CA Paris, 13e ch. A, 25 septembre 1995, n° 93-07255
PARIS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Petit
Conseillers :
M. Guilbaud, Mme Pénichon
Avocat :
Me Petit
Rappel de la procédure
Prévention :
M Alain est poursuivi pour imposition d'un prix de revente minimum ou d'une marge minimale - bien ou prestation de service, en l'espèce avoir revendu des produits en l'état en dessous de leur prix d'achat effectif en l'espèce du café Gringo moulu 2x250 g, de la choucroute William Saurin 4x4 par 2, des raviolis Buitoni 4x4, du Ricard 1 litre et du Vizir 3 litres,
Faits commis le 30 novembre 1990, à Villiers en Bière,
Infraction prévue et réprimée par l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Le jugement :
Le Tribunal, par jugement contradictoire a :
Relaxé M Alain du chef :
D'imposition d'un prix de revente minimum ou d'une marge minimale - bien ou prestation de service.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
M. le Procureur de la République, le 12 mars 1993 contre M. M Alain.
Arrêt avant dire droit :
Par arrêt avant dire droit, en date du 14 mars 1994, cette chambre de la Cour a :
Statuant publiquement et contradictoirement
Reçu l'appel du Ministère public ;
Avant dire droit ;
Ordonné la production par le prévenu devant la Cour du courrier du 13 novembre 1990 et des relevés de prix mentionnés dans le jugement déféré ;
Désigné M. le conseiller Guilbaud pour en contrôler les opérations ;
Renvoyé l'examen de l'affaire pour indication à l'audience du 19 septembre 1994 à 13H30 ;
Dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 150 francs.
Décision :
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu l'arrêt avant dire droit du 14 mars 1994 de cette chambre de la Cour,
Statuant sur l'appel relevé par le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention ;
Monsieur l'Avocat Général, s'en rapportant aux termes du rapport d'appel du Ministère public en date du 29 septembre 1993, requiert de la Cour, par infirmation, de retenir Alain M dans les liens de la prévention et de lui infliger une peine d'amende tenant compte de son passé judiciaire ;
Représenté par son conseil le prévenu intimé demande, au contraire, à la Cour de confirmer la décision de relaxe entreprise ;
Il fait essentiellement valoir que s'il est dans l'incapacité de verser aux débats les pièces dont la production a été ordonnée par arrêt avant dire droit du 14 mars 1994, il n'en demeure pas moins que l'exception d'alignement, soulevée lors du contrôle, doit pouvoir être accueillie ;
A titre subsidiaire il sollicite l'indulgence en exposant que si le bulletin n° 1 de son casier judiciaire mentionne 2 condamnations pour des faits similaires, il n'est cependant qu'un simple salarié ;
Considérant qu'il convient de rappeler que le 13 novembre 1990, deux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes se présentaient au magasin X sis à Villiers en Bière et, après avoir acheté un certain nombre de produits, se faisaient remettre les factures et autres documents relatifs à l'achat des dits produits ; qu'il ressortait de leurs vérifications que 5 produits étaient revendus à perte, en l'espèce du café Gringo moulu 2 x 250 g, de la choucroute William Saurin 4 x 4 pour 2, des raviolis Buitoni 4 x 4, du Ricard 1 litre et du Vizir 3 litres ;
Qu'invité à prendre connaissance du procès verbal de délit établi le 18 février 1991, Alain M, chef de secteur épicerie du magasin contrôlé et bénéficiaire d'une délégation de pouvoirs, indiquait, sans autre précision, que " les prix relevés dans le présent acte étaient ceux pratiqués par les concurrents " argument qu'il réitérait devant les services de Police sans contester la matérialité des faits ;
Considérant qu'il résulte de l'article 1 de la loi n° 63-628 du 2 juillet 1963 modifié par l'article 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 que les dispositions prohibant la revente à perte ne sont pas applicables aux produits dont le prix de revente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité ;
Considérant qu'il appartient au prévenu qui se prévaut de l'exception d'alignement d'apporter la preuve des prix légalement pratiqués pour les mêmes produits, par un autre commerçant, dans la même zone d'activité, à la date du contrôle ;
Considérant que la Cour observe que pour motiver leur décision de relaxe les premiers juges font notamment état d'un courrier du 13 novembre 1990 par lequel Alain M aurait, dès le début du contrôle, invoqué l'exception d'alignement et de la production par le prévenu, à l'audience du tribunal, de relevés de prix établis par un organisme extérieur, faisant apparaître que les prix de son magasin en novembre 1990 étaient " alignés sur ceux de ces " documents " dans la même zone d'activité " ;
Considérant que la Cour constate que la lettre susvisée et les relevés de prix précités ne figurent pas au dossier et que ces documents n'ont pas été produits par le prévenu malgré les termes de l'arrêt avant dire droit du 14 mars 1994 ;
Considérant qu'à supposer même que le courrier du 13 novembre 1990, dont la Cour ignore la teneur exacte, puisse être retenu comme constitutif d'une intention d'invoquer l'exception d'alignement, il n'en demeure pas moins que, selon les termes du rapport d'appel établi le 29 septembre 1993 par le Ministère public qui a pu consulter les documents produits à l'audience des premiers juges, les relevés de prix mentionnés dans la décision déférée dataient du 16 novembre 1990 soit 3 jours après le contrôle;
Qu'en outre, pour un produit (lessive Vizir) aucun relevé de prix n'était fourni alors que pour 2 autres produits (café Gringo et choucroute William Saurin) les conditionnements étaient différents ;
Considérant qu'un relevé postérieur au contrôle n'apportera aucun élément probant sur la réalité de l'alignement au jour dudit contrôle;
Que dès lors l'exception d'alignement soulevée doit être écartée comme non constituée au fond;
Considérant qu'il convient, par voie de conséquence, infirmant la décision critiquée, de retenir Alain M dans les liens de la prévention et de le condamner à 30.000 F d'amende pour tenir compte de la relative gravité des faits et de son passé judiciaire ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirmant le jugement dont appel, Déclare Alain M coupable d'avoir à Villiers en Bière, le 13 novembre 1990, revendu des produits en l'état en dessous de leur prix d'achat effectif en l'espèce du café Gringo moulu 2 x 250g, de la choucroute William Saurin 4 x 4 par 2, des raviolis Buitoni 4 x 4, du Ricard 1 litre et du Vizir 3 litres, Faits prévus et réprimés par les articles 1er de la loi du 2 juillet 1963, 32 et 55 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, Le condamne à 30.000 F d'amende, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 francs dont est redevable chaque condamné.