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Décisions

Cass. crim., 17 janvier 1994, n° 93-80.362

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tacchella

Rapporteur :

M. de Mordant de Massiac

Avocat général :

M. Perfetti

Avocats :

SCP Tiffreau, Thouin-Palat

TGI Saumur, ch. corr., du 13 juin 1991

13 juin 1991

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par P Philippe, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 10 décembre 1992, qui, dans les poursuites exercées notamment contre lui du chef de revente à perte, l'a condamné à 10 000 F d'amende. - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 28 et 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, 1er de la loi n° 63-628 du 2 juillet 1963, 33, alinéa 2, du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 1er de l'arrêté du 3 décembre 1987, 485, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que la cour d'appel déclare le prévenu coupable du chef de revente à perte ;

" aux motifs que, sur l'exception d'alignement, le prévenu produit des relevés de prix effectués par une société spécialisée dans diverses grandes surfaces de la région ; que l'hypermarché X est le seul centre commercial de cette importance dans la région de Saumur ; que les relevés de prix sont trop éloignés dans le temps ; que le prix de comparaison est lui-même un prix de vente à perte (v. arrêt attaqué, p. 5) ;

" alors que les dispositions de l'article 1er de la loi du 2 juillet 1963, qui incriminent la revente à perte, ne sont pas applicables si le prix de vente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité ; que pour invoquer cette exception d'alignement, il suffit au revendeur d'apporter la preuve du prix sur lequel il prétend s'aligner, sauf à la partie poursuivante à établir le caractère illégal de ce prix à l'époque des faits poursuivis et la connaissance qu'en avait le prévenu en alignant ses prix ; que dès lors, en ayant fondé la déclaration de culpabilité sur les seuls motifs susvisés, sans s'être expliquée sur l'affirmation selon laquelle le prix de comparaison est lui-même un prix de vente à perte, ni avoir constaté que le prévenu aurait eu connaissance, à l'époque des faits poursuivis, de cette éventuelle illicéité du prix de comparaison, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen relevé d'office pris de la violation des mêmes textes, en ce qui concerne la délégation de pouvoirs ; - Vu lesdits articles ; - Attendu que les dispositions de l'article 1er de la loi du 2 juillet 1963, qui incriminent la revente à perte, ne sont pas applicables si le prix de revente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité ;

Attendu, par ailleurs, qu' hors le cas où la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il apporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Philippe P, président du conseil d'administration d'une société exploitant un supermarché, a été poursuivi du chef d'infractions aux articles 1-I de la loi du 2 juillet 1963 et 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 pour avoir, à plusieurs reprises, revendu en l'état certains articles à des prix inférieurs à leur coût d'achat effectif ; que devant la juridiction correctionnelle, comme lors de l'enquête effectuée par la Direction générale de la concurrence et de la consommation, Philippe P a reconnu la matérialité des faits mais a fait valoir, en produisant contrat de travail et relevés de prix, d'une part, qu'il avait délégué à un adjoint la politique commerciale de l'entreprise et, d'autre part, que ses services n'avaient fait que s'aligner sur les prix pratiqués trois semaines auparavant par d'autres grandes surfaces de la région ;

Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu, reprises en appel, et le déclarer coupable des faits visés à la prévention, les juges du second degré énoncent que, les relevés de prix étant trop éloignés dans le temps et les prix de comparaison étant eux-mêmes des prix de revente à perte, l'exception d'alignement ne saurait être retenue ; qu'ils ajoutent qu'aucune délégation n'étant possible en matière de politique commerciale, les faits relèvent de la seule responsabilité du chef d'entreprise ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il appartient à la partie poursuivante d'établir l'illégalité du prix de référence servant de base à l'alignement lequel, pour se situer dans un temps voisin, ne lui est pas pour autant concomitantet alors qu'aucune disposition légale n'interdit au chef d'entreprise de déléguer ses pouvoirs en matière de fixation de prix, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés ; que, dès lors, la cassation est encourue ;

Par ces motifs, casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, en date du 10 décembre 1992, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ; renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes.