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Décisions

CA Caen, ch. corr., 18 novembre 1994, n° 1080

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Association Familiale de Douvres-la-Délivrande, Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Deroyer

Conseillers :

Mme Bliecq, M. Villette

Avocats :

Mes Legall, Morice, Sevestre.

TGI Caen, ch. corr., du 17 mai 1994

17 mai 1994

Saisi de poursuites dirigées contre M. Jean-Pascal S d'avoir, à Villers-Bocage, du 27 février 1992 et 26 janvier 1993, en qualité de directeur du magasin X exploité par la SA Y, revendu des produits en l'état à des prix inférieurs à leur prix d'achat effectif, en l'espèce :

- le 27 février 1992 : des paquets de lessive Ariel Ultra 2 kg achetés à un prix unitaire net TVA comprise de 41,54 F et revendus au prix de 54,40 F TTC ;

- le 26 janvier 1993 : des paquets de lessive X-Tra 5 kg achetés au prix unitaire net TTC de 41,92 F et revendus au prix de 40,25 F TTC ; des paquets de lessive Dash 3,5 kg achetés au prix unitaire net TTC de 61,87 F et revendus au prix de 58,95 F TTC ; des paquets de lessive Skip Micro 2 kg achetés au prix unitaire net TTC de 46,95 F et revendus au prix de 44,50 F TTC ; des paquets de lessive Ariel Ultra 2 kg achetés au prix unitaire net TTC de 41,99 F et revendus 41,90 F TTC ;

Sur le fondement de l'article 1er de la loi n° 63-268 du 2 juillet 1963, modifié par l'article 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Le Tribunal correctionnel de Caen, par jugement en date du 17 mai 1994, a déclaré le prévenu coupable de cette infraction, et l'a condamné à 5 000 F d'amende et a rejeté la demande de non mention de cette condamnation au Bulletin n° 2 du casier judiciaire ;

Et sur la demande de l'Association Familiale de Douvres La Délivrande partie civile, l'a condamné à verser à celle-ci les sommes de 1 000 F à titre de dommages et intérêts, et celle de 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;

Appel de cette décision a été interjeté par le Ministère public le 17 mai 1994, et par le prévenu le 25 mai 1994 ;

Sur l'action publique :

M. Jean-Pascal S, directeur salarié du magasin X situé à Villers-Bocage et exploité par la Société Y, a fait l'objet de 2 contrôles des agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.

Le 27 février 1992, ceux-ci ont constaté que :

- des paquets de lessive Ariel Ultra 2 kg achetés à un prix unitaire net TVA comprise de 41,54 F étaient revendus au prix de 41,40 F TTC ;

- des paquets de lessive Ariel 5 kg achetés au prix unitaire net TVA comprise de 57,34 F étaient revendus au prix de 54,40 F TTC ;

Le 26 janvier 1993, ils ont relevé que :

- des paquets de lessive X-Tra 5 kg achetés au prix unitaire net TTC de 41,92 F étaient revendus au prix de 40,25 F TTC ;

- des paquets de lessive Dash 3,5 kg achetés au prix unitaire net TTC de 61,87 F étaient revendus au prix de 58,95 F TTC ;

- des paquets de lessive Skip Micro 2 kg achetés au prix unitaire net TTC de 46,95 F étaient revendus au prix de 44,50 F TTC ;

- des paquets de lessive Ariel Ultra 2 kg achetés au prix unitaire net TTC de 41,99 F étaient revendus 41,90 F TTC.

Le conseil de M. S sollicite la relaxe du prévenu. Il fait valoir, pour les deux contrôles, que l'ensemble des ristournes et remises notamment " les conditions de groupe " accordées par Procter, Henkel et Lever au titre des respects des délais de paiement et des objectifs de chiffres n'a pas été pris en compte dans le calcul du prix d'achat.

En ce qui concerne le second contrôle, il invoque en outre l'exception d'alignement en exposant que M. S a purement et simplement aligné les prix des lessives, qui sont des produits onéreux sur ceux de son seul concurrent direct, le supermarché Leclerc de Bayeux, commerce de même importance distant de 25 kms.

Sur le calcul du prix d'achat

La Sté X est une filiale à 100 % des Z.

Aux procès-verbaux rédigés respectivement le 12 juin 1992 portant sur le contrôle du 27 février 1992 et le 28 avril 1993 portant sur le contrôle du 26 janvier 1993, ont été joints l'ensemble des documents fournis par M. S. Il a produit un tableau récapitulatif faisant apparaître pour chacun des articles vérifiés son prix d'achat par Z tel qu'il résulte de la facture du fournisseur, et le prix d'achat net correspondant tel qu'il résulte des avantages et remises négociées par le groupe.

Pour chacun des articles vérifiés, Z a fourni une copie de la facture du fournisseur et les fiches récapitulatives des accords correspondants, négociés par le groupe. Afin de ne pas pénaliser l'entreprise, bien que toutes les pièces justificatives des paiements n'aient pas été produites, ont été considérées comme exactes les indications fournies par Z pour ce qui est de la globalité des avantages différés qu'elle a pris en considération dans ses calculs.

Il n'y pas lieu de remettre en cause le prix d'achat ainsi calculé et ce moyen de défense présenté par M. S sera écarté.

Sur l'exception d'alignement

Il est constant que M. S a aligné le 26 janvier 1993 les prix de 3 des 4 produits contrôlés sur ceux du supermarché Leclerc à Bayeux.

Les dispositions légales visant la revente à perte ne sont pas applicables aux produits dont le prix de revente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité.

Les produits litigieux étant incontestablement les mêmes, il y a lieu de rechercher si le magasin X de Villers-Bocage et le supermarché Leclerc de Bayeux se trouvent dans la même zone d'activités.

Ces deux magasins ne sont pas situés dans la même ville ou dans la même agglomération et sont distants de 25 kms. Leur clientèle est essentiellement locale et la concurrence s'exerce avec les grands supermarchés de la métropole caennaise, qui se trouvent à 23 kms de Bayeux et à 20 kms de Villers-Bocage, et qui est reliée à ces deux communes par une quatre-voies.

Il en résulte que les deux magasins ne s'adressent pas à la même clientèle, et qu'ils ne peuvent en conséquence être considérés comme étant dans une même zone d'activités.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement sur la déclaration de culpabilitémais de le réformer sur la peine, le montant de l'amende apparaissant insuffisant pour sanctionner les agissements répétés de M. S.

Aucun élément est de nature à justifier que la mention de cette condamnation soit exclue du bulletin n° 2 de son casier judiciaire.

Sur l'action civile

L'Association Familiale de Douvres-la-Délivrande sollicite la confirmation des dispositions civiles du jugement et une indemnité de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale.

M. S a conclu au débouté de la partie civile et soutient que celle-ci n'a subi aucun préjudice.

En ne respectant pas les règles de la concurrence visant à protéger tant les intérêts des commerçants que ceux des consommateurs, M. S a causé un préjudice à l'Association Familiale de Douvres-la-Délivrande qui a pour but de défendre les intérêts généraux des consommateurs.

En effet, la vente à perte constitue une pratique incompatible avec une concurrence saine et s'avère contraire à l'intérêt général des consommateurs, la perte supportée sur quelques articles étant nécessairement compensée par les marges prélevées sur les autres, ce qui est de nature à fausser le jugement de la clientèle.

Il y a lieu, en conséquence, de confirmer les dispositions civiles du jugement qui ont fait une juste appréciation du préjudice subi et, y ajoutant, d'allouer à la partie civile une indemnité complémentaire de 1.000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale pour les frais irrépétibles exposés en appel.

Par ces motifs : LA COUR : statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit le Ministère public et le prévenu en leurs appels ; Sur l'action publique : Vu l'article 1 I de la loi 63-628 du 2 juillet 1993 ; Confirme le jugement du Tribunal Correctionnel de Caen en date du 17 mai 1994, sur les déclarations de culpabilité ; Réforme sur la peine ; Condamne M. Jean-Pascal S à 20 000 F d'amende ; Rejette la demande en non inscription de cette condamnation, au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ; Sur l'action civile : Confirme le jugement en ses dispositions civiles ; Y ajoutant, condamne M. S à verser à l'Association Familiale de Douvres-la-Délivrande, une indemnité de 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné ; Condamne le prévenu aux dépens de l'action civile.