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Décisions

CA Amiens, 4e ch. corr., 11 janvier 1990, n° 18

AMIENS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Héréus

Conseillers :

Mme Mermet, M. Boilevin

Avocat :

Me Montenot

TGI Compiègne, ch. corr., du 13 sept. 19…

13 septembre 1989

Rappel de la procédure :

Le jugement du Tribunal Correctionnel de Compiègne du 13 septembre 1989 a déclaré L Yves

coupable de : vente à perte

et l'a condamné à la peine de quatre mille francs d'amende

dispense d'inscription de la présente condamnation au Bulletin 2 du Casier Judiciaire

et aux frais liquidés à la somme de 355 F 52

par application des articles 1 et 4 de la loi de finances rectificative du 2 juillet 1963 et 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986

faits commis à Ribecourt Dreslincourt le 30 mai 1988

Appel a été interjeté par :

- le prévenu le 21 septembre 1989

- le Ministère public le 21 septembre 1989

Décision :

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par L Yves et le Ministère public, le 21 septembre 1989 d'un jugement contradictoirement rendu par le Tribunal Correctionnel de Compiègne (60) le 13 septembre 1989 dont le dispositif est rappelé ci-dessus ;

Attendu que le prévenu régulièrement cité, à domicile dont l'accusé de réception a été signé par lui, comparait assisté de son Conseil ;

Attendu que L Yves est prévenu d'avoir à Ribecourt Dreslincourt (60) le 30 mai 1988, en qualité de commerçant revendu un produit en l'espèce des tomates, en l'état à un prix inférieur au prix d'achat effectif ;

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats que le 26 avril 1988 une plainte pour " revente à perte de tomates " était déposée à la Direction de la concurrence de l'Oise (60) contre la SA X ;

Qu'à l'occasion du contrôle du 3 mai 1988, qui s'ensuivit, les enquêteurs relevèrent que si le prix de vente des tomates était de 9,50 F HT entre le 20 et le 24 avril 1988 au profit du magasin Y de Crépy en Valois, le prix d'achat effectif avait été selon les lots de 14 F HT à 15,30 F HT ;

Qu'au vu d'une différence de plus de 30 %, l'administration compétente a dressé procès-verbal le 30 mai 1988, après avoir entendu le prévenu L Yves PDG de la SA X ;

Attendu que le prévenu argue de son défaut d'intention de frauder en apportant aux débats plusieurs éléments techniques ressortissant du mécanisme concret des marchés des fruits et légumes ;

Qu'il affirme notamment avoir conclu un contrat verbal, comme cela est le cas entre fournisseurs et clients de " gros ", début avril 1988 à un prix préfixé, alors que la livraison de la marchandise devait être différée ;

Que pour le prévenu importateur-grossiste, il s'agissait d'un " contrat à terme " lui imposant de respecter son engagement de vendre en l'occurrence une quantité de tomates au magasin Y de Crépy en Valois à moins de 10 F le kilo ;

Que le cours de la tomate en provenance du Maroc lui permettant d'exécuter loyalement ce contrat a été frappé, sans avis préalable, d'une " taxe compensatoire " de 5,28 F par kilo du 8 avril au 20 avril 1988, afin de ne pas défavoriser les producteurs de la Communauté Économique Européenne le prévenu s'est donc vu facturer ses achats entre 14 F et 15,30 F HT ;

Que d'ailleurs il verse au débat copie d'une protestation de la chambre syndicale d'importation, d'exportation et de distribution de fruits et légumes, datée du 13 avril 1988, dénonçant " ces taxes aberrantes " ;

Qu'après la suppression de cette taxe, le 20 avril, le prix du kilo de tomates de même origine, chutait à 9,44 F HT ;

Attendu que la revente à perte n'est sanctionnable que lorsqu'elle constitue " un comportement abusif contraire à la loyauté des affaires " la baisse des prix proposés au client n'étant qu'un moyen de conquérir irrégulièrement un marché ;

Que d'une part l'article 1er de la loi du 2 juillet 1963 (modifié par l'ordonnance du 1er décembre 1986) prévoit que pour vérifier le prix d'achat effectif il faut ajouter au prix hors taxes, les TVA et les " taxes spécifiques afférentes à cette revente " ;

Que bien au contraire, il s'agit d'une taxe compensatoire, exorbitante en sa nature et en son montant, tendant justement à modifier le prix de base effectif hors des mécanismes du marché ;

Que dès lors il ne peut plus être reproché à un intermédiaire lié par un engagement dont l'exécution comporte un terme, d'avoir manqué de loyauté, dans la mesure où la modification du prix de référence est indépendante à la fois de sa volonté, et des lois habituelles du marché ;

Attendu qu'au contraire l'article 17 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 exige expressément l'intention frauduleuse pour que les délits en la matière, soient constitués ;

Que d'ailleurs l'administration n'a reproché à L que sa " légèreté " (rapport du 20.10.88 page 3), ce qui est exclusif de l'intention frauduleuse;

Que les éléments constitutifs du délit reproché au prévenu ne sont pas réunis, qu'il échet d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et d'entrer en voie de relaxe ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, En la forme, Reçoit les appels jugés réguliers, Au fond, Les dit partiellement justifiés, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Relaxe L Yves ; Met les dépens de première instance et d'appel à la charge du Trésor Public.