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Décisions

CA Versailles, 9e ch., 28 novembre 1990, n° 552

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, Procureur général près la Cour d'appel de Versailles

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Belleau

Conseillers :

MM. Ducomte, Marill

Avocat :

Me Saint-Geniest

TGI Versailles, 6e ch. corr., du 23 mars…

23 mars 1990

LA COUR,

Après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur l'appel du Ministère Public ;

Considérant qu'H Manfred est poursuivi sous la prévention d'avoir à Montigny-le-Bretonneux, le 11 mars 1988, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, en sa qualité de directeur général de la société X, entreprise spécialisée dans la vente d'outillage électroportatif, contrevenu aux dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, en imposant directement ou indirectement à sa clientèle un taux minimal du prix de revente d'un produit ou d'un bien, du prix d'une prestation de service ou d'une marge bénéficiaire, faits prévus et punis par les articles 34 et 55 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que le représentant du Ministère de l'Economie et des Finances, direction nationale des enquêtes de concurrence, avisé des poursuites, conclut à l'infirmation de la décision de relaxe déférée ;

Considérant que le Ministère Public, appelant, estime également que le délit est constitué ; qu'il requiert le prononcé d'une amende de 20 000 F ainsi que la publication dans la presse de l'arrêt à intervenir ;

Considérant que le prévenu, intimé, conclut à la confirmation du jugement entrepris ; qu'il en va de même de la société X attraite comme civilement responsable ;

Considérant que l'appel du Ministère Public, régulièrement interjeté dans le délai légal, est recevable en la forme ;

Considérant, sur le fond, que les poursuites sont fondées sur un procès-verbal, dressé le 11 mars 1988 par un représentant de la Direction Générale de la Concurrence, qui relève du Ministère de l'Economie ;

Considérant que ce procès-verbal se réfère à des constatations effectuées le 23 décembre 1987, le 29 décembre 1987 et le 15 janvier 1988 auprès des sociétés de distribution OBI (Casino), Leroy-Merlin (Auchan) et Castorama ;

Considérant qu'il en résulte que pour commercialiser ses produits vendus sous l'enseigne Mebata, la société X a proposé en termes identiques à Castorama et à Obi un document intitulé " partenariat " comportant les mentions suivantes :

- " Prix public : respect d'un coefficient minimum de 1,50 sur prix " facturés ",

- " Suivi permanent par Y du respect de sa politique commerciale ; intervention " immédiate en cas d'infraction ",

- " Y intervient efficacement à chaque fois qu'un distributeur affiche un " comportement non conforme à la politique Y " ;

Considérant que le magasin Leroy-Merlin de Perpignan s'est par ailleurs vu rappeler à l'ordre pour avoir vendu des meuleuses d'angle, des scies sauteuses, des perceuses Y à un taux inférieur de 7,50 F, 8,00 F ou 5,00 F en dessous du prix résultant de l'application du coefficient 1,50 F TTC sur le prix d'achat;

Considérant qu'il en a été de même en ce qui concerne la société Obi à Saint-Galmier(lettre du 3 décembre 1985 adressée à Somabri : Monsieur Gautherin) ;

Considérant que pour entrer en voie de relaxe les premiers juges ont estimé que les propositions de partenariat et les mises en garde adressées par la société X à sa clientèle n'étaient pas impératives mais s'analysaient en de simples recommandations proposées aux revendeurs ;

Considérant que le prévenu ajoute qu'il commercialise du matériel haut de gamme destiné en général à des professionnels ; qu'ayant accepté de le vendre également à des distributeurs qui gèrent des stands de bricolage, sa nouvelle clientèle s'est trouvée embarrassée pour fixer ses prix de vente ; que c'est seulement pour répondre à la demande de cette clientèle qu'il lui a proposé une marge minimale de 1,50 sur les prix facturés ; qu'il ajoute enfin que les correspondances visées par le procès-verbal litigieux sont de simples demandes d'information ;

Mais considérant que le vocabulaire même des propositions de partenariat de X : " coefficient minimum de 1,50 sur les prix facturés ; intervention immédiate " en cas d'infraction ; respect de la tarification ", indication qu'il s'agit là " d'un des points essentiels du partenariat " montrent qu'utilisant des menaces à peine déguisées, la société X entend au moins indirectement imposer à sa clientèle un prix de vente minimum;

Considérant, par ailleurs, qu'aucun élément de preuve n'établit que c'est la clientèle de X qui ait elle-même demandé qui lui soient fixés par son fournisseur des barèmes de prix de vente ;

Considérant qu'enfin il était facilement loisible à la société X de s'informer des prix pratiqués publiquement par sa clientèle de grands magasins ; que point n'était besoin d'adresser aux directeurs de ceux-ci des semonces manifestement contraires au principe de la liberté des prix ; que l'intention délictueuse est donc manifeste ; qu'elle révèle le souci du fournisseur du matériel " Y " de contrôler rigoureusement sa distribution ;

Considérant qu'il s'en suit que le jugement entrepris sera réformé et que H sera retenu dans les liens de la prévention ;

Considérant que le casier judiciaire du prévenu ne porte pas trace de condamnation ; qu'il existe des circonstances atténuantes ;

Considérant que la Cour trouve en la cause des éléments d'appréciation suffisants pour condamner H à 15 000 F d'amende et pour ordonner la publication du dispositif de l'arrêt dans les conditions fixées ci-après ;

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement ; Dit l'appel recevable et fondé ; Infirmant, Dit que les faits sont établis ; Condamne H à la peine de 15 000 F d'amende ; Ordonne que pour un prix n'excédant pas 8 000 F H assurera la publication de l'extrait suivant dans le journal Le Figaro : " Par arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 28 novembre 1990, Manfred H, directeur général de la société X, a été condamné à 15 000 F d'amende pour imposition à sa clientèle d'un prix de vente minimum du matériel Y " ; Dit la société X, civilement responsable de son préposé ; Condamne H Manfred en tous les dépens avancés par le Trésor et liquidés à la somme totale de 822,35 F.