dirigée contre lui et solliciter sa relaxe, a repris sur les faits l'ensemble des explications qu'il avait fournies en première instance ;

Qu'il a tout d'abord soutenu, et fait développer par son conseil, que la définition du seuil de revente à perte des produits, telle que donnée par la SA X dans ses conditions générales de ventes pour l'année 1990, ne saurait, contrairement à l'appréciation des premiers juges, et alors que la société n'avait fait, en l'espèce, que se conformer aux prescriptions légales ainsi qu'à l'accord industrie-commerce du 12 septembre 1989, être interprétée comme conduisant les co-contractants à l'imposition d'un prix de revente minimal ;

Qu'H soutient également qu'il a été fait par le Tribunal une mauvaise analyse de la circulaire du 12 mars 1990 ;

Qu'il avait été pris soin, en effet, dans ce document, d'informer les distributeurs que les seuils de revente tels que s'y trouvant chiffrés devaient être abaissés en fonction des remises qui seraient ultérieurement accordées dans le cadre de ventes promotionnelles.

Mais considérant qu'il a été établi par l'enquête diligentée par les services de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes que la circulaire susvisée du 12 mars 1990, et qui avait été diffusée par les services de la SA X à l'ensemble des distributeurs, comportait des indications chiffrées de seuils de revente à perte calculées en fonction de remises maximales consenties seulement à ses plus gros clients, notamment, une remise quantitative de 2,50 % accordée en cas de livraison de plus de douze mille colis ou encore une remise entrepôt au taux supérieur de 2,50 %;

Que, dans ces conditions, et alors qu'il avait été auparavant pris soin par la Direction de la SA X d'insérer à l'article 7 de ses conditions générales de ventes pour l'année 1990 une clause prévoyant la suspension de toute livraison de produits en cas de non-respect par les distributeurs des indications à eux données pour la détermination de leurs seuils de revente à perte par rapport aux diverses remises consenties, c'est, dès lors, à juste titre que les premiers juges ont estimé que les deux documents commerciaux susvisés, outre qu'ils n'avaient pas la valeur simplement indicative que tend à leur prêter pour sa défense le prévenu, faisaient, en réalité, ressortir la volonté des services de ladite société d'imposer à ses partenaires un prix minimal de revente de ses produits;

Qu'il n'importe, au regard de l'initiative ainsi prise par la Direction de la SA X, que ceux des destinataires de la circulaire du 12 mars 1990 auxquels ne s'imposaient donc pas, pour la détermination de leurs propres seuils de revente à perte, les taux de remise en fonction desquels avaient été calculés sur ce document les seuils de revente à perte des cinq principaux produits de la société applicables aux plus importants distributeurs, aient eu, en ce qui les concerne, la possibilité d'invoquer, ultérieurement, et le cas échéant, l'exception d'alignement sur la concurrence prévue par l'article 1er II de la loi du 2 juillet 1963.

Considérant qu'il résulte, par ailleurs, du dossier et des débats que la direction de la SA X, bien qu'ayant admis l'intégration de budgets dits publicitaires dans le calcul des prix de revente conseillés, n'en a pas moins abusivement, exigé à l'occasion de divers contrats de coopération commerciale conclus, en 1990, avec des groupements de distributeurs, notamment Euro-Achats, que ceux-ci limitent à un mois l'incidence sur les prix de revente entraînée par l'octroi de remises à eux accordées, notamment celle dénommée " tête de gondole " ;

Que, dès lors, le prévenu, nonobstant ses dénégations a, en l'occurrence conféré à nouveau un caractère minimal aux prix de revente des produits par ces distributeurs;

Qu'il est, à cet égard, mal fondé à soutenir qu'il n'était, en tout état de cause, pas en mesure d'imposer sur le plan économique sa volonté aux grands groupes de la distribution ;

Qu'en effet, outre l'appartenance de la SA X au groupe Y ainsi qu'il ressort des indications portées sur ses propres documents commerciaux, il a été relevé par les enquêteurs de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes qu'en raison même de la notoriété s'attachant aux produits commercialisés par X, tous les réseaux notamment, ceux de la grande distribution, avaient été conduits à pratiquer des tarifs s'alignant sur les prix minimaux de revente indiqués par ladite société.

Considérant que l'infraction dénoncée par la poursuite étant, dès lors, établie en tous ses éléments à la charge de Jean H, la Cour confirmera sur la déclaration de culpabilité de ce chef le jugement attaqué ;

Que les premiers juges ayant par ailleurs exactement apprécié la responsabilité du prévenu et fait à celui-ci une juste application de la loi pénale, la Cour maintiendra la peine d'amende prononcée à son encontre par le tribunal ;

Que la Cour confirmera enfin le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la SA X solidairement responsable du paiement de l'amende infligée à H.

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en second ressort. Reçoit, en la forme, les appels du prévenu, du ministère public, ainsi que celui de la SA X, recherchée comme solidairement responsable. Au fond : Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré. Condamne H Jean aux dépens envers l'Etat, de première instance et d'appel, liquidés à la somme de 977,36 F. Dit qu'il pourra être recouru, s'il y a lieu, à l'exercice de la contrainte par corps pour le recouvrement de l'amende et des frais de justice, dans les conditions fixées aux articles 749 et suivants du Code de Procédure Pénale ; Le tout par application des articles 34, 54 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 473, 749 et suivants du Code de Procédure Pénale.