Cass. crim., 13 mars 1995, n° 93-85.198
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Mordant de Massiac
Avocat général :
M. Amiel
Avocats :
SCP Tiffreau, Thouin-Palat
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par A Alain, B Daniel, C Dominique, contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 21 octobre 1993, qui les a condamnés, 1) pour revente à perte, Alain A, à 30 000 francs d'amende, Daniel B et Dominique C, à 15 000 francs d'amende ; 2) pour octroi de rabais inférieurs à ceux annoncés, le premier, à 16 amendes de 1000 francs, le deuxième à 4 amendes de 1 000 francs, le troisième à 12 amendes de 1 000 francs ; - Joignant les pourvois en raison de leur connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er de la loi n° 63-628 du 2 juillet 1963, 28 et 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, 33, alinéa 2 du décret n 86-1309 du 29 décembre 1986, 1er de l'arrêté du 3 décembre 1987, 485, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 30 et 177 du Traité de Rome, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que la cour d'appel déclare les prévenus coupables du chef du délit de revente en l'état à perte ;
" aux motifs que la démonstration n'est pas faite que la réglementation française prohibant la revente à perte apporterait une entrave directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, au commerce intra-communautaire et correspondrait à une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation, violant ainsi les dispositions de l'article 30 du traité de Rome ; qu'aucun acte communautaire n'interdit à un Etat membre d'édicter une réglementation prohibant la vente à perte ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu à sursis à statuer ou à question préjudicielle ; qu'à supposer que les jouets entrent dans la catégorie des produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué, ce que les variations du chiffre d'affaires mensuels des sociétés X et Y - au demeurant non produits - n'établissent pas, puisqu'elles procèdent de la politique commerciale de ces deux sociétés, ces ventes ont eu lieu en période de pointe pour les achats de jouets, en période de fin d'année, puisque trois jours avant Noël et neuf jours avant le 1er janvier, et alors que le magasin était ouvert un dimanche par autorisation préfectorale, précisément en raison du caractère élevé des ventes en cette période de l'année ;
" 1) alors que la loi nationale prohibant la revente à perte constitue une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation non justifiée au regard des exceptions prévues à l'article 36 du Traité ni par des " exigences impératives " ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2) alors que déclarant successivement, d'une part, que les " chiffres d'affaires mensuels " n'auraient pas été " produits ", mais que leurs " variations " n'auraient pas établi " le caractère saisonnier marqué des produits " ; d'autre part, que la preuve de ce " caractère saisonnier marqué des produits " n'aurait pas été rapportée, mais que " les ventes " des produits étaient " élevées en cette période de l'année ", la cour d'appel a déduit des motifs contradictoires et violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 28 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, 33 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 6 de l'arrêté préfectoral du 2 septembre 1977, 485, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que la cour d'appel déclare les prévenus coupables du chef de contravention de vente avec remise effective inférieure à celle annoncée ;
" alors qu'en ne fondant sa décision sur aucun motif de fait ni de droit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Les moyens étant réunis : - Attendu qu'Alain A, président-directeur général d'un groupe de sociétés exploitant des hypermarchés, Daniel B et Dominique C, directeurs de deux de ces établissements, ont organisé, le 22 décembre 1991, des ventes de jouets annoncées, par voie publicitaire, comme étant " exceptionnelles " avec 50 % de rabais sur ces articles ; qu'ils ont été poursuivis, devant la juridiction correctionnelle, sur le fondement de l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, pour la revente d'articles à un prix inférieur au coût d'achat effectif et, sur celui de l'article 33 du décret du 29 décembre 1986, pour avoir dans certains cas accordé des rabais inférieurs à ceux annoncés ; que, les prévenus ont fait valoir, sur la revente à perte, que la faiblesse des prix pratiqués se justifiait par le caractère saisonnier des ventes de jouets et par la nécessité dans laquelle ils se trouvaient d'écouler leurs stocks ; qu'ils ont également soutenu que la réglementation interne, base des poursuites, était incompatible avec les dispositions de l'article 30 du traité CEE ;
Attendu que pour écarter les conclusions de A, B et C et les déclarer coupables des faits visés à la prévention, la cour d'appel, après avoir observé que la réglementation interne n'est nullement contraire au droit communautaire, énonce que, les reventes à perte ayant été constatées trois jours avant Noël, alors que le magasin était ouvert un dimanche en vertu d'une autorisation administrative délivrée en considération de l'importance des ventes en cette période de l'année, les prévenus ne pouvaient sérieusement faire valoir, même en admettant le caractère saisonnier de la vente de jouets, qu'ils se trouvaient en fin de saison et tentaient de liquider leurs invendus ; qu'elle ajoute, sur le deuxième chef de prévention, que les investigations avaient démontré, comme les intéressés l'avaient d'ailleurs reconnu, que les rabais consentis sur certains articles étaient, au regard des prix pratiqués pendant le quatrième trimestre, inférieurs à ceux annoncés ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, dès lors quel'interdiction de revendre un produit à un prix inférieur à son coût d'achat s'applique indistinctement à tout produit sans considération d'origine et ne saurait de ce fait être regardée comme une mesure d'effet équivalent à une restriction à l'importation contraire à l'article 30 du Traité et dès lors que l'exception à cette interdiction, prévue pour certains produits dépréciables par l'article 1-II de la loi du 2 juillet 1963, n'est admissible que lorsque leur revente a lieu à un moment où ils sont potentiellement dépréciés,la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; qu'ainsi les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois.