CA Limoges, ch. corr., 15 avril 1992, n° 313-91
LIMOGES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Eichler (faisant fonction)
Conseillers :
MM. Leflaive, Lagarde
Avocat :
Me Revel
Jugement du Tribunal correctionnel d'Angoulême du 20 décembre 1989 :
Le tribunal a déclaré Alain B coupable des faits qui lui sont reprochés, en répression l'a condamné à la peine de 15 000 F d'amende ainsi qu'aux dépens ;
Appels :
Le prévenu et le Ministère Public ont relevé appel de cette décision le 28 décembre 1989 ;
Arrêt de la troisième chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Bordeaux du 12 juin 1990 :
La Cour d'appel a déclaré recevables en la forme les appels du prévenu et du Ministère Public, a confirmé la décision déférée, sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité, réformant sur l'application de la peine, a condamné Alain B à la peine de 50 000 F d'amende ainsi qu'aux dépens ;
Pourvoi en cassation du 15 juin 1990 :
Alain B a formé un pourvoi en cassation contre cette décision le 15 juin 1990 ;
Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 3 juin 1991 :
La Cour Suprême a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux du 12 juin 1990 et, pour être statué à nouveau conformément à la loi, a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Limoges, à ce désignée par délibération spéciale prise en Chambre du Conseil, a ordonné l'impression de l'arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel de Bordeaux, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Poursuivi du chef de revente à perte, Alain B a été successivement condamné par le Tribunal correctionnel d'Angoulême à la peine de 15 000 F d'amende, puis sur son appel et celui du Ministère Public par la Cour d'appel de Bordeaux à celle de 50 000 F d'amende ;
Alain B s'est pourvu en cassation au motif unique que la Cour a violé les articles 1er, 1 de la loi du 2 juillet 1963, 32 de l'ordonnance numéro 86-1243 du 1er décembre 1986 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
La Cour de cassation a estimé que la Cour d'appel avait méconnu les textes susvisés en ayant omis de statuer sur l'exception d'alignement soulevée par le prévenu, cassé et annulé l'arrêt et renvoyé la cause et les parties devant la Cour de céans ;
Le prévenu, représenté par son conseil, conteste l'infraction qui lui est imputée et soutient que, conformément à la loi, il avait la possibilité de revendre à perte les produits en cause dont la vente présente un caractère saisonnier marqué, pendant la période terminale de la saison des ventes et plus spécialement le 9 décembre 1988. Il soutient également que la loi lui offrait encore cette possibilité puisque la concurrence se comportait de façon identique dans la même zone d'activité sur les mêmes produits ;
Le Ministère Public requiert la condamnation du prévenu ;
Sur quoi :
Attendu que le 9 décembre 1988, puis le 22 décembre 1988, des fonctionnaires du Service de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont constaté à l'examen des factures d'achat que le magasin à grande surface A sis à La Couronne (Charente) revendait à un prix inférieur au prix net d'achat toutes taxes comprises des jouets et du champagne ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'article 1er alinéa 2 de la loi de finances numéro 63-628 du 2 juillet 1963 autorise la revente à perte des produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué, pendant la période terminale de la saison des ventes ;
Que la revente au détail de jouets à l'occasion des fêtes de Noël présente incontestablement une telle caractéristique qui apparaît beaucoup plus discutable pour le champagne dont la consommation s'étale sur toute l'année avec un accroissement des ventes lors des fêtes de fin d'année ;
Qu'en revanche, force est de constater que la vente des jouets bat son plein le 9 décembre qui n'a jamais constitué la période terminale de cette saison qui certes commence en octobre et novembre avec les achats des consommateurs prévoyants mais se termine dans la journée du 24 décembre avec les achats de dernière heure qui constituent à coup sûr un volume d'affaires non négligeable;
Que pour s'en convaincre, il suffit d'ailleurs d'observer les factures produites par le prévenu qui font état de dates de livraison allant d'octobre à décembre 1988 ;
Qu'il y a lieu en conséquence de rejeter ce premier moyen ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'est également autorisée la revente à perte des produits dont le prix est légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité ;
Que pour justifier de cette exception d'alignement, le prévenu produit un ticket de caisse d'un concurrent relatif à l'achat d'un jeu de société avec une remise de 30 % ;
Que la Cour constate, pour écarter cette exception, que celle-ci a été très et trop tardivement soulevée pour avoir été évoquée la première fois devant la Cour d'appel de Bordeaux et surtout que le ticket de caisse produit à titre de pièce justificative a été établi le 23 décembre [1988], période terminale effective de la saison des ventes, et le 23 décembre 1989, soit un an après les faits constatés ;
Que l'infraction visée à la prévention est donc établie et qu'il convient de confirmer la décision du Tribunal correctionnel d'Angoulême quant à la culpabilité du prévenu ;
Que la sanction prononcée n'assure pas, compte tenu des éléments de la cause, une répression suffisante que la Cour fixe à la peine de 50 000 F d'amende ;
Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement, contradictoirement et sur renvoi de cassation ; Reçoit Alain B et le Ministère Public en leurs appels, Confirme le jugement rendu le 20 décembre 1989 par le Tribunal correctionnel d'Angoulême quant à la culpabilité du prévenu ; L'émendant quant à la peine de cinquante mille francs (50 000 F) d'amende ; Condamne Alain B aux dépens ; Le tout par application des articles 1er, I de la loi numéro 63-628 du 2 juillet 1963, 32 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, 473 et 800 du code de procédure pénale.