CA Poitiers, ch. corr., 13 mars 1998, n° 97-00633
POITIERS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Besset
Conseillers :
M. Delpech, Mme Lerner
Avocat :
Me Groleau
Décision dont appel :
Le Tribunal a :
- déclaré François D coupable des faits qui lui sont reprochés,
- renvoyé D des fins de la poursuite sans peine ni dépens.
Appel a été interjeté par :
- M. Le Procureur de la République, le 9 juillet 1997 contre Monsieur D François.
Décision :
LA COUR, vidant son délibéré,
Vu le jugement entrepris, dont le dispositif est rappelé ci-dessus,
Vu l'appel susvisé, régulier en la forme,
Attendu que François D est prévenu d'avoir à La Roche-sur-Yon, le 19 janvier 1994, étant commerçant, revendu un produit en l'état, en l'espèce 42 produits de consommation courante consistant en des boissons alcoolisées, des cafés et des aliments pour animaux répertoriés ci-après :
La Martiniquaise : Gold River, Label 5, Old Virginia, Glen Turner, Anis Gras, Porto Cruz,
Mumm : Chivas
Sovidi : Baileys, Malibu,
Barton : Four Roses,
Pernod : Aberlour, Pernod, Suze, Soho, Pastis 51,
Marie Brizard : Glenfiddish, Marie Brizard
Ricard : Clan Campbell, Ricard
St-Raphaël : Long John, Rapha, Ch. Volner Brut
Martini : Martini blanc, Martini rouge, get 27, Manor
Béardinet : Punch planteur Old Nick
Moët et Chandon : Gin Gordon's, Mercier Brut,
Cusenier : Bartissol,
Vrignaud : Liqueur Vendéenne 35 cl,
Remy : Cointreau 70 cl
Akerman : Akerman brut,
SEA : Clairette de Die brut
Jacques Vabre : J. Vabre nectar soluble 200 g
Grand-Mère : Grand-Mère dégustation moulu 2 x 250 g
Douwe Egberts : tradition moulu 250 g
Unisabi : Cesar boeuf 300 g, Whiskas délices viandes 1/4 3 x 190 g
Gloria : Gourmet terrine rognons volailles, Friskies Croquettes chat poulet légumes 400 gr,
à un prix inférieur à leur prix d'achat.
Infraction prévue et réprimée par les articles 1 I de la loi 63-628 du 2 juillet 1963 et 55 alinéa 1 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Du 30 septembre au 9 octobre 1993 l'hypermarché X de la Roche-Sur-Yon a mené une opération publicitaire intitulée "opération - 10 %, - 15 %, - 20 %" annoncée par dépliant publicitaire. L'enquête menée les 17 novembre 1993, 10, 19, 20 janvier 1994 et 10 février 1994 par la Direction de la Concurrence de la Consommation et de la répression des fraudes de la Vendée a révélé que 42 produits de consommation courante (apéritifs, cafés, aliments pour animaux) offerts à la vente en promotion ont été les 5, 8 et 9 octobre 1993 revendus à perte, c'est-à-dire à des prix inférieurs aux prix d'achat nets effectifs TTC, les pertes allant de 5,23 % à 30,27 % suivant les produits. Le délit de revente à perte tel qu'il est défini par l'article 1er de la loi n° 63-629 du 2 juillet 1963, modifié par l'article 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 se trouve donc constitué, aucun des produits concernés ne figurant parmi les exceptions à l'interdiction de revente à perte (produits périssables, produits saisonniers, produits démodés ou dépassés, ventes de liquidation etc ...).
Monsieur B directeur du magasin a reconnu la réalité de l'infraction, indiquant qu'il existait une délégation de pouvoirs en faveur de Monsieur D, chef du secteur alimentaire. Cette délégation en matière de réglementation économique avait pour effet de confier à Monsieur D la responsabilité de " s'assurer du respect des règles applicables pour la fixation des prix de ventes aux consommateurs, l'étiquetage, l'origine et la circulation des produits, les droits de propriété intellectuelle et industrielle, les campagnes de publicité ou d'information concernant les produits de secteur et, plus généralement, le droit de la concurrence, de la consommation et de la distribution ".
Monsieur D a soutenu qu'il n'avait aucun contrôle sur l'importation des produits effectués par les centrales d'achats, ni sur la fixation des prix décidés par le Groupe X ni sur les modalités des opérations publicitaires arrêtées par les magasins X au niveau national ou régional et qu'il n'avait donc pas la possibilité d'exercer les larges pouvoirs qui lui avaient été délégués.
La Cour relève que si certaines publicités lancées par l'enseigne X, mettent en avant des produits donnés à des prix fixés ailleurs qu'à l'échelon local, la publicité qui est à l'origine de la présente procédure, était d'une autre nature. En effet, le thème lui-même de l'opération publicitaire consistait en l'octroi de remises calculées sur les prix pratiqués avec une limitation à l'avantage annoncé " dans la limite des prix coûtants ". Si l'enseigne X s'engageait auprès du consommateur à lui accorder des remises sur les prix pratiqués il appartenait aux magasins de mettre en œuvre l'opération, en effectuant le calcul des remises, à charge de vérifier que les taux de réduction annoncés étaient compatibles avec la loi du 2 juillet 1963. Ce sont ainsi les gestionnaires locaux qui ont la charge des achats auprès de la centrale d'achat X ou directement auprès des fournisseurs, sur la base des négociations commerciales conduites par les acheteurs nationaux. Ce sont également eux qui fixent le niveau des prix en fonction de la stratégie commerciale adoptée et des prix pratiqués par les concurrents locaux.
Dans ces conditions, comme l'indique la direction de la concurrence, de la consommation et répression des fraudes, les responsables nationaux n'ont pas connaissance dans le détail des prix pratiqués pour chacun des produits des différents magasins. C'est dans ce cadre que les responsables nationaux délèguent une partie de leurs pouvoirs aux directeurs de magasin qui eux-mêmes les subdélèguent en partie aux chefs de secteur, spécifiquement chargés, assistés de leurs chefs de rayon, de la mise sur le marché des produits référencés. Les chefs de secteur disposent de la compétence et de l'autorité nécessaires sur l'ensemble des rayons de leur secteur pour veiller à l'application de la législation économique, notamment pour ce qui concerne le respect de l'interdiction de revente à perte puisque ce sont eux qui fixent les prix.
Monsieur D, chef du secteur alimentaire doit donc répondre de l'infraction qui lui est reprochée, en application de la délégation de pouvoir le concernant. Il y a lieu de la condamner à une amende d'un montant de 10 000 F. La décision des premiers juges sera donc réformée.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, sur appel en matière correctionnelle et en dernier ressort ; Reçoit l'appel du Ministère public régulier en la forme ; Réforme la décision déférée ; Déclare Monsieur D coupable des faits visés à la prévention ; Le condamne au paiement d'une amende de dix mille francs (10 000 F). Le tout en application des articles susvisés.