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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch., 14 novembre 1994, n° 93001941

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Baudet-Chaput

Défendeur :

Établissements Champion (SA), Cognet (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouscharain

Conseillers :

Melle Courbin, M. Ors

Avoués :

Mes Fournier, Le Barazer

Avocats :

Mes Gast, Pipat.

T. com. Périgueux, du 14 déc. 1992

14 décembre 1992

Par jugement du 14 décembre 1992, le Tribunal de commerce de Périgueux a prononcé, aux torts de Madame Baudet-Chaput, la résiliation du contrat de franchise l'ayant liée à la société Champion, condamné Madame Baudet-Chaput à payer à la société Champion la somme de 432 733,14 F avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ainsi que 2 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Le tribunal a également condamné la société Champion à payer à Madame Baudet-Chaput une indemnité de 100 000 F.

Le 5 avril 1993, Mme Marcelle Baudet-Chaput a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 5 août 1993, elle prie pour l'essentiel la Cour d'annuler le contrat de franchise l'ayant liée à la société Champion, de condamner cette société à lui restituer les sommes versées en vertu du contrat, de débouter la société Champion de sa demande en paiement. Subsidiairement, elle demande que la créance de la société Champion soit évaluée selon la valeur réelle des produits livrés. Elle sollicite 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle soutient que le contrat doit être annulé pour dol, ayant été incitée à contracter par des documents erronés relatifs à l'existence du réseau de franchise, à un savoir-faire performant, à une grande expérience dans un domaine en expansion et par la remise d'un compte d'exploitation prévisionnel fantaisiste voire mensonger.

Elle reproche à son adversaire d'avoir " violé son devoir de renseignement ".

Elle soutient également que le contrat doit être annulé pour absence de cause, le savoir-faire allégué par la société Champion ne constituant pas une contrepartie réelle à sa propre obligation.

Ainsi, lors de la signature du contrat, le franchiseur n'avait pas éprouvé son concept de restauration puisqu'il ne possédait aucun restaurant, ayant même oublié de comptabiliser les frais d'aménagement du restaurant. De plus la société Champion a géré de manière incohérente son réseau de distribution et sa politique d'approvisionnement. Elle ne justifie pas des réalisations publicitaires conséquentes que le budget publicitaire devait assurer. Elle ne justifie d'aucune notoriété réelle du fait de la confusion de l'enseigne des supermarchés Champion.

Elle a concurrencé déloyalement ses franchisés en développant son réseau de vente par correspondance et proposant à ce titre des prix inférieurs à ceux imposés aux franchisés, utilisant abusivement le fichier de clientèle de ses franchisés.

Elle affirme qu'elle a contracté par l'effet d'une erreur sur la substance du contrat, le savoir-faire, l'assistance et les signes distinctifs faisant défaut.

Elle estime que le contrat doit être annulé en raison de la pratique de prix imposés résultant de la large diffusion d'un catalogue mentionnant les prix de commercialisation, prix qu'elle a ainsi été contrainte de respecter. Son état de dépendance économique l'a empêchée de fixer librement ses prix de vente. Elle ne pouvait davantage négocier ses prix d'achat avec son franchiseur.

Elle soutient que le contrat est nul pour indétermination du prix, ne comportant aucune clause relative aux prix d'achat alors que la franchisée devait commercialiser la totalité de la gamme des produits Champion, excepté 20 % de produits complémentaires. Elle est ainsi soumise à la décision de son cocontractant.

La nullité du contrat impose la restitution du droit d'entrée. Cette nullité s'oppose à ce qu'elle doive payer quelque somme que ce soit à la société Champion. Et les produits livrés doivent être évalués à leur valeur réelle et non suivant le contrat annulé.

Elle estime que l'attitude fautive de son adversaire lui a causé un dommage qu'elle évalue à 900 000 F.

M. Cognet, représentant des créanciers au redressement judiciaire de Madame Baudet-Chaput a déposé le 6 septembre 1993 un acte de reprise d'instance.

La société Etablissements Champion a conclu le 6 janvier 1994 à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné son adversaire à lui payer 431 733 F, demandant que cette somme produise intérêts au taux légal depuis le jour de l'assignation, à la confirmation de la disposition du jugement prononçant la résiliation du contrat aux torts de Madame Baudet-Chaput demandant la réformation de la disposition l'ayant condamnée à payer à Madame Baudet-Chaput une indemnité de 100 000 F.

Elle sollicite 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle expose qu'après avoir le 16 juin 1987 signé un contrat de réservation et versé 55 000 F pour le droit d'entrée, Madame Baudet-Chaput a signé avec elle le 28 août 1987 un contrat de franchise pour la ville de Melun, la franchisée devant ouvrir un magasin et un restaurant. Ce n'est que vers la fin de l'année 1988 que Madame Baudet-Chaput présenta des retards de paiement, des facilités lui ayant été accordées.

Reconnaissant devoir 176 649, 36 F, Madame Baudet-Chaput a consenti le 19 septembre 1989 un nantissement sur son fonds de commerce. La dette ayant augmenté, elle a assigné sa franchisée.

Elle fait observer que Madame Baudet-Chaput n'a pas usé de la faculté de résiliation unilatérale que le contrat lui accordait, que le règlement d'exemption invoqué par celle-ci ne peut recevoir application comme étant postérieur au contrat, que le code de déontologie de la franchise ne peut être appliqué que si les parties s'y sont contractuellement soumises et enfin que le franchiseur n'a aucune obligation de résultat.

Sur le dol, qui doit être prouvé et apprécié à la date de formation du contrat, elle affirme qu'exploitant plusieurs boutiques et ayant plusieurs franchises en région parisienne, la région de Melun était favorable à l'ouverture d'une franchise.

Madame Baudet-Chaput avait accepté contractuellement qu'elle se réserve de continuer à servir ses clients par correspondance, lesquels, prévenus de l'ouverture du magasin de celle-ci, constituaient des clients potentiels.

Pour ce qui est du compte d'exploitation prévisionnel, elle fait valoir qu'il n'est pas prouvé que ses bases n'étaient pas acceptables et comportaient des indications gravement erronées. Elle affirme que les chiffres de l'année 1988 étaient proches de ceux du compte d'exploitation prévisionnel. Mais l'année suivante, le chiffre d'affaires du restaurant s'est effondré, en raison d'une concurrence non prévisible à l'origine, du fait de l'ouverture d'un grand nombre de restaurants et d'une boutique concurrente, le mari de Madame Baudet-Chaput ayant lui-même une activité commerciale concurrente de celle de son épouse.

Elle ajoute qu'une banque a considéré le compte prévisionnel comme suffisamment sérieux pour consentir à Madame Baudet-Chaput un concours financier important, alors qu'elle détient des documents qui lui permettaient de vérifier ce sérieux.

Elle indique en outre qu'elle n'avait aucun intérêt à établir des prévisions irréalisables, son image pâtissant des difficultés de ses franchisés. Le franchisé doit apprécier la valeur des prévisions faites.

Pour ce qui est de l'absence prétendue de cause, elle affirme qu'il convient de l'apprécier au moment de la formation du contrat.

Elle fait état du savoir-faire qu'elle a transmis et conteste que Madame Baudet-Chaput ait été la première exploitante d'un restaurant en franchise, un restaurant ayant été ouvert le 29 novembre 1984.

Elle conteste le reproche qui lui est fait d'avoir oublié de prévoir les frais d'aménagement du restaurant, alors que l'investissement réalisé par la franchisée a été inférieur aux prévisions.

Elle ajoute avoir accordé des aides financières en consentant des délais de paiement.

Elle fait état du résultat d'enquêtes de notoriété pour justifier de sa notoriété.

Elle conteste avoir commis des actes de concurrence déloyale, Madame Baudet-Chaput à qui une exclusivité territoriale était consentie dans la ville de Melun, ayant contractuellement accepté qu'elle commercialise ses produits par correspondance. Elle conteste avoir utilisé le fichier des clients de Madame Baudet-Chaput.

Elle fait état des actions publicitaires qu'elle a accomplies, sans avoir exigé de sa cocontractante la participation financière prévue au contrat.

Elle estime qu'aucune erreur n'est caractérisée.

Elle conteste avoir imposé aux franchisés des prix d'achat et de vente.

Les prix d'achat pouvaient varier en fonction de l'importance des commandes et des délais de paiement étaient accordés aux franchisés. Elle conseillait à ses franchisés une marge bénéficiaire de 40 %, supérieure à celle habituellement pratiquée en épicerie fine.

Pour le restaurant, elle conseillait des prix entraînant une marge de 60 %. Cette pratique est licite et elle n'imposait aucun prix. Rien ne contraignait les franchisés à distribuer à leurs clients le tarif boutique qu'elle édite, ceux-ci étant libres d'éditer leur propre tarif. Les franchisés étaient libres de remettre au routeur chargé de la distribution des tarifs la liste de leurs propres clients. Elle déduit de la concurrence existant dans les ventes de foies gras que les commerçants doivent aligner leurs prix.

Pour les mêmes motifs, elle estime qu'il n'y a pas abus de dépendance économique.

Au grief d'indétermination du prix, elle fait valoir que le contrat comporte obligation de faire et non obligation de donner et n'empêche pas les parties de discuter librement les prix.

Elle conteste comme contradictoires les motifs par lesquels le Tribunal s'est déterminé pour la condamner à indemniser Madame Baudet-Chaput, le contrat de franchise imposant la coexistence d'obligation de conseil en gestion et en finances et d'une créance du prix de marchandises.

Pour le surplus, elle demande la confirmation du jugement, sauf à ce que le point de départ des intérêts soit fixé au jour de l'assignation.

Le 8 juin 1994, M. Cognet, représentant des créanciers au redressement judiciaire de Madame Baudet-Chaput a conclu faisant siennes les conclusions déposées par celle-ci.

Le 27 septembre 1994, Mme Baudet-Chaput et M. Cognet ès qualité ont déposé des conclusions tendant aux mêmes fins.

Ils font valoir que la société Champion ne peut se targuer de l'impéritie de ses franchisés qu'elle devait faire profiter de sa réussite commerciale et indiquant que depuis 1987, un grand nombre de boutiques et boutiques-restaurants Champion ont fermé, la société Champion connaissant de grosses difficultés de trésorerie.

Ils développent des arguments sur la possibilité de résiliation à l'initiative du franchisé, l'application des règles communautaires en matière de franchise ainsi que le compte d'exploitation prévisionnel. Ainsi que les parties en avaient été avisées le 9 février 1994, l'instruction a été close le 3 octobre 1994.

La société Champion a à nouveau conclu le 6 octobre 1994.

Mme Baudet-Chaput et M. Cognet ont conclu en réponse le 12 octobre 1994.

Sur quoi :

I. Sur la recevabilité de conclusions :

Attendu que Mme Baudet-Chaput et la société Champion ont déposé, postérieurement à l'ordonnance de clôture, des conclusions qui n'existent pas dans l'énumération de celles qui sont recevables après le prononcé de cette décision ; que ces conclusions seront déclarées d'office irrecevables ;

II. Sur le fond :

Attendu qu'après avoir souscrit le 16 juin 1987, avec la société Champion, un contrat de réservation de franchise qui lui accordait une faculté de dédit, moyennant l'abandon de la somme de 10 000 F, et reçu le compte d'exploitation prévisionnel à elle transmis par lettre du 24 juin 1987, Mme Baudet-Chaput a signé avec la même société, le 28 août 1987, un contrat de franchise pour l'exploitation à Melun d'une boutique restaurant, moyennant le versement d'une redevance forfaitaire de 55 000 F et une participation à un fonds commun de publicité pour un montant égal à 2,5 % du chiffre d'affaires hors taxes du magasin ; qu'à la fin de l'année 1988, Mme Baudet-Chaput payait avec retard et difficulté les livraisons de produits à elle fournis par la société Champion à laquelle, par acte du 18 septembre 1989, elle reconnaissait devoir 171 186,64 F ;

Qu'elle poursuivait son exploitation en payant comptant les produits, mais ne parvenait pas à apurer ses dettes, ce pour quoi la société Champion l'assignait, Mme Baudet-Chaput ayant été placée en redressement judiciaire et la société Champion ayant déclaré sa créance à hauteur de 437 501,19 F entre les mains du représentant des créanciers par lettre recommandée du 7 juin 1993 dont celui-ci a souscrit l'accusé de réception le 10 juin 1993 ;

II. 1 - Sur les exceptions de nullité du contrat :

II. 1-1 - Sur l'exception de nullité de dol :

Attendu que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans celles-ci, l'autre partie n'aurait pas contracté;

Que le dol ne se présume pas et doit être prouvé; que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait dissuadé de contracter;

Attendu que Mme Baudet-Chaput ne prouve pas que, dans la période précontractuelle, la société Champion l'aurait trompée sur ses compétences dans la vente du foie gras et des produits de sa marque et sur l'importance de ce qui constituait alors son réseau de franchise ; que pas davantage, elle ne produit les documents publicitaires par lesquels la société Champion se présentait sous les meilleurs auspices et qui l'auraient, à ses dires, trompée ;

Attendu que Mme Baudet-Chaput ne prouve pas que le compte d'exploitation prévisionnel qui lui a été remis par lettre du 24 juin 1987 était " particulièrement fantaisiste voire même mensonger " ;

Attendu que ce document annonçait un investissement de 894 000 F financé par un emprunt de 700 000 F et un apport personnel de 200 000 F, un chiffre d'affaires de 800 000 F + 440 000 F soit 1 210 000 F la première année, de 930 000 F + 550 000 F soit 1 380 000 F la deuxième année et de 1 000 000 F + 550 000 F soit 1 550 000 F la troisième année ; qu'il apparaît qu'ayant réalisé des immobilisations de 881 228 F ainsi que l'établissent les comptes de Mme Baudet-Chaput au 30 septembre 1988, celle-ci a contracté des emprunts à hauteur de 900 000 F et a réalisé en 1988 un chiffre d'affaires inférieur de 13,25 % aux prévisions, en 1989 inférieur de 58 % et en 1990 inférieur de 30 % ;

Attendu que l'indication d'un chiffre d'affaires prévisionnel ne suffit pas à garantir que l'exploitation commerciale obtienne un résultat identique; que l'indication prévisionnelle ne serait fautive qu'autant qu'elle se fonderait sur des hypothèses inacceptables ou déraisonnables;

Attendu que Mme Baudet-Chaput ne présente à cet égard aucune démonstration ; que les correspondances qu'elle a adressées au franchiseur démontrent que l'exploitation de la boutique a progressé en dépit de l'ouverture début de l'année 1990 d'une boutique de vente de produits " Comtesse du Barry ", mais que celle du restaurant a chuté en raison de l'ouverture d'un grand nombre de restaurants, ainsi qu'en témoignent les lettres de 15 mai et 1er juillet 1989, circonstance qui ne pouvait être connue de la société Champion à l'époque où elle a élaboré le budget prévisionnel et dont il n'est pas établi qu'elle aurait dû avoir connaissance ;

Que le chiffre d'affaires réalisé au cours du premier exercice sur la seule notoriété de la marque et dans le temps le plus proche de celui où les prévisions ont été établies montre que celles-ci n'étaient pas erronées ou déraisonnables.

Que d'ailleurs, le compte d'exploitation prévisionnel est apparu suffisamment sérieux aux professionnels qui l'ont examiné pour que le CEPME accorde à Mme Baudet-Chaput non seulement le prêt de 70 000 F prévu par ce document, mais un prêt supplémentaire de 200 000 F ;

Qu'en cet état, le dol invoqué par Mme Baudet-Chaput n'est pas constitué ;

II. 1. 2 - Sur l'exception de nullité tirée du défaut de cause :

Attendu que l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ; que la convention n'est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée ;

Que dans les contrats synallagmatiques, l'obligation de chaque contractant trouve sa cause dans l'obligation, envisagée par lui comme devant être effectivement exécutée, de l'autre contractant; que cette cause fait défaut quant la promesse de l'une des partie n'est pas exécutée ou se révèle nulle ou de réalisation impossible ; que l'absence de cause s'apprécie au moment de la formation du contrat;

Attendu que Mme Baudet-Chaput n'est pas fondée à invoquer contre le contrat qu'elle critique, des définitions et prescriptions résultant de normes et règlements postérieurs à la date de formation du contrat, ces définitions et prescriptions ne pouvant avoir d'effet rétroactif ;

Attendu que, contrairement à ce que soutient Mme Baudet-Chaput, la société Champion justifie qu'un restaurant était ouvert en franchise avant la signature du contrat critiqué, et depuis le mois de novembre 1984 ;

Qu'elle avait ainsi éprouvé, pendant un délai suffisant, le concept qu'elle avait élaboré pour être en mesure de transmettre le savoir-faire correspondant ; que, contrairement à ce qu'elle avance, Mme Baudet-Chaput ne prouve pas que la société Champion était si inexpérimentée qu'elle aurait omis de comptabiliser les frais d'aménagement du restaurant, auxquels elle aurait dû faire face en souscrivant un emprunt complémentaire, puisque si elle justifie avoir contracté un emprunt supplémentaire de 200 000 F, il est également établi que son actif immobilisé au 30 septembre 1988 s'élevait à 881 228 F soit une somme légèrement inférieure au montant prévisionnel de l'investissement annoncé par la société Champion ;

Attendu que le contrat mettait à la charge de la société Champion divers actes d'assistance au cours de la période précédant l'ouverture du magasin et postérieurement à celle-ci, la délivrance d'un manuel d'information, l'organisation d'un stage de formation, l'octroi de conditions spécifiques de paiement, l'organisation de campagnes publicitaires nationales et locales, le prêt de l'enseigne, le bénéfice de la marque Foie Gras Pierre Champion notamment; que le reproche fait par Mme Baudet-Chaput à la société Champion de n'avoir pas fait de campagnes publicitaires conséquentes est démenti par les factures produites par cette dernière relatives aux dépenses publicitaires qu'elle a réalisées ; que la société Champion justifie de sa propre notoriété qu'au demeurant Mme Baudet-Chaput pouvait apprécier avant de contracter, celle-ci ne justifiant pas de la confusion qu'elle allègue avec les supermarchés Champion ; qu'en ce qui concerne la politique commerciale de la société Champion, Mme Baudet-Chaput a, en contractant, eu connaissance de ce que la société Champion possédait un réseau de vente par correspondance qu'elle entendait conserver ; qu'au surplus, elle ne justifie pas, par des exemples concrets et précis que les ventes par correspondance de la société Champion l'auraient déloyalement concurrencée par la pratique de prix inférieurs à ceux qu'elle-même pratiquait ; que, pas davantage, Mme Baudet-Chaput ne justifie que la société Champion aurait abusivement utilisé le fichier de ses propres clients en vue d'un démarchage pour la vente par correspondance ;

Que contrairement à ce qu'elle soutient, Mme Baudet-Chaput a bénéficié de la part de la société Champion d'un soutien financier, par l'octroi de délais supérieurs aux prévisions contractuelles, d'un soutient technique et commercial ainsi qu'en témoignent tant les correspondances que les comptes-rendus des réunions auxquelles elle a assisté ;

Que les obligations nées du contrat de franchise avaient une cause;

II. 1. 3 - Sur l'exception de nullité tirée de l'erreur :

Attendu que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui est l'objet ;

Attendu que l'objet de l'obligation de la société Champion était la transmission d'un savoir-faire, d'une assistance et de signes distinctifs; qu'il résulte des documents produits que Mme Baudet-Chaput a bénéficié des signes distinctifs de la société Champion; qu'elle a reçu une assistance par correspondance, visites et réunions; que d'ailleurs l'absence de toute réclamation ou mise en demeure à ce titre montre qu'avant la présente contestation élevée à l'occasion de ce litige, elle n'avait aucune critique à invoquer sur ce point ; qu'en ce qui concerne le savoir-faire, les documents produits montrent également qu'elle a reçu, pour la vente des produits de la société Champion et pour leur proposition aux clients du restaurant un savoir faire que, sans l'intervention de la société Champion, elle n'aurait pu acquérir directement et sans effort; que le fait que son exploitation n'ait pas atteint les résultats prévus n'implique pas que les prévisions étaient inexactes ;

Qu'elle n'établit pas avoir été victime d'une erreur ;

II. 1. 4 - Sur l'exception de nullité pour prix imposés :

Attendu qu'il résulte de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qu'est prohibé le fait, pour toute personne, d'imposer directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou à une marge commerciale ; qu'une convention qui organisait une telle pratique serait illicite et devrait être annulée;

Attendu que le contrat critiqué ne comporte aucune clause relative aux prix de revente des produits et prévoit même, dans son préambule, que les franchisés dirigeront leur entreprise en toute indépendance à l'égard de la société Champion; que néanmoins cette société reconnaît qu'elle a conseillé aux franchisés des prix de revente dont le montant incluait une marge de 40 % ; qu'il est certain que par les catalogues qu'elle diffusait, les correspondances qu'elle adressait aux franchisés, la société Champion incitait de manière répétée et insistante l'ensemble des franchisés à pratiquer les prix de vente qu'elle préconisait, et que la coexistence d'un réseau de boutiques franchisées, d'un réseau de boutiques en exploitation directe et d'un réseau de vente part correspondance constituaient une incitation supplémentaire des franchisés à pratiquer les prix conseillés par la société Champion ; que même si Madame Baudet-Chaput se trouvait dans un état d'infériorité économique par rapport à la société Champion ce que tempère le fait qu'elle pouvait vendre 20 % de produits achetés auprès d'autres fournisseurs, il n'apparaît pas que les incitations à appliquer les prix conseillés par le franchiseur représentaient une telle contrainte que la société Champion puisse être tenue d'avoir, sous couvert de prix conseillés, imposé à Mme Baudet-Chaput un prix de vente minimal de ses produits;

Que l'exception de nullité ne sera pas accueillie ;

II. 1. 5 - Sur l'exception de nullité pour indétermination de prix :

Attendu qu'il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce ; que la quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu'elle puisse être déterminée ; que le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ;

Attendu qu'il est constant que le contrat litigieux oblige Mme Baudet-Chaput à commercialiser la totalité de la gamme de produits de la société Champion et l'autorise seulement à vendre des produits complémentaires dans la limite de 20 % ; qu'ainsi et dans cette limite, Mme Baudet-Chaput était tenue de s'approvisionner auprès de la société Champion ;

Que cette obligation d'approvisionnement applicable à toute la gamme des produits de cette société n'imposait pas à Mme Baudet-Chaput l'acquisition d'une quantité déterminée ou minimale de telle ou telle catégorie de produits, mais seulement de s'approvisionner, Mme Baudet-Chaput étant libre de fixer les quantités nécessaires à la bonne gestion de son entreprise ;

Qu'il apparaît que Mme Baudet-Chaput a contracté une obligation de faire et non une obligation de donner pour laquelle l'indétermination de prix entraîne la nullité ; que, par ailleurs, rien ne prouve que Mme Baudet-Chaput n'avait pas la possibilité de débattre le prix d'achat des produits ;

Que cette exception de nullité ne sera pas accueillie ;

II. 2 - Sur la demande de résiliation :

Attendu qu'il est constant que Mme Baudet-Chaput n'a pas respecté ses obligations contractuelles en ne payant pas aux dates convenues les marchandises acquises auprès de la société Champion ;

Que, pour ce motif, la résiliation du contrat de franchise doit être prononcée à ses torts ;

II. 3 - Sur la demande en paiement de la société Champion :

Attendu que la société Champion, qui a déclaré sa créance pour 437 501, 19 F, sollicite la confirmation du jugement qui a condamné Mme Baudet-Chaput à lui payer 432 733, 14 F ; que cette dernière qui n'a pas critiqué cette condamnation qu'autant que la convention de franchise serait annulée, ne conteste en réalité pas utilement sa dette dont le montant sera ainsi fixé à la somme retenue par le Tribunal ;

Qu'ainsi que la demande à bon droit la société Champion, cette somme produira intérêts moratoires au taux légal depuis l'assignation du 20 septembre 1990 jusqu'au jour d'ouverture du redressement judiciaire ;

II. 4 - Sur l'appel incident de la société Champion :

Attendu que Mme Baudet-Chaput n'invoque à la charge de la société Champion d'autre faute que celles que recouvrent les différents griefs qu'elle formule quant à la validité du contrat ; que ces griefs n'ayant pas été reconnus fondés, force est de considérer que la société Champion n'a pas de responsabilité dans les déboires financiers qu'en dépit de sa diligence et de ses qualités, Mme Baudet-Chaput a connus et qui, à l'évidence, procèdent, en notable partie, de l'évolution rapide de la situation concurrentielle locale par l'ouverture dans le courant de l'année 1990 d'une quarantaine de restaurants dans la ville de Melun, ainsi qu'à proximité de cette ville d'une importante galerie marchande et d'un magasin " Comtesse du Barry " vendant des produits concurrents ; qu'il n'y a pas lieu de mettre une quelconque indemnité à la charge de la société Champion dont il n'est pas justifié qu'elle a mal ou fautivement exécuté ses obligations contractuelles ;

III - Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Attendu que, perdant sur l'appel, Mme Baudet-Chaput supportera les dépens ; qu'aucune considération d'équité ne commande de lui imposer de participer aux frais engagés par la société Champion pour faire valoir ses droits ;

Par ces motifs : LA COUR, Déclare irrecevables les conclusions déposées le 6 octobre 1994 par la société Champion et le 12 octobre 1994 par Madame Baudet-Chaput, Déclare mal fondé l'appel de Madame Marcelle Baudet-Chaput contre le jugement rendu le 14 décembre 1992 par le Tribunal de Commerce de Périgueux, Confirme ce jugement en ses dispositions autres que celle par laquelle il condamne la société Champion à payer à Madame Baudet-Chaput une indemnité de 100 000 F, avec cette précision que ce jugement emporte fixation du montant de la créance de la société Champion sur Madame Baudet-Chaput, en redressement judiciaire, Y ajoutant, dit que le montant de la créance de la société Champion sur Madame Baudet-Chaput comprendra les intérêts au taux légal de la somme de 432 733,14 F du 20 septembre 1990 au jour d'ouverture du redressement judiciaire de celle-ci, Dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne Madame Baudet-Chaput aux dépens, Autorise Me Le Barazer, à recouvrer directement sur Madame Baudet-Chaput ceux des dépens qu'il a pu avancer.