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Décisions

Cass. crim., 18 mai 1992, n° 91-83.358

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tacchella

Rapporteur :

M. Culié

Avocat général :

M. Amiel

Avocat :

Me Roger

TGI Avignon, ch. corr., du 11 sept. 1990

11 septembre 1990

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par F Serge, contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, du 3 mai 1991 qui l'a condamné pour revente de produit à perte à 30 000 F d'amende ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré F coupable d'avoir commis le délit de vente d'un produit à un prix inférieur à son prix de revient, et l'a condamné à la peine d'amende de 30 000 F ;

" aux motifs que les premiers juges ont relevé que la délégation de pouvoirs délivrée par B président-directeur général de la société n'avait été " effectuée " que le 14 novembre 1989, donc postérieurement à la constatation des faits (19 mai 1989) et " ce sciemment pour les besoins de l'enquête " ; que les premiers juges ont en se prononçant ainsi ignoré le principe de la responsabilité cumulative en la matière du président-directeur général et de F, ès qualités de directeur commercial, celui-ci ayant au sein de l'entreprise qu'il dirige le pouvoir de passer commande pour des achats et de fixer les prix de vente dans le cadre d'une totale autonomie de direction s'inscrivant certes dans le cadre d'une politique commerciale plus générale du groupe mais sans lien de subordination absolue, antinomique à l'autonomie directoriale, entre le directeur et le président directeur général ; qu'il n'était nul besoin de tenir le problème d'une éventuelle délégation de responsabilité comme utile aux débats ; que Serge F invoque pour sa défense que le prix de revient des articles concernés doit tenir compte des remises et budget publicitaires différés consentis par les fournisseurs et restitués en grande partie par la centrale des achats qui traite elle-même les marchés et les conditions avec les fournisseurs ; que sur ce point les constatations relevées par la direction de la concurrence sont précises, fondées sur des éléments de vérification non controversées et font foi ; que Serge F ne saurait s'exonérer de sa responsabilité qui résulte d'une analyse comparative fondée sur des calculs élémentaires, au motif de " ristournes ou remises " des fournisseurs, non prouvées, en tout cas aléatoires et futures au temps de la mise en vente du produit à un prix déterminé ; qu'au regard des textes en vigueur les factures doivent mentionner, outre les prix d'achat l'imputation des rabais et ristournes habituels consentis par les fournisseurs ; qu'au cas d'espèce tel n'est pas le cas ; que les prestations de service à venir et venant à due concurrence sont à rejeter pour les mêmes motivations ;

" alors d'une part, que selon un principe général applicable en matière d'infraction à la législation sur les prix nul ne peut être reconnu coupable d'une infraction qu'en raison de son fait personnel ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces du dossier que F n'est pas responsable des achats de la société X dont il n'est que l'administrateur général adjoint ; que si ce dernier est le directeur commercial de l'un des magasins exploités par la société, il ne saurait, à ce seul titre, être reconnu comme personnellement responsable des prix pratiqués dans ce magasin ; qu'au surplus la fixation de ces prix dépend exclusivement des conditions accordées par les fournisseurs à la centrale d'achat dont la société est l'adhérente ; que, dès lors, la Cour, se bornant à énoncer au soutien de sa décision le motif vague et général selon lequel F avait le pouvoir de passer commande pour les achats et de fixer les prix de vente dans le cadre d'une totale autonomie de direction s'inscrivant dans le cadre d'une politique plus générale du groupe mais sans lien de subordination absolue, antinomique à l'autonomie directoriale, entre le directeur et le président-directeur général, n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe susénoncé ;

" alors d'autre part, que l'article 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 autorise le revendeur, à qui ne s'impose qu'une présomption simple, à faire prendre en compte pour la détermination du prix d'achat effectif toutes les remises mêmes futures et conditionnelles, dans la mesure où leur principe étant acquis elles devront en fin de compte être, sans fraude, régulièrement et effectivement octroyées, de sorte que la situation au regard de la vente à perte ne peut être totalement appréhendée qu'à l'issue des délais pendant lesquels des remises et ristournes peuvent encore être accordées ; qu'ainsi la Cour, en refusant de tenir compte des remises et ristournes conditionnelles et futures au temps de la mise en vente du produit à un prix déterminé, a figé l'examen de la situation d'espèce au regard de la législation sur les prix à la date du contrôle effectué par la direction de la concurrence, et partant a violé les dispositions de l'article susvisé ; qu'en outre, en s'abstenant de rechercher si les ristournes et remises différées en cause qui ne pouvaient pas être chiffrées lors de l'établissement des factures, n'étaient pas néanmoins acquises dans leur principe en raison même des relations commerciales établies avec les fournisseurs par l'intermédiaire de la centrale d'achats dont la société est membre, et devaient être prises en compte lors de la clôture de l'exercice annuel, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de ce même article ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Serge F, poursuivi du chef de revente à perte, a conclu devant les juges à sa relaxe en soutenant, d'une part, qu'il n'était pas personnellement responsable de la fixation des prix pratiqués dans le magasin dont il est le directeur commercial, en contestant, d'autre part, que les prix de revente relevés par les enquêteurs aient été inférieurs au prix d'achat effectif des produits, en raison des remises et budgets publicitaires différés consentis par les fournisseurs et dont le montant, restitué en grande partie par la centrale d'achat, devait être pris en compte pour la détermination du prix de revient ;

Attendu qu'en rejetant ces conclusions par les motifs reproduits au moyen pour déclarer constitué à la charge de F le délit visé à la prévention, la cour d'appel n'a encouru aucun des griefs allégués ; qu'en effet, d'une part,si des rabais, remises ou ristournes non mentionnés sur la facture en raison de l'impossibilité de connaître leur montant à la date de celle-ci, peuvent être pris en compte pour la détermination du prix d'achat effectif d'un produit tel que défini par l'article 1er de la loi susvisée, c'est à la condition que ces avantages soient acquis dans leur principe et chiffrables dans leur montant lors de la vente; que, d'autre part, s'il est vrai que l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, qui fixe les conditions de constatation, de poursuite et de répression des infractions à la loi du 2 juillet 1963, n'édicte aucune présomption de responsabilité contre le dirigeant de l'entreprise où les pratiques illicites sont constatées, leur imputation à ce dernier est justifiée dès lors qu'il est souverainement établi, comme en l'espèce, que la fixation des prix de revente incriminés relève des fonctions de direction qu'il assume personnellement; que dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.