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Décisions

CA Douai, 2e ch., 10 septembre 1998, n° 96-00383

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Loustalet (SA)

Défendeur :

PPG Industries (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gondran de Robert

Conseillers :

Mmes Laplane, Fontaine

Avoués :

Mes Cocheme Kraut, Le Marc'Hadour Pouille-Groulez

Avocats :

Mes Grillet, Rasle

T. com. Valenciennes, du 19 déc. 1995

19 décembre 1995

I - Données devant la Cour :

La décision attaquée :

Par jugement du 19 décembre 1995, le Tribunal de commerce de Valenciennes :

- a dit la SA Loustalet mal fondée en sa demande et l'en a déboutée ;

- a jugé que la SA PPG Industries ne s'est pas rendue coupable d'un refus de vente ;

- recevant la SA PPG Industries en sa demande reconventionnelle, a condamné la SA Loustalet à lui payer :

-- la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi, avec intérêts judiciaires à compter du jugement ;

-- la somme de 5 000 F à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ladite indemnité n'ayant pas à supporter la TVA,

- a ordonné l'exécution provisoire, nonobstant appel et sans constitution de garantie du jugement, à l'exclusion des dispositions relatives à l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- a condamné la SA Loustalet aux dépens ; les frais de greffe étant liquidés à la somme de 303 F.

La procédure en appel :

Par déclaration en date du 17 janvier 1996, la SA Loustalet a relevé appel de ladite décision.

Les prétentions de la société Loustalet :

Elle demande voir la Cour :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement attaqué ;

- débouter purement et simplement la société PPG de toutes ses demandes ;

- et statuant à nouveau, juger qu'elle a été victime d'un refus de vente de la part de la société PPG ;

- condamner en conséquence la société PPG à lui porter et à lui payer les sommes suivantes :

-- 109 362 F au titre du préjudice principal subi correspondant au montant hors taxes des commandes non honorées par PPG ;

-- 145 000 F au titre du préjudice complémentaire subi du fait de la mévente du stock et de la perte de bénéfice sur les produits non livrés ;

-- 45 000 F au titre de la perte de marge subie sur le stock invendu ;

- la condamner par ailleurs à lui porter et payer la somme de 30 000 F hors taxes en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- la condamner enfin en tous les frais et dépens, avec distraction.

Les prétentions de la société PPG Industries :

Elle sollicite voir la Cour :

- déclarer irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par la société Loustalet ;

- rejeter l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement attaqué ;

- condamner la société Loustalet au paiement de la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire et de la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction.

II- Argumentation devant la Cour :

LA COUR se réfère, pour l'exposé des faits, de la procédure et des prétentions et argumentation des parties en première instance, à la décision attaquée, confirmée en substance en appel. Il convient toutefois, de le réformer pour l'essentiel.

En premier lieu, il ressort en particulier des courriers de la société PPG datés des 10 mai et 2 juin 1993 que les parties, se référant à un accord de distribution en cours sans exclusivité, prenaient acte, la société PPG de ce que la société Loustalet allait traiter dès le début de l'année 1994 avec un autre fournisseur (la société Herbets), cette dernière de ce que celle-ci allait s'adresser à un autre distributeur (la société Ackeret). Chacun accusait l'autre d'être à l'origine de cette nouvelle situation (cf. lettre de la société Loustalet du 8 juin 1993), qu'aucun n'analysait alors pour autant fautive, chacun même annonçant la poursuite des relations contractuelles avec des variations tenant compte seulement de l'évolution des chiffres d'affaires.

La lettre circulaire datée du 27 janvier 1994, chargée d'informer les clients de la société Loustalet qu'elle cessait de commercialiser " les produits PPG " à compter du 25 avril 1994, n'a été portée à la connaissance de la société PPG que par courrier du 28 mars 1994, alors qu'aucun élément vraiment important et nouveau n'était intervenu depuis la fin de l'année précédente. Cette lettre, à en-tête " L-G ", c'est-à-dire SA Loustalet et SA Galinie-Fortane, est adressée indifféremment aux clients de celles-ci qui ont de nombreux points communs, tels la direction et l'implantation des bureaux.

Cette rupture déloyale est fautive compte tenu des usages commerciaux et des relations anciennes entre les parties. Le jugement doit être confirmé sur ce point. Par contre, la société PPG ne justifie pas du moindre élément permettant de retenir qu'elle a subi un dommage certain et direct d'un montant supérieur à un franc. Le jugement doit être réformé pour le surplus, d'autant que la société PPG n'apporte pas la preuve d'un préjudice pour braderie par la société Loustalet de ses stocks, qui a annoncé qu'elle les vendait sans mention d'une marque d'origine.

De son côté, la PPG a commis deux refus de livraisons abusifs, en refusant d'exécuter les commandes des 28 février et 8 mars 1994 de la société Loustalet, sans jamais présenter une justification de ces non-livraisons et de motifs valables à un tel comportement, alors que les parties n'avaient pas alors annoncé la rupture de leurs relations commerciales et n'ont pas présenté de motifs pertinents à cette fin.La commande du mois de janvier 1994 ne peut être prise en compte sur ce point, ayant fait l'objet en avril d'une annulation de la part de la société Loustalet.

Dans son courrier du 28 mars 1994, la société Loustalet avait mis en demeure la société PPG en l'interpellant de façon suffisante au sens de l'article 1139 du code civil (cf. pages 2 et 3).

L'intention de nuire de la société PPG étant caractérisée par sa mauvaise volonté d'exécution, le dommage direct et certain qui en est résulté doit être indemnisé sur le fondement du délit civil de droit commun. En effet, la loi du 1er juillet 1996 touchant à l'ordre public économique, doit s'appliquer de façon impérative et immédiate dans les relations contractuelles même litigieuses comme en l'occurrence, dès lors qu'aucune décision judiciaire définitive n'a été prononcée avant son entrée en vigueur. Son article 14 a aboli le délit civil spécial du refus de vente prévu initialement au paragraphe 2 de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

En raison de l'existence de stocks résiduels et de sa marge bénéficiaire sur les deux commandes non suivies d'effet, l'entier dommage subi doit être fixé à 50 000 F, à défaut d'être justifié au-delà.

Aucun abus procédural n'est attesté par l'une ou l'autre des parties.

Par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, l'équité commande que la société PPG soit condamnée à payer à la société Loustalet une indemnité pour frais d'appel, non compris dans les dépens, de 20 000 F.

Les dépens d'appel et de première instance doivent être mis à la charge de la société PPG avec pour ces derniers droit de recouvrement direct contre elle au bénéfice de l'avoué du gagnant, pour ceux des frais dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision préalable, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

III- Décision de la Cour :

Par ces motifs, LA COUR, 1) Réformant le jugement au quantum, fixe à un franc (1 F) les dommages et intérêts dus à la société PPG par la société Loustalet pour rupture contractuelle déloyale ; 2) Le réformant pour le surplus et y ajoutant, condamne la société PPG : - à payer à la société Loustalet : -- la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour refus fautif d'exécution de contrat ; -- la somme de 20 000 F à titre d'indemnité procédurale d'appel. - à payer les dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers, distraction au profit de la SCP Cocheme Kraut, avoués associés. 3) Rejette les demandes autres, plus amples ou contraires.