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Décisions

Cass. crim., 18 mars 1991, n° 90-80.387

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Gondre

Avocat général :

M. Lecocq

Avocats :

SCP Tiffreau, Thouin-Palat

TGI Saint-Gaudens, ch. corr., du 8 août …

8 août 1989

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par F Alain, B Michel, contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 20 décembre 1989, qui les a condamnés, Alain F pour revente de produits à un prix inférieur à leur prix d'achat, Michel B pour complicité de ce délit, chacun à la peine de 10 000 F d'amende ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux deux demandeurs ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 59 et 60 du Code pénal, 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 467, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que la cour d'appel déclare les prévenus coupables du délit de revente de produits à un prix inférieur à leur prix d'achat ;

" aux motifs que le X de Saint-Gaudens dirigé par F et exploité par la SA Y dont le président-directeur général est B, a vendu un baril de lessive Ariel et un flacon d'assouplissant Soupline à un prix inférieur à celui porté sur la facture d'achat augmenté des taxes fiscales et des frais de transports, mais déduction faite des ristournes ; que le prix d'achat effectif s'entend du prix résultant du contrat de vente lui-même, contrat comportant l'accord parfait des parties ; que les frais de publicité ne sont pas portés sur les factures produites, mais sont attestés par des factures indépendantes du contrat de vente des produits et émanant de l'acheteur, qui ne rapporte pas la preuve du lien direct entre ce contrat et ces frais ; que les prévenus ne peuvent invoquer l'exception d'alignement ; que l'infraction est également imputable au président-directeur général, qui s'est rendu coupable de complicité par provocation ou par instructions données en abusant de son pouvoir dont le directeur du magasin répond ;

" alors que 1) en retenant la culpabilité du président-directeur général après avoir constaté l'existence d'une délégation de pouvoirs conférée au directeur du magasin, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" alors que 2) en imputant au président-directeur général une complicité par provocation ou par instructions données en abusant de son pouvoir, sans avoir constaté l'existence d'un acte positif manifestant de façon univoque l'intention de commettre l'infraction poursuivie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" alors que 3) en retenant la culpabilité du directeur du magasin après avoir relevé qu'il aurait agi sous la provocation ou les instructions données par le président-directeur général en abusant de son pouvoir, d'où résultait l'existence d'une subordination incompatible avec l'autonomie dont il jouissait et qui lui aurait donné le pouvoir de s'opposer à la pratique incriminée (v. arrêt attaqué, p. 5), la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" alors que 4), en refusant de prendre en compte les frais de publicité dont elle constatait l'existence, au motif inopérant que ceux-ci n'auraient pas été mentionnés sur les factures produites, ce qui excluerait la preuve indiscutable d'un lien direct entre le contrat de vente des produits revendus le 20 juin 1988 et ladite publicité (v. arrêt attaqué, p. 4, alinéa 2), la cour d'appel a violé les textes susvisés ; alors que 5), en écartant le fait justificatif tiré de l'application de l'article 1er, 2e alinéa, de la loi du 2 juillet 1963 et visant l'alignement des prix de vente sur ceux pratiqués par des concurrents locaux, au motif inopérant que cet alignement excluerait le simple rapprochement de prix, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du procès-verbal base des poursuites que le X de Saint-Gaudens, dirigé par Alain F et exploité par la SA Y dont le président-directeur général est Michel B, vendait le baril de lessive Ariel et le flacon d'assouplissant Soupline à des prix inférieurs à ceux portés sur les factures d'achat, augmentés des taxes fiscales et des frais de transport, déduction faite des ristournes ;

Attendu que pour écarter les conclusions dont elle était saisie et déclarer les susnommés coupables de revente à perte, le premier en qualité d'auteur, le second en qualité de complice, la cour d'appel énonce que les prévenus ne sauraient faire grief aux agents verbalisateurs de s'être abstenus de déduire du prix d'achat les frais de publicité facturés aux fournisseurs; qu'elle observe à cet égard que le prix d'achat effectif, tel que défini par l'article 1er de la loi du 2 juillet 1963 dans sa rédaction issue de l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, s'entend du prix résultant du contrat de vente, lequel constate l'accord des parties sur les ristournes, rabais ou remises, qui doivent figurer sur la facture ; qu'elle souligne que tel n'est pas le cas en l'espèce,les frais de publicité engagés par le X ne faisant pas l'objet d'une déduction sur les factures de vente mais d'une facturation de prestation spécifique, étrangère au contrat ; que la cour d'appel constate par ailleurs que les prévenus, qui soutiennent s'être bornés à rapprocher les prix de ceux de leurs concurrents, ne peuvent se prévaloir du fait justificatif d'alignement, prévu à l'article 1er, paragraphe II, de la loi précitée, les concurrents désignés n'exerçant pas dans la même zone d'activité en raison de leur éloignement géographique;

Attendu, en outre, que pour infirmer le jugement qui avait retenu l'existence d'une délégation de pouvoirs donnée au directeur du magasin, comme cause d'exonération de la responsabilité pénale du président de la SA S, les juges du second degré observent que le contrat de travail de Alain F mentionne que celui-ci exerce ses fonctions de directeur compte tenu des directives qui lui sont données par la direction générale; qu'ils ajoutent qu'une campagne promotionnelle, de l'importance de celle visée dans les poursuites, ne relève pas seulement de la simple gestion financière, commerciale et administrative du magasin par son directeur mais d'instructions données à celui-ci par la direction générale représentée par Michel B dont le nom apparaît comme destinataire des factures émises par les fournisseurs;

Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des faits et circonstances de la cause soumis au débat contradictoire, la cour d'appel a justifié sa décisionsans encourir les griefs allégués et sans méconnaître les textes visés au moyen, lequel, dès lors, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.