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Décisions

CA Paris, 9e ch. A, 15 mars 1994, n° 93-07234

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chevallier

Conseillers :

MM. Collomb-Clerc, Cailliau

Avocats :

Mes Duffour, Soustiel

TGI Melun, 3e ch., du 3 mars 1993

3 mars 1993

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a renvoyé V Jean-Pierre des fins de la poursuite du chef " d'imposition d'un prix de revente minimum ou d'une marge minimale - biens ou prestations de service - " (en réalité vente de produits à perte).

L'appel :

Appel a été interjeté par M. le Procureur de la République, le 12 mars 1993 contre M. V Jean-Pierre.

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme :

LA COUR, se référant aux énonciations qui précèdent et aux pièces de la procédure, constate la régularité de l'appel interjeté, à l'encontre du jugement susvisé, par le Ministère public et le déclarera, dès lors, recevable en la forme.

Au fond :

Sur l'exception de nullité soulevée par le prévenu et ayant trait à la citation à lui délivrée en cause d'appel :

Considérant que Jean-Pierre V a soulevé tout d'abord la nullité de la citation à lui délivrée le 15 décembre 1992 pour comparaître devant la Cour au motif que celle-ci ne comportait aucune mention des textes visant l'infraction, alors que de surcroît le jugement dont appel par le Ministère public auquel elle faisait référence mentionnait la relaxe intervenue " pour imposition d'un prix de revente minimum ou une marge minimale biens ou prestations de service " ;

Que ces irrégularités ont ainsi porté atteinte selon le prévenu à l'exercice des droits de la défense, de telle sorte que la citation dont s'agit doit être annulée.

Mais considérant qu'il convient de relever que l'exploit querellé par Jean-Pierre V et valant avenir d'audience n'a eu d'autre portée que de faire connaître à l'intéressé, et comme il était mentionné à l'acte, la date précise de l'audience à laquelle serait examinée l'affaire le concernant par la Cour pour qu'il soit statué sur l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 3 mars 1993, laquelle décision nonobstant l'inexactitude contenue dans son dispositif comportait, par ailleurs, le rappel exact de l'infraction poursuivie ;

Qu'il n'en est résulté ainsi, et contrairement à ce qu'est soutenu par V, aucune atteinte portée à sa défense ;

Que l'exception par lui soulevée sera, dès lors, rejetée.

Qu'il convient d'évoquer en application de l'article 520 du code de procédure pénale.

Sur les éléments de la prévention :

Considérant que l'article 1er de la loi du 2 juillet 1963 en son alinéa 1er réprime la revente par un commerçant d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif ;

Qu'à cet égard, et à partir d'un premier contrôle effectué à Lieusaint (77) par les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, dans un des établissements secondaires de la société X qui, rattachée au groupe Y, a pour activité d'approvisionner en divers produits la chaîne des magasins à l'enseigne " Z " implantés notamment dans la Seine et Marne, il est apparu d'une enquête ensuite continuée par les mêmes services administratifs auprès de deux de ces magasins sis respectivement à Pontault-Combault et à Ablon, et ayant donné lieu à une étude approfondie des éléments entrant dans la composition des prix d'achat par ceux-ci des treize marques de produits, l'existence en l'occurrence et au niveau de chacun desdits magasins, de diverses reventes à perte, le 19 décembre 1991, à la clientèle, telles qu'indiquées et détaillées sur les tableaux récapitulatifs figurant aux annexes n° 4 (supermarché Z de Pontault-Combault) et n° 5 (supermarché Z d'Ablon) du procès-verbal clos le 24 mars 1992 par les enquêteurs et auxquels il est expressément référé.

Considérant que Jean-Pierre V, poursuivi en conséquence pour infraction à la loi susvisée du 2 juillet 1963, en sa qualité de directeur régional de la société X ayant sous sa dépendance les deux magasins Z dont s'agit, a tout d'abord, et pour venir à l'appui de sa demande de relaxe, repris son argumentation de première instance selon laquelle il aurait été omis de déduire, lors du calcul par les enquêteurs du prix de revente des articles en litige, certains avantages consentis par les fournisseurs ;

Que la Cour ne peut toutefois que rejeter en l'occurrence un tel moyen de défense ;

Qu'il apparaît en effet, du dossier et des débats que le prévenu est tout d'abord mal venu à reprocher aux services de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de n'avoir pas déduit les remises sur taux d'escompte figurant sur les factures, puisque s'agissant d'avantages purement financiers et que n'avaient donc pas à prendre en compte les enquêteurs pour la détermination du prix de revente des produits dont s'agit ;

Que par ailleurs et contrairement à ce que fait aussi soutenir V, il apparaît que les services administratifs ont effectivement tenu compte dans leur calcul des seuils de revente à perte des diverses remises ou ristournes qui ont pu être consenties en l'occurrence par les fournisseurs, dès lors que celles-ci étaient certaines et acquises, à la date des faits, pour le distributeur ;

Que, dans ces conditions, le prévenu n'apporte en définitive, et hormis ses dénégations, aucun élément de nature à remettre en cause l'existence des seuils de revente à perte tels que dégagés à l'issue de son enquête par l'administration, à l'exception toutefois du produit Martini Rouge dont le quantum de revente à perte par article doit, en fonction des droits sur alcool de 69,30 F payés par hectolitre, et non de 78,10 F mentionnés par les enquêteurs, être ramené en conséquence à 1,26 F.

Considérant que, d'autre part, et vis-à-vis de l'exception d'alignement des prix par rapport à ceux des concurrents invoquée également pour sa défense par Jean-Pierre V, la Cour relèvera qu'outre le caractère tardif d'une telle argumentation qui n'a été présentée qu'après clôture du procès-verbal et alors que le prévenu avait été régulièrement avisé afin d'avoir à formuler au préalable toutes observations ou réserves utiles, il apparaît qu'en tout état de cause le document " Opus Nielsen " sur lequel V entend fonder son exception se rapporte à des prix de revente de produits pratiqués par des commerçants qui n'étaient pas installés dans la même zone d'activité que celle des deux magasins " Z " concernés par la poursuite;

Que le prévenu ne peut en conséquence, et en regard des reventes à perte à lui reprochées, trouver un quelconque fait justificatif dans les indications de prix que contenait le document dont s'agit.

Considérant que Jean-Pierre V ayant ainsi enfreint délibérément, en l'occurrence, les dispositions ci-avant rappelées de l'article 1er de la loi du 2 juillet 1963, la Cour, réformant le jugement déféré, le déclarera, dès lors, coupable de ce chef d'infraction et le condamnera à une amende telle que prévue par la loi susvisée et dont le quantum sera indiqué au dispositif de l'arrêt.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard du prévenu (article 411 du code de procédure pénale), le tout en second ressort. Reçoit, en la forme, l'appel du Ministère public. Au fond, rejetant l'exception de nullité soulevée, Déclare Jean-Pierre V coupable de revente de produits à perte (faits commis le 19 décembre 1991 à Pontault-Combault et Avon (77). En répression, le condamne à quarante mille (40 000) francs d'amende. Dit qu'il pourra être recouru à l'exercice de la contrainte par corps à l'encontre de V Jean-Pierre pour le recouvrement de l'amende mise à sa charge. Le tout en application des articles 1er de la loi du 2 juillet 1963, 749 et suivants du code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.