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Décisions

CA Rennes, ch. corr., 19 décembre 1990, n° 1969-90

RENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Procureur de la République, Procureur général

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Casorla

Conseillers :

M. Le Quinquois, Mme Rouvin

Avocat :

Me Pierre

TGI Vannes, ch. corr., du 21 déc. 1989

21 décembre 1989

Statuant sur l'appel interjeté le 22 décembre 1989, par le Ministère public, d'un jugement contradictoirement rendu le 21 décembre 1989 par le Tribunal correctionnel de Vannes qui a relaxé Raymond X du chef d'achat sans factures et de revente à perte pour certains produits et a ordonné un supplément d'information en ce qui concerne la revente à perte pour d'autres produits ;

Considérant que l'appel est régulier et recevable en la forme ;

Considérant qu'il est fait grief au prévenu, d'avoir à Vannes, le 8 novembre 1988, en tout cas depuis temps non prescrit :

1) effectué des achats de produits Danone, sans facture,

2) revendu des produits Daucy et des produits d'entretien à un prix inférieur à leur prix d'achat effectif,

Faits prévus et réprimés par les articles 31-32 et 50 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 26 du décret n° 86-1309, le décret du 29 décembre 1986, I et 4 de la loi du 2 juillet 1963 ;

Considérant qu'il ressort du dossier et des débats les éléments suivants :

Le 8 novembre 1988, les fonctionnaires de la Direction de la Concurrence se présentaient au [magasin A] de Vannes exploité par la SA Y dont le président directeur général est Raymond X, procédaient à un relevé des prix pratiqués à la vente et constataient une infraction d'achat sans facture sur des produits Danone, en l'absence de toute facture d'achat, bon de livraison ou bon de commande de la marchandise, le représentant du magasin, M. L, qui fournissait une fiche de proposition Danone non datée, ajoutant " il semble que les factures suivent toujours sur relevé mensuel " ;

Les fonctionnaires constataient également que plusieurs produits étaient vendus à perte ;

Produits Daucy :

Compte tenu des frais de transports et sur la base d'une facture établie par la SCA O, centrale d'approvisionnement du magasin, portant des prix d'achats nets de toutes remises connues et chiffrées au moment de la facturation, il était relevé les prix suivants :

- le lot de 2 boîtes de petits pois vendu 8,35 F aurait dû être vendu 8, 45 F,

- le lot de 3 boîtes de haricots blancs vendu 5,55 F aurait dû être vendu 5,62 F,

- le lot de 2 boîtes de mosaïques de légumes vendu 6,80 F aurait dû être vendu 6,88 F,

- le lot de 2 boîtes de choucroute vendu 13,80 F aurait dû être vendu 13,97 F ;

Produits d'entretien :

L'intervention faite à la SCA O permettait d'examiner la facturation effectuée de juillet à octobre 1988 pour le compte de Y et sur la base de la dernière facture émise au 31 octobre, il était relevé les prix suivants :

- Axion 2, la boîte de 5 kg vendue 44,95 F aurait dû être vendue 48,91 F,

- Soupline, le flacon de 3 litres vendu 19,45 F aurait dû être vendue 19,52 F,

- Ariel, la boîte de 5 kg vendue 49,00 F aurait dû être vendue 49,30 F,

- Omo, la boîte de 5 kg vendue 41,15 F aurait dû être vendue 44,25 F.

Interrogé par les enquêteurs, Raymond X déclarait qu'il ne s'occupait en aucun cas des achats ou de l'organisation des prix de vente dans son entreprise et qu'il avait délégué ses pouvoirs à un chef alimentaire, Xavier L et à un chef non alimentaire Stéphane B ;

Considérant que devant la Cour le prévenu maintient son ignorance des prix pratiqués par son entreprise, qu'il ajoute subsidiairement que d'une part, en ce qui concerne les produits Danone, s'agissant de produits frais à rotation rapide, livrés journellement, la pratique est de facturer par quinzaine après déduction de marchandises périmées, d'autre part, en ce qui concerne les produits Daucy, il n'a pas été tenu compte par les enquêteurs d'une remise opérée après décompte en fin d'année par la SCA O à la SA Y et d'un achat promotionnel à prix imposé par la SCA O le 5 octobre 1988, d'une troisième part en ce qui concerne les produits d'entretien, ceux-ci sont stockés plusieurs mois par la SA Y après des achats promotionnels ou avant hausses, les livraisons postérieures aux prix notés par les enquêteurs n'étant que du réassort ;

Considérant que ce n'est qu'à titre très exceptionnel que le dirigeant de l'entreprise peut s'exonérer de la responsabilité pénale liée à ses pouvoirs de direction, de contrôle et de surveillance sur le fonctionnement de son entreprise, que la délégation de pouvoirs ne saurait être en matière économique le moyen de se décharger systématiquement de toute responsabilité pénale, qu'en l'espèce tant les obligations relatives à la facturation que le calcul des prix de vente relèvent de l'autorité du dirigeant de l'entreprise et lui incombent personnellement, s'agissant de la politique des prix conduite par une grande surface effectivement dirigée par Raymond X qui n'évoque aucun empêchement autre que son ignorance de la marche de son entreprise en cette matière, qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de tenir compte des délégations de pouvoirs invoquées;

Considérant, en ce qui concerne l'achat sans facture des produits Danone, qu'aucune facture d'achat n'a pu être présentée aux enquêteurs, qu'à l'audience de la Cour, il est produit des factures récapitulatives dont l'une porte spécialement du 1er au 15 novembre 1988 avec détail des livraisons par jour, qu'aux termes de l'article 31, alinéa 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la facture doit être délivrée dès la réalisation de la vente, que la pratique qui consiste à une régularisation par quinzaine postérieurement à la livraison des produits vendus est sans effet sur l'imputabilité de l'infraction à l'acheteur qui doit réclamer la facture dès la réalisation de la vente ;

Considérant en ce qui concerne les reventes à perte des produits alimentaires comme des produits de lessive, que les constatations précises des enquêteurs, établies à partir des prix de vente TTC, remises et ristournes déduites, sur la base des factures produites par la SCO O, démontrent que les produits incriminés étaient vendus au-dessous de leur prix coûtant, celui-ci se définissant comme le prix d'achat déduction faite de l'ensemble des remises consenties par le fournisseur et connues au moment de la facturation, majoré des taxes et éventuellement du coût de transport, qu'il ne saurait y avoir de prix imposé par la SCA O à la SA Y pour l'achat du 5 octobre 1988, l'acheteur ayant l'obligation de respecter la réglementation sur les prix, pas plus qu'il ne saurait être sérieusement prétendu, et il n'est d'ailleurs pas établi, que les lessives, produits d'utilisation courante, font l'objet de longs stockages avant commercialisation, la rotation rapide du stock étant inhérente au fonctionnement des hypermarchés ;

Considérant en conséquence qu'il y a lieu de réformer le jugement et d'entrer en voie de condamnation ;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme, Reçoit l'appel du Ministère public, Au fond, Déclare Raymond X coupable des faits de la prévention, Le condamne à vingt mille francs d'amende (20 000 F) ; Condamne X Raymond aux dépens de première instance et d'appel liquidés à la somme de Vingt mille six cent soixante quatre francs vingt quatre centimes (20 664,24 F) ; En ce compris le droit fixe du présent arrêt, le droit de poste, le montant de l'amende prononcée et non compris les frais postérieurs éventuels. Prononce la contrainte par corps. Le tout en application des articles 31-32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 26 du décret n° 86-1309, le décret du 29 décembre 1986, 1 et 4 de la loi du 2 juillet 1963, 473, 749 et 750 du code de procédure pénale.