CA Pau, 1re ch. corr., 31 mai 1995, n° 95-00180
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Association des producteurs français de turbots, Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riboulleau
Conseillers :
M. D'Uhalt, Mme Ville
Avocats :
Mes Mesplede, Lasserre
Rappel de la procédure :
Le jugement :
Le Tribunal correctionnel de Dax, par jugement contradictoire en date du 6 janvier 1995, a :
Sur l'action publique :
- déclaré T Jean-Marie coupable de vente d'un produit par un commerçant à un prix inférieur à son prix de revient, le 16 avril 1993, à Castets (40),
Infraction prévue et réprimée par l'article 1 I de la loi 63-628 du 2 juillet 1963 modifié par l'article 32 de l'Ordonnance du 1er décembre 1986
et, en application de ces articles,
- condamné T J.-M. à 50 000 F d'amende,
- ordonné aux frais du condamné la publication par extraits de la présente décision dans les journaux suivants : Libre Service Actualité, Produits de la Mer et Le Marin, à concurrence de 3 000 F par insertion.
Sur l'action civile :
- déclaré recevable mais mal fondée la constitution de partie civile de l'Association des Producteurs de Turbots.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
T Jean-Marie, le 16 janvier 1995
M. Le Procureur de la République, le 16 janvier 1995
L'Association des Producteurs Français de Turbots, le 18 janvier 1995.
T Jean-Marie, prévenu, et l'Association des Producteurs Français de Turbots, partie civile, furent assignés à la requête de Monsieur le Procureur Général, par actes en date des 23 mars 1995 et 3 avril 1995, d'avoir à comparaître devant la Cour à l'audience publique du 10 mai 1995 ;
Décision :
Vu les appels réguliers interjetés le 16 janvier 1995 par le prévenu - T Jean-Marie - et le Ministère public, le 18 janvier 1995 par la partie civile - l'Association des Producteurs Français de Turbots - d'un jugement contradictoirement rendu par le Tribunal Correctionnel de Dax le 6 janvier 1995.
Il est fait grief au prévenu - T Jean-Marie - d'avoir à Castets, le 16 avril 1993, :
- revendu du turbot éviscéré, importé d'Espagne à un prix inférieur à son prix d'achat effectif,
Infraction prévue et réprimée par les articles 1er de la loi du 2 juillet 1963 modifié par l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Attendu qu'il ressort de la procédure les éléments suivants :
Le 16 avril 1993, les agents de la Direction Générale de la Concurrence, Consommation et Répression des Fraudes exerçaient un contrôle au siège de l'entreprise SA X à Castets (40) afin de vérifier les marges réalisées par la société sur des produits importés et revendus sur le marché français, sans transformation et le respect des règles d'interdiction de revente à perte ;
Il ressort, tant des factures produites par la SA X que des auditions des divers employés et du PDG Jean-Marie T que la société a acheté auprès d'un fournisseur espagnol (Prodemar) des turbots entiers et éviscérés en mars et avril 1993 au prix TTC de 57,73 F le kg qu'elle a revendus aux magasins du groupe Auchan de Cambrai et Roncq (59) à des prix inférieurs au prix d'achat sur facture (soit 48,53 F TTC le kg) ; la revente à perte, de 9,20 F par kg a porté sur des livraisons de 5 à 6 tonnes de turbots ;
Attendu que Jean-Marie T reconnaît les faits qu'il explique par un phénomène conjoncturel puisque son fournisseur initial, Neptuno, qui s'était engagé à livrer au prix de 42,50 F le kg (ce qui avait permis de fixer les prix de revente à Auchan à 49,90 F et de diffuser des prospectus publicitaires) n'a pas rempli ses engagements ; c'est afin de ne pas rompre son contrat avec Auchan que le prévenu a recherché un nouveau partenaire Prodemar lequel, dans le laps de temps très court qui lui était imparti, n'a pu trouver un produit au prix équivalent ;
Attendu que, devant la Cour, Jean-Marie T confirme ses aveux, mais plaide que le tribunal ne pouvait pas prononcer la peine complémentaire de publicité de sa décision ;
Mais, attendu queJean-Marie T est poursuivi pour revente à perte, délit prévu par l'article 1er de la loi du 2 juillet 1963 modifié par l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,
Que l'article 55 de cette même ordonnance prévoit expressément que les infractions prévues, notamment par l'article 32, peuvent faire donner lieu à condamnation, entre autres, à la publication et à l'affichage des décisions judiciaires,
Que la mesure prise par le Tribunal Correctionnel de Dax était donc parfaitement légale;
Attendu, quant à la peine (50 000 F d'amende et publication de la décision, à concurrence de 3 000 F aux frais du condamné), qu'elle est justifiée et sera confirmée ;
Attendu, sur l'action civile, que l'Association des Producteurs Français de Turbots, également appelante, conclut pour être reçue en sa constitution et sollicite 1 F de dommages et intérêts et 10 000 F par application de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale,
Que le prévenu conclut à l'irrecevabilité de sa constitution au motif qu'elle ne peut justifier d'un préjudice ni personnel, ni direct ;
Mais, attendu, d'une part, que l'Association des Producteurs Français de Turbots, régulièrement déclarée le 15 avril 1993 (donc antérieurement aux constatations effectuées à partir du 16 avril 1993), a pour objet, notamment, (article 5 des statuts) :
- la défense et la promotion des intérêts généraux concernant l'élevage et la commercialisation des turbots,
- la promotion de la mise en marché des turbots d'aquaculture,
Qu'elle est ouverte à toute personne physique ou morale dont l'activité professionnelle est la production de turbots en France (article 6),
Qu'il s'agit dont d'un syndicat ou association professionnel répondant aux critères des articles L. 411-1, L. 411-2 et suivants du Code du Travail.
Qu'en l'espècela violation par J.-M. T, ès-qualité de PDG de la SA X, de la réglementation est de nature à créer des conditions d'une concurrence préjudiciable à ceux qui la respectent,
Que tel est le cas de la partie civile, qui regroupe les professionnels de la production aquacole de turbots en France dont le préjudice, causé par la pratique anticoncurrentielle de revente à perte, est personnel (car il porte sur le même secteur d'activité) et direct (car les producteurs français respectant le prix du marché européen ne peuvent proposer à leurs clients les mêmes tarifs que X et perdent des parts de marché),
Qu'en conséquence la Cour confirmera sur la recevabilité de la partie civile et lui allouera 1 F de dommages et intérêts.
Que s'agissant de ses frais de procédure, il est légitime de condamner Jean-Marie T à lui payer 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement en application de l'article 411 du Code de Procédure Pénale à l'égard du prévenu - T Jean-Marie -, contradictoirement à l'encontre de l'Association des Producteurs Français de Turbots, partie civile. En la forme, dit les appels recevables. Au fond : Sur l'action publique : Confirme le jugement sauf à préciser que c'est la publication par extraits du présent arrêt qui est ordonnée. Sur l'action civile : Confirme le jugement sur la recevabilité. Pour le surplus, condamne Jean-Marie T à payer à l'Association des Producteurs Français de Turbots 1 F de dommages et intérêts et 5 000 F par application de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné ; Fixe la contrainte par corps conformément à la Loi. Le tout par application du titre XI de la loi du 4 janvier 1993, les articles 749 et suivants du Code de Procédure Pénale, 1 I de la loi du 2 juillet 1963 modifié par l'article 32 de l'Ordonnance du 1er décembre 1986, 55 de l'Ordonnance du 1er décembre 1986.