CA Versailles, 1re ch. A, 24 octobre 1996, n° 94-00008072 bis
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ministre de l'Économie et des Finances
Défendeur :
Ciba-Geigy (SA), Phytoservice (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mazars
Conseillers :
M. Martin, Mme Liauzun
Avoués :
SCP Julien Lecharny Rol, SCP Fivet Rochette Lafon
Avocats :
Mes Saint-Esteben, Fourgoux
La SA Ciba-Geigy fabrique et commercialise des produits phytosanitaires destinés à la protection des plantes, et notamment des fongicides, destinés à la grande culture, qu'elle fournit aux négociants grossistes ou aux coopératives agricoles qui les revendent à des agriculteurs. Le chiffre d'affaires réalisé par cette société sur ces fongicides pour la campagne 1992 a été de 250 millions de francs HT.
La société Ciba-Geigy, dans un contexte économique difficile, a proposé des conditions avantageuses dites "d'avant-saison" ou de "morte-saison" pour inciter sa clientèle à effectuer des achats anticipés. Elle a offert des remises liées à divers facteurs : dates de commande, dates de livraison, dates de règlement, rapports entre les volumes commandés en avant-saison avec ceux commandés en saison.
Les conditions générales de facturation pour les fongicides grandes cultures, indiquaient le montant de la remise, déduite sur la facture, dont le taux était fonction de la date de règlement par le client :
- règlement fin avril 1992 : 5 % (échéance de base)
- règlement fin mai : 4 %
- règlement fin juin : 3 %
- et ainsi jusqu'au taux 0.
Les dates d'échéances ont, en fait, été rapportées au 10 du mois suivant pour tous les clients.
La société Phytoservice, qui a réglé ses factures de fongicides à l'échéance de base (10 mai 1992) a bénéficié de la remise de 5%.
Les sociétés coopératives Transagra et Coopagri, qui ont réglé leurs factures respectivement, le 10 août 1992, et le 10 juillet 1992, donc au-delà de la "date pivot", ont cependant bénéficié de la remise de 5 %.
Sur le fondement de l'enquête diligentée par la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à la suite de la réclamation de la société Phytoservice, Monsieur le Ministre de l'Economie et des Finances a, par acte du 24 mars 1993, assigné la société Ciba-Geigy devant le Tribunal de grande instance de Nanterre pour :
- voir dire et juger ces agissements illicites comme créant des avantages qui s'avèrent être discriminatoires au sens de l'article 36-1 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986,
- ordonner à la société Ciba-Geigy de respecter strictement ses propres conditions générales de vente et de cesser de privilégier tel ou tel client.
- ordonner la publication du jugement dans deux quotidiens régionaux,
- condamner la société Ciba-Geigy au paiement d'une indemnité de 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société Phytoservice est intervenue volontairement à l'instance. Estimant qu'elle a été victime de la pratique discriminatoire établie par l'enquête de la Direction de la Concurrence mais aussi d'autres discriminations, telles que l'octroi à ses concurrents d'avoirs injustifiés, ou de remises en dépit du non-respect des conditions quantitatives, elle a demandé au tribunal de condamner la société Ciba-Geigy à lui payer la somme de 1.460.000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par jugement rendu contradictoirement le 6 septembre 1994, le Tribunal de grande instance de Nanterre a débouté Monsieur le Ministre de l'Economie et des Finances et la société Phytoservice de leurs demandes et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal, après avoir précisé que la discussion ne portait que sur la vente du produit Archer, a considéré pour l'essentiel que l'octroi de délais, avec maintien de la remise de 5 % aux sociétés Transagra et Coopagri, n'a pas entraîné de discrimination au détriment de la société Phytoservice et n'a pas eu d'effet anticoncurrentiel en relevant que :
- la société Transagra a octroyé la même remise de 5% à tous ses clients pour l'ensemble des fongicides grande culture qui ne provenaient pas uniquement de la société Ciba-Geigy,
- la société Phytoservice a augmenté ses ventes de produits Archer entre 1991 et 1992 ainsi que du produit Turbo T substituable à ce dernier,
- la progression des ventes des produits Ciba-Geigy par la société Phytoservice est établie, même si dans le département du Cher, les ventes du produit Archer sont minimes par rapport au chiffre d'affaires réalisé globalement avec la société Ciba-Geigy,
- l'octroi du délai de paiement n'a finalement porté que sur une remise de 1% ou 2 %.
Le Ministre de l'Economie et des Finances, premier appelant, conclut à l'infirmation du jugement, demandant à la Cour, statuant à nouveau, de :
- constater que la société Ciba-Geigy a pratiqué des conditions de paiement discriminatoires au regard de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,
- lui ordonner d'appliquer ses tarifs conformément à ses conditions générales de vente de manière non discriminatoire à l'égard de sa clientèle,
- condamner la société Ciba-Geigy à payer à l'Etat la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile de procédure civile.
La société Phytoservice, deuxième appelant, soutient qu'elle est fondée à obtenir réparation de toutes les pratiques discriminatoires dont elle est victime.
Elle demande à la Cour d'infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau, de :
- faire droit aux demandes du Ministre de l'Economie et des Finances,
- dire et juger que la société Ciba-Geigy a engagé sa responsabilité en pratiquant des conditions de vente discriminatoires à son préjudice.
- condamner la société Ciba-Geigy au paiement de la somme de 1.460.000 F à titre de dommages-intérêts,
La société Ciba-Geigy, intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré, et demande à la Cour de :
- déclarer l'intervention de la société Phytoservice irrecevable en ce qu'elle concerne les prétentions relatives à l'octroi d'avoirs et de remises quantitatives ainsi qu'à l'obligation de communication des conditions générales de vente prévue par l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,
- débouter Monsieur le Ministre de l'Economie et des Finances de l'ensemble de ses demandes,
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamner Monsieur le Ministre de l'Economie et des Finances et la société Phytoservice à lui payer la somme de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Sur ce,
Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la société Phytoservice quant à d'autres pratiques discriminatoires
Considérant qu'aux termes de l'article 325 du nouveau code de procédure civile, "l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant " ;
Considérant que la société Ciba-Geigy soutient qu'il n'existe aucun rapport entre d'une part les conditions de paiement et les remises y afférentes, considérées comme une discrimination illicite par le Ministre de l'Economie et des Finances, et d'autre part des avoirs ou remises en fonction d'objectifs de chiffres d'affaires ou une violation de l'article 33 relative à l'obligation de communication des conditions de vente, cette dernière obligation étant distincte de l'infraction prévue par les dispositions de l'article 36-1 de l'ordonnance concernant les pratiques discriminatoires illicites, seules visées par l'Administration ;
Mais considérant que la société Phytoservice réclame une indemnisation pour le préjudice qu'elle a subi du fait des pratiques discriminatoires dont elle estime avoir été victime en 1992 ; que cette prétention a un lien suffisant avec la demande du Ministre de l'Economie et des Finances qui tend à voir sanctionner les agissements illicites qu'il reproche pour cette même période à la société Ciba-Geigy sur le fondement de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Que la société Phytoservice est donc recevable, en ses prétentions formées par voie dintervention volontaire ;
Sur les pratiques discriminatoires
Considérant que l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 énonce :
"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé par le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan ;
1° de pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence" ;
Qu'il convient donc de rechercher si les faits reprochés à la société Ciba-Geigy sont constitutifs de pratiques fautives et si sont remplies les conditions suivantes :
- l'existence du fait discriminatoire ;
- l'absence de contrepartie réelle ;
- l'avantage ou le désavantage dans la concurrence ;
Sur les avoirs.
Considérant que la société Phytoservice souligne qu'il ressort des pièces produites par l'Administration que la société Ciba-Geigy accorde à certains de ses clients des avoirs considérables qui permettent à ceux-ci de faire supporter au producteur le coût de la gestion de leurs stocks ;
Mais considérant que la société Ciba-Geigy réplique, sans être contredite, que des avoirs ou des reports déchéance sont régulièrement octroyés, en cas de sur-stocks et dans la limite des sur-stocks ; que ces pratiques ne sont pas des conditions de vente ;
Considérant que ces faits nont pas été considérés comme discriminatoires par l'Administration dans son enquête ;
Que d'ailleurs, la société Ciba-Geigy fait justement remarquer que la société Phytoservice qui a bénéficié d'avantages de report déchéances pour sur-stocks en 1991 est particulièrement mal fondée à qualifier aujourd'hui les avoirs de pratiques discriminatoires ;
Sur le non respect des remises quantitatives.
Considérant que la société Phytoservice prétend encore que des revendeurs (la société Hurel Arc et la société Coopérative Marnaise) ont perçu à raison de leurs achats une remise de 8 % et 7 %, alors qu'ils n'vaient pas réalisé le chiffre d'affaires qui aurait pu justifier de telles remises ;
Que cependant, seul l'un des revendeurs, la société Hurel Arc, laquelle s'est vue appliquer strictement les conditions de vente, était en concurrence avec la société Phytoservice ;
Mais considérant surtout que la société Ciba-Geigy rétorque justement que la société Phytoservice n'établit pas le préjudice qu'elle aurait pu subir de ce fait, non relevé par l'Administration, en soulignant qu'elle-même a obtenu pour la saison 1992 une remise de 8 % alors que pour son chiffre d'affaires de 3.424.411 F, elle n'avait droit qu'à la remise de 6 % ;
Sur l'octroi du délai de paiement avec maintien de la remise de 5%.
Considérant qu'il ressort du procès-verbal du 29 novembre 1992, des factures qui y sont annexées, et de la lettre adressée le 11 décembre 1992 par la société Ciba-Geigy à la Direction départementale de la concurrence et de la consommation, que la société Ciba-Geigy a accordé aux sociétés coopératives Transagra et Coopagri, pour les achats de fongicides céréales (Archer, ERIA, FIDIS) un délai de paiement supplémentaire, tout en leur maintenant la remise de 5 % qui, aux termes des conditions générales, n'était accordée qu'en cas de paiement des factures à la date prévue, soit au plus tard le 10 mai 1992 ;
Que société Ciba-Geigy a déclaré : "à titre très exceptionnel, et sous la pression de très gros distributeurs, nous sommes amenés à accorder des délais de paiement supplémentaires, dans le cas de Transagra, limités aux fongicides ; l'accord a lieu au cours de la négociation et ne fait l'objet d'aucun écrit. Cette exigence s'effectuerait auprès de tous les fournisseurs de ce client. ";
Que le fait susceptible d'être qualifié de discriminatoire est ainsi établi, étant observé qu'il ne s'analyse pas, comme le prétend de façon erronée la société Phytoservice, comme un manquement à l'obligation de communication des conditions générales de vente mais bien comme une pratique sanctionnée par l'article 36 de l'ordonnance de 1986;
Considérant que l'absence de contrepartie réelle n'est pas discutée et ressort des déclarations ci-dessus rapportées qui révèlent que la société Ciba-Geigy a consenti le maintien de la remise, associée au délai de paiement, sous la pression des sociétés coopératives;
Considérant que pour conclure au mal fondé des demandes des appelants, la société Ciba-Geigy reproche tout d'abord à l'Administration de ne pas avoir délimité le marché pertinent afin d'apprécier l'impact de la pratique discriminatoire sur la concurrence ;
Que le Ministre de l'Économie et des Finances rétorque que le désavantage s'apprécie au regard de l'entreprise en concurrence et non pas au regard du marché en général, une telle analyse relevant du titre III de l'ordonnance de 1986 ;
Mais considérant que le moyen soulevé par la société Ciba-Geigy est inopérant dès lors qu'il nest pas contesté que la société Phytoservice, négociant en produits phytosanitaires, est en concurrence avec les sociétés coopératives, principales clientes de la société Ciba-Geigy ;
Que le présent litige concerne les produits fongicides pour les grandes cultures, marché sur lequel les sociétés Phytoservice et les sociétés coopératives sont en concurrence, notamment dans le Loir-et-Cher, et les régions voisines ;
Considérant qu'il reste à démontrer l'avantage ou le désavantage dans la concurrence de cette pratique ;
Qu'à l'appui de son appel, le Ministre de l'Economie et des Finances fait valoir que la société Transagra Agricher a répercuté strictement les conditions qui lui ont été consenties à ses acheteurs en consentant une même remise de 5 % ainsi qu'un report déchéances à fin juillet 1992 ; qu'elle a ainsi bénéficié d'une amélioration de sa situation de trésorerie sans supporter les frais financiers induits par le recours à un crédit extérieur ; que cette conséquence constitue l'avantage dans la concurrence ;
Qu'il ajoute qu'en revanche, la société Phytoservice n'était en mesure de consentir à ses acheteurs des conditions aussi attractives qu'en prélevant sur sa propre marge, ce qui constitue le désavantage dans la concurrence ;
Que le Ministre en déduit que le jeu concurrentiel a été faussé ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société Transagra a consenti à ses acheteurs les mêmes conditions attractives, sur toutes les marques fongicides et non pas seulement sur les produits Ciba-Geigy
Qu'en outre la société Phytoservice a pu consentir, elle aussi, la remise de 5 % dont elle a bénéficié ; qu'elle ne démontre pas qu'elle a été conduite à prélever sur la marge ou à obérer sa trésorerie pour faire face à la concurrence ;
Que bien plus, il résulte des pièces produites par la société Phytoservice que la progression de ses achats et de ses ventes en 1992 par rapport à 1991 a été de 10 %, et qu'elle a augmenté ses ventes de fongicides, Turbo TR et Archer, pendant la morte saison 1992;
Que dans ses écritures d'appel, la société Ciba-Geigy développe une argumentation complète et détaillée, fondée sur l'analyse des pièces versées aux débats, pour démontrer, en tenant compte des stocks dont elle disposait encore en 1992, que la société Phytoservice a multiplié par trois en 1992 le chiffre des ventes de fongicides Archer et Turbo TR par rapport à 1991, en ajoutant qu'au contraire la société Transagra a vu ses ventes des mêmes produits diminuer de moitié, ce qui révèle que l'avantage ou le désavantage dans la concurrence ne sont pas clairement établis ;
Considérant que la société Phytoservice, dans ses écritures en réponse, n'a à aucun moment discuté ou critiqué cette argumentation et ces constatations ;
Considérant que le Ministre de l'Économie et des Finances, pour critiquer les comparaisons des achats et ventes de produits faites par la société Phytoservice et par les deux sociétés coopératives, relève que la société Ciba-Geigy a aussi reconnu avoir consenti les remises et les délais de paiement sur d'autres produits que les fongicides destinés aux céréales, ci-dessus cités, et que ces achats et ventes d'autres produits devaient être pris en considération pour procéder aux comparaisons des chiffres des achats et des ventes ;
Mais considérant que la réclamation de la société Phytoservice n'a jamais porté sur d'autres produits que les fongicides Archer et qu'il y a lieu d'observer que l'enquête et les factures annexées à l'enquête ne concernent que les fongicides Archer et Tilt C vendus aux sociétés Transagra et Coopagri ;
Que d'ailleurs, il résulte des indications, non critiquées par les appelants, développées par la société Ciba-Geigy dans ses conclusions, que la société Phytoservice n'est pas en concurrence avec les sociétés Transagra et Coopagri sur les autres produits ;
Considérant que la société Ciba-Geigy fait aussi valoir, en interprétant les tableaux versés aux débats, que la société Phytoservice a réalisé :
- une progression des ventes des produits Ciba-Geigy de 9,32 % en 1992 par rapport à 1991 ;
- une augmentation de ses ventes de fongicides Ciba-Geigy de 13,38 % en 1991 par rapport à 1993, ainsi qu'une progression des ventes du produit Archer, passées de 3,315 litres en 1991 à 6,805 litres en 1992 ;
- un développement important des ventes de tous les produits CIBA dans le département du Cher même si la part des produits Archer représentait une faible quantité de ventes tant antérieurement qu'à l'époque des faits litigieux ;
Considérant que le Ministre de l'Economie et des Finances, lequel ne discute pas sérieusement ces constatations démontrant la progression certaine de la société Phytoservice sur le marché des fongicides, et dans la vente des produits Ciba-Geigy, objecte toutefois que ce motif ne peut être déterminant car, selon lui, il peut être aussi soutenu que ce chiffre d'affaires aurait progressé davantage avec des conditions plus favorables consenties par la société Ciba-Geigy ;
Mais considérant que l'article 36 de l'ordonnance de 1986, ci-dessus cité, en définissant la pratique illicite abusive comme celle créant, de ce fait, un avantage ou un désavantage dans la concurrence impose que la preuve soit faite de la réalité et de l'existence du désavantage pour le partenaire économique; qu'il ne suffit pas d'invoquer un avantage ou un désavantage virtuels;
Qu'il appartient à l'Administration, et au concurrent qui se prétend victime de la pratique discriminatoire, d'apporter la preuve de l'avantage ou du désavantage dans la concurrence;
Considérant qu'en l'espèce, la société Phytoservice n'allègue ni ne tente d'établir un trouble, une désorganisation de son réseau commercial ou un détournement de clientèle ; qu'elle se borne à invoquer un préjudice théorique :
- en calculant un dommage équivalent à 1 % ou 5 % (montant des remises litigieuses) du total de son chiffre d'affaires réalisé avec Ciba-Geigy pour la récolte 1992 ;
- en alléguant, sans fournir d'éléments de preuve sur ce point, qu'elle a vu "l'ouverture de sa succursale dans le département du Cher gravement freinée par ces pratiques discriminatoires" ;
Considérant qu'il résulte en définitive de l'ensemble des éléments versés aux débats que la preuve n'est nullement rapportée que la pratique discriminatoire relevée par l'Administration et ci-dessus décrite a créé un avantage ou un désavantage dans la concurrence;
Qu'aucun trouble dans le jeu concurrentiel du marché des fongicides pour la saison 1992 n'est démontré ;
Considérant que dans ces conditions le jugement déféré doit être entièrement confirmé ;
Considérant que succombant, les appelants seront condamnés aux dépens, ce qui prive de fondement leur demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, compte tenu de la situation respective des parties, d'allouer à la société Ciba-Geigy l'indemnité qu'elle sollicite au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Reçoit le Ministre de l'Économie et des Finances et la société Phytoservice en leurs appels ; Déclare l'intervention de la société Phytoservice et ses prétentions recevables, mais les dit mal fondées ; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Dit que les dépens d'appel seront supportés par moitié par le Ministre de l'Économie et des Finances et par la société Phytoservice, et qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.