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Décisions

CA Nancy, 4e ch. corr., 25 février 1999, n° 98-00842

NANCY

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jurd

Conseillers :

MM. Magnin, Cunin

Avocat :

Me Baumann-Chevallier

TGI Nancy, 3e ch. corr., du 9 janv. 1998

9 janvier 1998

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le Tribunal, par jugement du 9 janvier 1998 contradictoire, a déclaré R coupable de revente d'un produit par un commerçant à un prix inférieur à son prix d'achat effectif, le 12 juillet 1995, à Dommartin-les-Toul, infraction prévue par l'article 32 § I al. 1, al. 2 de l'Ordonnance 86-1243 du 01/12/1986 et réprimée par les articles 32 § I de l'Ordonnance 86-1243 du 01/12/1986 en ce qui concerne les couches Kleenex couches huggies midi jumbo au prix de 113,05 F soit au dessous du seuil de revente à perte fixé à 131,54 F, en ce qui concerne les couches Peaudouce 52 + 14 girl, au prix de 86,95 F, en dessous du seuil de revente à perte fixé à 95,97 F.

Et l'a relaxé en ce qui concerne les produits Juvamine, produit diététique Vanille au prix de 27,55 F l'unité, soit en dessous du seuil de revente à perte fixé à 28,26 F.

Et en application de ces articles, l'a relaxé partiellement pour les produits Juvamine, déclaré coupable pour le surplus et condamné à une amende de 20 000 F.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. le Procureur de la République, le 15 janvier 1998 contre Monsieur R Philippe Ginette Jacques

M. R Philippe Ginette Jacques, le 15 janvier 1998

Sur ce, LA COUR

I - En la forme :

Attendu que les appels interjetés par le prévenu et le Ministère public, réguliers en la forme ont été enregistrés dans les délais légaux ;

Qu'il y a lieu de les déclarer recevables ;

II - Au fond :

1° Sur la culpabilité :

Attendu que le 12 juillet 1995, des inspecteurs de la DCCRF se sont présentés à l'hypermarché X de Dommartin-les Toul ; ce grand magasin à grande surface appartient à la société " Y " dont le PDG est Monsieur Philippe R ;

Que les inspecteurs intervenaient dans le cadre d'un contrôle inopiné par sondage pour vérifier si cet hypermarché ne pratiquait pas de vente à perte ;

Qu'à cet effet, les inspecteurs de la DCCRF ont pris dans le magasin, une dizaine de produits industriels et alimentaires, en notant les prix de vente indiqués en rayon, puis ils se sont présentés à la caisse, où, en présence de Madame D, responsable de la comptabilité, ils ont reçu un ticket de caisse en bonne et due forme, après avoir vérifié avec madame D la conformité des prix de vente facturés avec les prix de vente relevés en rayon ;

Que les inspecteurs ont ensuite demandé à Madame D que leur soient communiquées les factures d'achat de ces produits ; qu'à partir de là, ils ont eu affaire à Monsieur Frédéric L, chef du département " PGC ", concerné par ces produits ;

Que les inspecteurs ont été obligés de relancer Monsieur L à plusieurs reprises pour obtenir les documents qu'ils avaient demandés et ont dû attendre deux mois avant d'obtenir l'ensemble des factures sur lesquelles devait porter leur contrôle ;

Qu'il s'est avéré que la comparaison des prix nets d'achat hors taxes relevés sur ces factures, avec les prix de vente TTC facturés le 12 juillet 1995, a fait apparaître que 3 des 10 produits contrôlés avaient été revendus à perte, à savoir :

EMPLACEMENT TABLEAU

Attendu que les résultats de ces constatations ont été communiqués téléphoniquement à Monsieur L lequel a déclaré aux enquêteurs, qu'il fallait tenir compte, dans le calcul du seuil de revente à perte, des remises de fin d'année accordés par le fournisseur de la centrale d'achat Z, en ce qui concerne les produits " Juvamine " et " Peaudouce ", et qu'il fallait de la même façon tenir compte pour les couches Kleenex d'une remise de 20 % supplémentaire prévue par un accord commercial conclu avec la maison Kimberly Clark ;

Que selon les enquêteurs, cela sous-entend, que pour déterminer le seuil de revente à perte, c'est-à-dire le prix d'achat effectif + la TVA, il doit être tenu compte dans le calcul non seulement des remises sur factures, mais aussi des éventuels avantages supplémentaires accordés par ailleurs par le fournisseur et non inscrits sur la facture ;

Or attendu que pour être pris en considération dans le calcul du seuil de revente à perte, ces avantages hors facture doivent :

- être de principe acquis et de montant chiffrable au moment de la vente, et non pas être des remises hypothétiques ou impossibles à chiffrer ;

- ne pas correspondre à la rémunération de la coopération commerciale qui ne peut être prise en compte car elle porte sur la fourniture de services spécifiques rendus par le distributeur et ne relève donc pas des obligations résultant des actes d'achat et de vente;

Que lorsque ces conditions se trouvent remplies, les remises hors facture sont recevables et il en est tenu compte dans le calcul du seuil de revente à perte. Il appartient donc au distributeur qui veut se prévaloir de cet assouplissement prévu par la loi, d'en apporter la preuve en communiquant les éléments permettant aux enquêteurs de se rendre compte de leur recevabilité ;

Or attendu que les enquêteurs de la DCCRF ont relevé qu'à la date du 26 octobre 1995, les responsables du magasin X de Dommartin-les-Toul, n'ont pu apporter d'autres éléments que les factures d'achat des produits incriminés ; qu'ils ont estimé qu'en l'absence de tout document qui aurait pu officialiser les remises supplémentaires non mentionnées sur les factures, et les faire intervenir en diminution du seuil de revente à perte de ces produits, il y avait lieu de constater leur revente à perte à la date du 12 juillet 1995 :

Que les enquêteurs ont donc relevé à l'encontre de Monsieur R, aux infractions à la loi du 2 juillet 1963 modifiée par l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Qu'en réponse à cette enquête, Monsieur L a indiqué qu'il n'était pas d'accord avec les calculs de seuil de revente à perte, retenus par les enquêteurs ;

Qu'en ce qui concerne le produit couches Kleenex, il a fait état de l'accord Kimberly Clark Sopalin mentionné sur la facture, et prévoyant des remises ;

Que cependant, les enquêteurs ont relevé que ce document était complètement anonyme, et n'indiquait nullement pourquoi ces remises étaient accordées, ni si elles étaient inconditionnelles ou conditionnelles, de sorte qu'il ne répondait pas à ce qui était demandé et ne permettait pas d'analyser la recevabilité des remises hors facture ;

Qu'en ce qui concerne le produit Juvamine, les enquêteurs ont reconnu que ce produit n'a pas été revendu à perte, puisque le seuil de revente à perte de ce produit passant de 28,26 F TTC à 25,14 F TTC a été vendu 27,55 F TTC ; qu'en ce qui concerne le produit Peaudouce (couches) les enquêteurs ont indiqué :

" Monsieur L fait état pour ce produit d'un budget de 2 500 F (accordé par le fournisseur sous la forme d'un avoir sur la facture) pour les 288 unités achetées, soit 8,68 F par unité, venant d'après lui en diminution du prix d'achat (voir pièces n° 6 et 7) "

" Il faut dire tout d'abord que Monsieur L n'a jamais fait état de ce budget avant l'établissement du Procès-verbal "

" 2) Ceci étant dit, il s'agit justement d'un budget de coopération commerciale puisqu'il est question sur la facture d'avoir " d'un budget TG" (tête de gondoles). La rétribution de la coopération commerciale, dont la prestation la plus caractéristique est précisément la " tête de gondoles ", ne peut intervenir en diminution du seuil de revente à perte puisqu'il s'agit d'un accord sortant du champ des simples obligations résultat des achats et des ventes. Il s'agit d'un service spécifique rendu au fournisseur par le distributeur et pour lequel ce dernier est rétribué " ;

Attendu qu'il ressort de l'ensemble des éléments de l'enquête menée par la DCCRF, que les infractions reprochées à Monsieur R en ce qui concerne la vente à perte des produits Kleenex et couches Peaudouce, sont constituées en tous leurs élémentset que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la culpabilité de Monsieur R de ces chefs ;

Qu'en revanche l'infraction reprochée à Monsieur R du chef de la vente à perte du produit " Juvamine ", n'étant nullement constituée, ainsi qu'il ressort de l'enquête ci-dessus, c'est à bon droit que les premiers juges ont relaxé Monsieur R de ce chef ;

Qu'au vu de tout de qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur la culpabilité ;

2° Sur la peine :

Attendu que Monsieur R a déjà été condamné à quatre reprises pour des infractions commises, en 1992, 1993 et 1994, et qu'il a été condamné pour des faits de publicité mensongère en 1989 et pour des faits de facture non conforme en 1994 ;

Que compte tenu de la réitération par le prévenu d'infractions de même nature, il y a lieu de prononcer à son encontre une peine d'amende plus sévère que celle retenue par les premiers juges ;

Qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris de ce chef, et de condamner Monsieur R à une peine d'amende de 30 000 F ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, reçoit comme réguliers en la forme les appels du prévenu et du ministère public du jugement en date du 9 janvier 1998 du Tribunal correctionnel de Nancy, Au fond, Confirme la relaxe partielle pour les produits Juvamine et la culpabilité pour le surplus, Infirme sur la peine et statuant à nouveau, Condamne le prévenu à une amende de 30 000 F. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont chaque condamné est redevable. Dit que la contrainte par corps s'exécutera conformément aux dispositions des articles 749 et suivants du code de procédure pénale. Le tout par application des dispositions des articles susvisés, 515 du code de procédure pénale.