CA Amiens, 6e ch. corr., 17 janvier 1995, n° 44
AMIENS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Brunhes
Conseillers :
MM. Lemoine, Delculry
Avocat :
Me Gast
Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par le Ministère public d'un jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel d'Amiens le 26 janvier 1994 dont le dispositif est rappelé ci-dessus ;
Attendu que le prévenu Jean-Claude X régulièrement cité, est représenté par son Conseil qui dépose ses conclusions ;
Que la Direction Régionale de la Concurrence et de la Consommation et de la Répression des Fraudes de la Somme, partie jointe est représentée et dépose ses conclusions ;
Attendu que Jean-Claude X est prévenu d'avoir :
- à Amiens , entre août 1991 et le 16 décembre 1991, imposé directement ou indirectement à Martine Delgove, franchisée de l'enseigne de salon de coiffure " Y " un caractère minimal aux prix de revente de produits cosmétiques de marque " Y " ou au prix d'une prestation de service , en l'espèce de coiffure ;
Faits prévus et réprimés par l'article 34 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Attendu qu'il résulte des éléments du dossier et des débats que Martine Delgove exploite depuis le mois d'août 1991, 6, rue de Général Leclerc à Amiens en qualité de franchisée sous l'enseigne " Y " un salon de coiffure ;
Attendu qu'il ressort du procès-verbal établi le 1er juin 1992 par les fonctionnaires de la DGCCRF de la Somme que les prix affichés dans le salon de coiffure de Martine Delgove concordaient pour 9 sur 10 d'entre eux aux prix indiqués dans le fascicule que lui avait remis Jean-Claude X ;
Attendu qu'entendue le 16 décembre 1991, Martine Delgove a déclaré que si, aux termes du contrat de franchise, elle était libre de fixer le prix de ses prestations, dans les faits, il fallait respecter les prix Y, qu'elle a soumis ses prix à Jean-Claude X qui lui a demandé d'en modifier certains, que les prix ont été modifiés le 1er novembre 1991 et que Jean-Claude X n'envisageait pas de les modifier à nouveau ; que les prix des cosmétiques étaient fixés par le franchiseur ;
Attendu que par lettre du 26 mai 1992, Martine Delgove est revenue sur ses déclarations faites aux enquêteurs le 16 décembre 1991, déclarant n'avoir pas mesuré la portée de ses propos et soulignant que le savoir-faire du franchiseur comprend également la détermination des prix de vente à la clientèle des produits comme des prestations ;
Attendu que dans ses conclusions, Jean-Claude X affirme que la liste des prix relevés par l'administration dans 6 salons de la région parisienne montre plusieurs écarts par rapport aux tarifs présentés dans la brochure remise aux franchisés, qu'aucune pression ni menace n'ont été exercés sur ceux-ci ; que les tarifs figurant sur cette brochure sont indicatifs et que les franchisés sont libres de fixer leurs tarifs, le cas échéant en sollicitant les conseils des franchiseurs ;
Il conclut à la confirmation du jugement de relaxe ;
La DGCCRF, se fondant sur les déclarations initiales de Martine Delgove et sur la concordance des prix pratiqués dans le salon de celle-ci et dans les 6 autres salons et de la date d'application de ces nouveaux tarifs, affirme que l'infraction est établie et sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de Jean-Claude X ;
Attendu que si Martine Delgove est revenue sur ses déclarations le 26 mai 1992, cette rétractation est intervenue alors que Jean-Claude X avait été avisé le 18 mai 1992 des infractions relevées ;
Que Martine Delgove indique cependant dans sa correspondance du 26 mai 1992 que " le savoir-faire du franchiseur comprend également la détermination des prix de vente à la clientèle des produits et des prestations " ;
Attendu que si le contrat de franchise produit aux débats dispose en son article 4 que le franchisé est libre de fixer les prix des prestations qu'il pratique, il doit cependant faire son possible pour les prix pratiqués restent en relative conformité et homogénéité avec les prix du réseau de franchise Y;
Attendu que les relevés des prix effectués dans 6 salons franchisés Y dans la région parisienne montrent une concordance troublante, à quelques exceptions près entre eux et avec les tarifs pratiqués par Martine Delgove ;
Que dans ces 6 salons, les prix ont été changés le 1er novembre 1991 ce qui correspond à la date indiquée par Martine Delgove ;
Attendu que l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'exige pas que les pressions exercées sur les revendeurs prennent des formes particulières;
Qu'il apparaît des éléments ci-dessus exposés que Jean-Claude X a bien commis les faits qui lui sont reprochés;
Qu'il échet donc d'infirmer le jugement déféré, de déclarer Jean-Claude X coupable et de le condamner, eu égard à la gravité des faits, à la peine de 10 000 F d'amende ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel du Ministère public régulier en la forme, Au fond, Le dit bien fondé, Infirme le jugement déféré, Déclare Jean-Claude X coupable du délit d'imposition de prix minimum d'un produit ou d'une prestation, Le condamne à 10 000 F d'amende, Le condamne au droit fixe de procédure liquidé envers l'Etat à la somme de 800 F, Prononce en tant que de besoin la contrainte par corps.