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Décisions

CA Lyon, 7e ch. A, 8 février 1995, n° 98

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Procureur général

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dulin

Conseillers :

MM. Fayol-Noirterre, Gouverneur

Avocats :

Mes Venet, Jeantet

TGI Lyon, 5e ch., du 16 avr. 1993

16 avril 1993

Par jugement en date du 16 avril 1993, le Tribunal de Grande Instance de Lyon a retenu François C dans les liens de la prévention pour avoir à St-Priest (69), le 29 février 1991 :

- étant commerçant en qualité de Directeur de l'Hypermarché X, revendu huits produits (Ariel, Vizir Le Chat Machine, Choucroute, Raviolis Riches, Raviolis Pur Boeuf, Chicorée, Saladière Western) à des prix inférieurs à leur prix d'achat,

Et par application des articles 1er de la loi n° 63-628 du 2 juillet 1963 modifié par l'article 32 de l'Ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, l'a condamné à :

Quarante mille francs d'amende,

A déclaré la SA X civilement responsable,

A condamné in solidum le prévenu et le civilement responsable aux dépens.

Le même jugement a relaxé Laurence D des fins de la même poursuite exercée à son encontre en sa qualité de chef de secteur "produits de grande consommation" à l'Hypermarché X.

Sur quoi :

Attendu que les appels interjetés par le prévenu, François C, le civilement responsable et le Ministère Public, à l'encontre de François C et de Laurence D, sont recevables en la forme ;

Attendu que les premiers juges, après rappel de la procédure et des termes de la prévention, ont exactement relaté les circonstances de la cause et qu'il convient, sur ce point, de se rapporter aux énonciations du jugement entrepris ;

Attendu qu'il sera seulement rappelé que l'hypermarché X de Saint-Priest (Rhône) a été verbalisé par les agents de la Direction Générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le 29 janvier 1991, pour avoir revendu au consommateur, huit produits de grande consommation à un prix inférieur au prix d'achat toutes taxes comprises ; que François C, directeur de ce magasin, et Laurence D, chef de secteur produits de grande consommation, n'ont pas contesté la matérialité de cette infraction ;

Attendu que devant la Cour, François C conclut à la réformation de la décision entreprise ; qu'il estime que Laurence D bénéficiait, en sa qualité de chef de secteur, d'une délégation de pouvoirs écrite et acceptée, qu'elle avait les compétences nécessaires pour l'exercer et qu'elle disposait des moyens suffisants pour remplir ses fonctions ; qu'ainsi, il lui appartenait de respecter la réglementation en matière de prix et qu'elle seule doit répondre de l'infraction de revente à perte constatée par les services de la Direction Générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ; qu'il sollicite sa relaxe ; que subsidiairement, il demande qui lui soit fait une application modérée de la loi pénale ;

Attendu que Laurence D conclut à la confirmation de la décision entreprise qui, nonobstant la délégation, a considéré qu'elle ne disposait pas de pouvoirs suffisants pour fixer les prix et l'a relaxée des fins de la poursuite ;

Attendu que l'ordonnance du 1er décembre 1986, relative à la liberté des prix et de la concurrence, n'édicte pas de présomption de responsabilité à la charge du dirigeant de l'entreprise où ont été constatées les pratiques illicites ; qu'il appartient donc à la juridiction correctionnelle, dès lors qu'est caractérisé l'élément matériel de l'infraction poursuivie, de rechercher, à la lumière des faits et des circonstances soumise à son appréciation, si la responsabilité de cette infraction est imputable au dirigeant ou s'il a pu valablement déléguer ses pouvoirs en la matière à un subordonné ;

Attendu qu'au terme d'une subdélégation de pouvoirs signée le 19 septembre 1990, avec le directeur de l'établissement alors en fonction à l'hypermarché X, Laurence D s'est vue reconnaître le pouvoir de définir les prix et conditions de vente des marchandises dans les limites indiquées par la centrale d'achats et la réglementation ; que cette délégation lui fait obligation d'observer et de s'assurer de la constante observation de toutes les dispositions économiques, législatives et réglementaires, notamment en matière de vente à perte ;

Mais attendu qu'une note de service du 12 septembre 1990 intitulée " les axes prioritaires 1991 de la région V ", émanant de la direction générale sud-est de la société X, fixe aux directeurs de magasin les grandes priorités pour l'année à venir; que parmi les objectifs fixés, figure l'amélioration du positionnement d'X en matière de prix avec comme stratégie d'être à partir de septembre 1990, en dessous de deux points d'écart par rapport au concurrent le moins cher de la zone, être à partir d'avril 1991, en dessous d'un point et à partir d'avril 1992, être le moins cher; que même si, à l'époque de l'infraction, l'objectif n'était pas encore de vendre le moins cher de la zone, il était d'offrir des prix qui se rapprochent progressivement de ceux pratiqués par le concurrent le moins cher de la zone; qu'ainsi, un chef de secteur ne bénéficiait pas de liberté d'appréciation pour fixer les prix des produits vendus sous sa responsabilité;

Attendu qu'au surplus, il apparaît difficile à un chef de secteur d'apprécier l'existence d'une revente à perte dans la mesure où il ne dispose pas des moyens nécessaires et des informations suffisantes pour maîtriser les prix; que les accords fournisseurs apparaissent, au vu des éléments soumis à l'appréciation de la Cour, être décidés au niveau de la centrale d'achatset que les factures en la possession des chefs de secteur ne font pas apparaître toutes les remises, rabais et ristournes ;

Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que la politique des prix conduite par cet hypermarché, le calcul des prix de vente et leur alignement sur le concurrence ne sont pas de la compétence d'un chef de secteur quelques fussent ses compétences et son niveau de rémunération; qu'en conséquence, le directeur de ce magasin ne pouvait pas, dans un tel domaine, déléguer ses pouvoirs à Laurence D qui sera, par confirmation de la décision entreprise, relaxée des fins de la poursuite;

Attendu en revanche, que François C est lui-même titulaire d'une délégation de pouvoirs de la part du directeur régional de la société X lui donnant mission de définir les prix et les conditions de vente des marchandises et de s'assurer du respect de la réglementation en la matière; qu'en sa qualité de directeur de cet hypermarché, il avait donc la maîtrise de la politique des prix, en relation avec la direction de la société et de sa centrale d'achats, et il lui incombait de prendre toutes mesures nécessaires pour le respect des dispositions légales et réglementaires et de s'assurer de leur observation par ses préposés; qu'en mettant ou en laissant mettre en vente les produits considérés à un prix inférieur à leur prix d'achat toutes taxes comprises, il s'est rendu coupable du délit de revente à perte; que la décision qui l'a maintenu dans les liens de la prévention sera confirmée ;

Attendu que la peine d'amende qui lui a été infligée par le Tribunal apparaît proportionnée à la gravité d'une infraction qui fausse le jeu de la concurrence et occasionne un préjudice aux consommateurs ; qu'elle sera confirmée ; qu'ajoutant à cette sanction, il sera ordonné la publication de cette décision dans le journal Le Progrès ;

Attendu que la société X sera déclarée civilement responsable de François C ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, Y ajoutant, ordonne la publication du présent arrêt, par extraits, aux frais du condamné, dans le journal Le Progrès, édition de Lyon, sans que le coût de cette insertion dépasse 6.000 francs, Dit que le condamné sera redevable du droit fixe de procédure applicable à la présente décision, Fixe la durée de la contrainte par corps conformément à la loi, Le tout par application des articles 1er de la loi du 2 juillet 1963, modifié par l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 55 de l'ordonnance précitée, 496 à 520, 749, 750 du Code de Procédure Pénale.