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Décisions

CA Rennes, ch. corr., 21 juin 1991, n° 915-91

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Procureur de la République, Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, Procureur général

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Quinquis

Conseillers :

MM. Beuzit, Le Corre

Avocat :

Me Berthault

TGI Rennes, ch. corr., du 26 sept. 1990

26 septembre 1990

Statuant sur les appels interjetés le 2 octobre 1990, à titre principal, par les prévenus Jean O, Guy B et Thierry G, le 3 octobre 1990, à titre incident, par le Ministère Public d'un jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel de Rennes le 26 septembre précédent, en application de l'article 410 du Code de procédure pénale à l'égard des prévenus : Thierry G et Bertrand D, de l'article 411 du même code à l'égard des prévenus : Jean O et Guy B et de l'article 415 du Code de procédure pénale envers la SA X, civilement responsable, qui, pour facturation non conforme de prestations de services et défaut d'établissement par un distributeur d'écrits relatifs aux conditions de rémunération par ses fournisseurs de services spécifiques, a condamné :

Pour le délit :

- Jean O et Guy B à une amende de 5.000 F, chacun,

- Thierry G et Bertrand D, à une amende de 3.000 F, chacun,

Pour les contraventions :

- Jean O et Guy B à 104 amendes de 50 F, chacune,

- Thierry G à 90 amendes de 50 F, chacune,

- Bertrand D à 14 amendes de 50 F, chacune,

et a déclaré la SA X, prise en la personne de son président directeur général : Jean O, civilement responsable " des infractions " ;

Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme ;

Considérant qu'il est reproché aux prévenus :

- Jean O :

- d'avoir à Saint-Grégoire, courant 1988 et 1989, en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, ensemble et de concert avec Guy B effectué des achats, ventes ou prestations de services pour son activité professionnelle sans facture conforme ; en l'espèce d'avoir délivré à ses fournisseurs des factures (au nombre de 136) ne comportant aucune indication quant à leur objet ou ne comportant de ce chef, que des mentions génériques telles que " participation publicitaire, mise en avant ou référencement " et ne comportant pas non plus, pour 17 d'entre elles, d'indication quant à l'adresse du destinataire, lesdites factures ayant été établies aux fins d'assurer la rémunération de prestations de services effectuées par la SA X, exploitant l'hypermarché " x " pour ses fournisseurs et représentant la somme de 268 275 F ;

Faits prévus et réprimés par l'article 31 alinéas 2, 3 et 4 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

- d'avoir à Saint-Grégoire, courant 1988 et 1989, en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, ensemble et de concert avec Guy B, omis de respecter les règles sur le caractère écrit des conditions de rémunération d'un distributeur par ses fournisseurs (en l'espèce au nombre de 104) ;

Faits prévus et réprimés par les articles 33, 33 alinéa 1 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 33 alinéa 3 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, R. 25 du Code pénal ;

- Guy B :

- d'avoir à Saint-Grégoire, courant 1988 et 1989, en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, ensemble et de concert avec Jean O effectué des achats, ventes ou prestations de services pour son activité professionnelle sans facture conforme ; en l'espèce d'avoir délivré à ses fournisseurs des factures (au nombre de 136) ne comportant aucune indication quant à leur objet ou ne comportant de ce chef, que des mentions génériques telles que " participation publicitaire, mise en avant ou référencement " et ne comportant pas non plus, pour 17 d'entre elles, d'indication quant à l'adresse du destinataire, lesdites factures ayant été établies aux fins d'assurer la rémunération de prestations de services effectuées par la SA X, exploitant l'hypermarché " x " pour ses fournisseurs et représentant la somme de 268.275 F ;

Faits prévus et réprimés par l'article 31 alinéas 2, 3 et 4 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

- d'avoir à Saint-Grégoire, courant 1988 et 1989, en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, ensemble et de concert avec Guy B, omis de respecter les règles sur le caractère écrit des conditions de rémunération d'un distributeur par ses fournisseurs (en l'espèce au nombre de 104) ;

Faits prévus et réprimés par les articles 33, 33 alinéa 1 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 33 alinéa 3 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, R. 25 du Code Pénal ;

- Thierry G :

- d'avoir à Saint-Grégoire, courant 1988 et 1989, en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, effectué des achats, ventes ou prestations de services pour son activité professionnelle sans facture conforme; en l'espèce d'avoir délivré aux fournisseurs du département alimentaire de l'hypermarché " x " exploité par la SA X, des factures (au nombre de 119) ne comportant aucune indication quant à leur objet ou ne comportant de ce chef, que des mentions génériques telles que " participation publicitaire, mise en avant ou référencement " et ne comportant pas non plus, pour 13 d'entre elles, d'indication quant à l'adresse du destinataire, lesdites factures ayant été établies aux fins d'assurer la rémunération de prestations de services représentant la somme de 223.385 F ;

Faits prévus et réprimés par l'article 31 alinéas 2, 3 et 4 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

- d'avoir à Saint-Grégoire, courant 1988 et 1989, en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, omis de respecter les règles sur le caractère écrit des conditions de rémunération d'un distributeur par ses fournisseurs (en l'espèce au nombre de 90) ;

Faits prévus et réprimés par les articles 33, 33 alinéa 1 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 33 alinéa 3 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, R. 25 du Code pénal ;

- Bertrand D :

- d'avoir à Saint-Grégoire, courant 1988 et 1989, en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, effectué des achats, ventes ou prestations de services pour son activité professionnelle sans facture conforme; en l'espèce d'avoir délivré aux fournisseurs du département alimentaire de l'hypermarché " x " exploité par la SA X, des factures (au nombre de 17) ne comportant aucune indication quant à leur objet ou ne comportant de ce chef, que des mentions génériques telles que " participation publicitaire, mise en avant ou référencement " et ne comportant pas non plus, pour 4 d'entre elles, d'indication quant à l'adresse du destinataire, lesdites factures ayant été établies aux fins d'assurer la rémunération de prestations de services représentant la somme de 44.890 F ;

Faits prévus et réprimés par l'article 31 alinéas 2, 3 et 4 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

- d'avoir à Saint-Grégoire, courant 1988 et 1989, en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, omis de respecter les règles sur le caractère écrit des conditions de rémunération d'un distributeur par ses fournisseurs (en l'espèce au nombre de 14) ;

Faits prévus et réprimés par les articles 33, 33 alinéa 1 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 33 alinéa 3 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, R. 25 du Code pénal ;

Considérant qu'il résulte de la procédure et des débats les faits suivants :

Suite à un premier contrôle dans son magasin, le service départemental de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d'Ille et Vilaine (DDCCRF) adressait, le 11 juillet 1988, à Monsieur Jean O, président directeur général de la société anonyme X exploitant un hypermarché à l'enseigne " L " implanté sur la commune de Saint-Grégoire (35), une lettre recommandée dont il accusait réception le 13 juillet suivant. Il était ainsi rappelé au respect des règles posées par l'ordonnance du 1er décembre 1986, en ses articles 31 et 33, sur les mentions obligatoires des factures et la nécessité d'établir un écrit constatant les conditions de rémunération par ses fournisseurs des services spécifiques qu'il leur rendait, couramment désignés par l'expression : " contrat de coopération commerciale " ;

Il lui était demandé que l'accord de coopération commerciale mentionne les partenaires à l'opération, sa nature, sa période, les produits concernés ainsi que sa date et que cet écrit soit signé de chacun des partenaires. La facture y afférent devait, outre les autres indications exigées par l'article 31 de l'ordonnance susvisée, comporter la dénomination précise des prestations ainsi rendues et facturées.

Par conséquent l'emploi de termes généraux tels que : " Participation commerciale " ou " participation publicitaire ", jusqu'alors seuls utilisés par la SA X pour désigner sur ses factures les prestations consenties à ses fournisseurs, ne serait pas admis comme preuve de leur réalité. Les textes précités étaient joints à ce courrier qui se terminait par l'avertissement suivant : " toute infraction constatée sera relevée par procès-verbal (annexe n° 9 - cote D 3) ".

Les 17, 23 et 29 mai ainsi que le 5 juillet suivant, les mêmes services opéraient dans ce même magasin un nouveau contrôle afin de vérifier si leur avertissement avait été suivi d'effet. Il était alors relevé d'une part que, sur 140 factures relatives à des accords de coopération commerciale d'un montant total de 268.275 F établie fin 1988 et au cours du premier trimestre 1989 par les chefs de rayon des départements " Alimentaire " et " Bazar " du magasin :

- 20 ne mentionnaient pas l'adresse du fournisseur concerné,

- 9 n'indiquaient pas leur objet,

- 136 n'employaient pour le désigner que les termes généraux : " participation publicitaire, référencement, mise en avant ", précédemment critiqués (annexe 5 - cote D 3) ;

Il était d'autre part constaté que les accords visés sur ces factures n'avaient pas fait l'objet d'un écrit pour 90 de celles émanant du département " Alimentaire " et 14 en provenance du département " Bazar " (annexes 7 et 8 - cote D 3). Etait joint à ces constatations un exemplaire vierge de ce type de facture portant l'en-tête de la SA X ainsi que copie de deux factures établies au nom des fournisseurs, " Cafés Grand-Mère " et " Henkel ", datées des 1er et 15 mars 1989, signées des chefs de rayon et du représentant des fournisseurs, concernés, et portant en objet la seule mention abrégée : " Part Pub " (annexes 3, 4, 4 bis - cote D 3). Procès-verbal était donc dressé à Messieurs Jean O, président Directeur Général de la SA X, B, directeur du magasin de Saint-Grégoire, G et D, respectivement Chefs des Départements " Alimentaire " et " Bazar ".

Monsieur O déclarait qu'il avait transmis la lettre de l'administration à tous les responsables chargés des achats, Messieurs B et G ayant été chargés de diffuser les informations qu'elle contenait. Il ajoutait qu'il ne s'était pas assuré personnellement de leur retransmission aux personnels dans la mesure où il n'assistait pas, à la différence du personnel d'encadrement, à toutes les réunions de direction de la société (PV n° 469/90 de la BT de Rennes-Nord).

Monsieur B indiquait, quant à lui, que, rentrant de vacances fin juillet 1988, il avait eu connaissance par son collaborateur : Monsieur G du courrier du 11 juillet précédent et y avait " sensibilisé " oralement les Chefs de service présents, sans toutefois établir de note de service. Compte tenu de la persistance constatée par les agents verbalisateurs des errements notamment en matière de prestation de service, Monsieur B prenait, au cours de ce deuxième contrôle, des mesures telles que l'établissement d'une circulaire à ce sujet, le 29 mai 1989, d'un projet de modification des factures jusqu'alors utilisées (projet transmis par l'imprimeur le 13 juin 1986 - pièce n° 3 annexe 10 - cote D 3). Le nouveau modèle de facture indiquant, contrairement au précédent, l'objet de la prestation, le produit et la période concernés. En outre, le Directeur du magasin enjoignait à sa comptable Madame Aubry de rejeter dorénavant " tout document non conforme à la législation ". Il estimait avoir ainsi " mis en place toute information avec les moyens matériels pour que ces faits ne se reproduisent pas " (annexe 10 - cote D 3). Toutefois il contestait être pénalement responsable des manquements ainsi constatés dans la mesure où il avait délégué à ses chefs de départements et de rayons ses pouvoirs et responsabilités en matière de législation commerciale notamment en ce qui concernait la conformité des prix pratiqués à cette législation (pièces n° 1 et 2, annexe 1 - cote D 3).

Monsieur G, responsable du département " Alimentaire ", déclarait qu'il avait reçu de Monsieur O la note des services compétents, datée du 11 juillet 1988, et l'avait diffusée aux chefs de rayons de son département avec remise d'une photocopie. Par la suite, il n'en avait pas contrôlé la mise en application et, au vu des auditions de ces chefs de rayons, estimait que les pratiques anciennes avaient repris le dessus (annexe n° 11).

Monsieur D, responsable du département " Bazar ", indiquait, pour sa part, qu'il ignorait l'existence de cette lettre et n'avait donc pu en répercuter les exigences auprès des chefs de rayon (annexe n° 12).

Sur neuf chefs de rayons, cinq déclaraient n'avoir pas eu connaissance du courrier susvisé : Mesdames : Da Presa (annexe n° 20) - Monvoisin (annexe n° 21) - Messieurs Foucher (annexe n° 19) - Merel (annexe n° 17) - Maussion (annexe n° 13). Trois autres : Messieurs O Jean-Didier (annexe n° 15) - Blot (annexe n° 16) - Herve (annexe n° 18) déclaraient avoir reçu de Messieurs B et G des directives en matière de facturation des prestations de services mais qu'elles n'avaient pas été suivies d'effet ou étaient tombées dans l'oubli. Enfin, Monsieur Colette assurait qu'il avait lui eu connaissance, en juillet 1988, par Monsieur G, de cette lettre ; celui-ci lui ayant demandé d'en appliquer les prescriptions dans son rayon (annexe n° 14).

Madame Aubry, Chef Comptable, déclarait tout ignorer des règles applicables en la matière (annexe n° 24).

Devant les premiers juges, les prévenus produisaient 14 factures de prestations de services de coopération commerciale, établies fin 1989 et au cours du premier trimestre 1990, faisant notamment mention de l'objet de cette prestation, de sa période, et des produits concernés ;

Considérant que les prévenus : O, B et G concluent à leur relaxe aux motifs que :

- Sur l'infraction à l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :

Ces avantages étaient consentis aux fournisseurs par des responsables différents (direction, chefs de secteur, acheteurs), le plus souvent oralement, sans liens avec une prestation déterminée mais en fonction de l'effort, globalement évalué, consenti par la Direction du magasin pour la mise en valeur de ces produits. En conséquence, les factures correspondantes ne pouvaient, à moins de constituer des faux, désigner des produits, des quantités, des prix, des périodes qui étaient ou inconnues ou indifférentes alors qu'au contraire la notoriété de ces fournisseurs permettait de tenir pour négligeable l'omission de la mention de leur adresse. Aucune violation réelle de cette disposition ne pouvait donc leur être reprochée.

- Sur l'infraction à l'article 33 de la même ordonnance :

Cette disposition ne définissant ni la forme, ni les mentions de l'écrit exigé, il était valablement constitué, en l'espèce, par les factures de ces prestations de service compte tenu du caractère immédiat de l'avantage accordé par le fournisseur au vu des efforts de promotion de ses produits.

Subsidiairement, ces prévenus font plaider qu'au cas où la contravention à la disposition susvisée serait retenue, elle ne devrait, s'agissant d'une faute unique faire l'objet que d'une seule sanction.

Plus subsidiairement, ces mêmes prévenus demandent à être dispensés de peine.

Considérant que, pour ce qui les concerne plus spécifiquement, Messieurs O et B font valoir qu'en raison de l'importance des Etablissements de la SA X (deux hypermarchés), du magasin de Saint-Grégoire (130 salariés), de leurs autres activités (participation à un groupement et à une centrale d'achats), ils avaient délégué leurs pouvoirs et responsabilités à des subordonnés pourvus de la compétence et de l'autorité nécessaires ainsi qu'il était mentionné aux contrats de travail des chefs de département ou de rayon ; qu'ils soulignent, en outre, qu'en raison du caractère alternatif et non cumulatif de la responsabilité pénale du dirigeant d'entreprise, il n'était en tout état de cause pas possible de les condamner tous deux à raison des mêmes faits.

Considérant que Bertrand D demande également sa relaxe au motif qu'il n'aurait jamais eu connaissance des dispositions légales en la matière, ni de la lettre du 11 juillet 1988 ;

Considérant, en revanche, que la DDCCRF conclut, elle, à la confirmation de la décision des premiers juges aux motifs :

- que seule une facture indiquant, conformément à l'article 31 de l'ordonnance susvisée, la dénomination précise du service rendu, sa quantité, son prix, l'adresse du fournisseur concerné, permettait d'en contrôler la réalité ;

Que l'exigence d'un accord écrit posé par l'article 33, alinéa 3, de cette même ordonnance permettait de vérifier que la convention de coopération commerciale ainsi conclue était d'une spécificité telle qu'elle n'avait pas à figurer aux conditions générales de vente devant être mises à la disposition de tout fournisseur potentiel.

Que le fait que, sur les neuf Chefs de rayon du magasin, cinq aient ignoré les termes de sa lettre du 11 juillet 1988 ainsi que l'absence de modification de l'imprimé de facturation de ces prestations de services, établissait que Monsieur O ne s'était pas suffisamment soucié de la diffusion de ces prescriptions auprès de ces collaborateurs, ni de la vérification de leur mise en œuvre effective,responsabilités qui lui incombaient personnellement en raison de son rôle de contrôle et de surveillance de l'ensemble de l'activité de son entreprise et du caractère des relations avec les fournisseurs qui ressortissent de la politique générale économique de l'entreprise.

Que ces mêmes éléments permettaient de considérer comme insuffisante la " sensibilisation " que Monsieur B déclarait avoir faite auprès de ses subordonnés.

Que la même administration conclut également à ce que la solidarité de la SA X soit prononcée par application des dispositions de l'article 54 de l'ordonnance susvisée.

Discussion :

I - Sur la constitution des infractions :

Considérant que l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que : " la facture doit mentionner le nom des parties, la date de la vente ou de la prestation de services, la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ainsi que tous rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente ou de la prestation de service, quelle que soit la date de leur règlement ".

Considérant que les responsables du magasin de Saint-Grégoire de la SA X devaient faire figurer, en application de cette disposition, sur les factures adressées à leurs fournisseurs à raison de prestations de services de coopération commerciale, notamment la dénomination précise des prestations ainsi facturées; qu'ils ne sauraient s'en dispenser en arguant de particularités de leurs relations commerciales, en la matière, avec leurs fournisseurs et spécialement du caractère global de la prestation consentie tant en ce qui concerne sa nature que son montant.

Considérant, en effet, que, bien qu'ayant reçu le 13 juillet 1988 la lettre des services compétents leur demandant de se conformer dans ce domaine aux dispositions de l'article 31 de l'ordonnance susvisée, ces responsables, qui n'y ont pas répondu, n'ont formulé par la suite aucune objection aux recommandations qui leur étaient ainsi faites alors pourtant qu'elles étaient assorties de la menace de l'établissement d'un procès-verbal en cas de perpétuation des errements constatés ; que, d'autre part, Monsieur B dit avoir " sensibilisé " ses collaborateurs au contenu de cette correspondance.

Considérant cependant que l'imprimé des factures relatives à ces prestations de coopération commerciale, dont l'insuffisance ne pouvait qu'entraîner la continuation des errements critiqués, n'a été modifié qu'au cours et à cause de la seconde intervention de l'administration compétente, courant mai-juin 1989, soit près d'un an après la réception de la lettre de mise en garde et alors qu'une procédure allait être établie ; qu'il résulte des factures versées aux débats devant les premiers juges que, par la suite, la SA X a utilisé un nouveau formulaire permettant de faire apparaître sur la facture la nature de l'acte de coopération commerciale, la période durant laquelle la promotion avait été consentie, les produits concernés avec mention des quantités et des prix unitaires (exemple : facture n° 1656 du 11 avril 1990 établie à l'intention du fournisseur LU) ; qu'en conséquence les faits visés à la prévention sont bien constitués, de même que ceux ayant trait à l'absence de mention de l'adresse du destinataire;

Considérant que le dernier alinéa de l'article 33 de la même ordonnance dispose que : " Les conditions dans lesquelles un distributeur se fait rémunérer par ses fournisseurs, en contrepartie de services spécifiques, doivent être écrites " ;

Considérant que, si cette disposition ne définit pas la forme de l'écrit exigé, celui-ci ne saurait être constitué par la facture adressée au fournisseur après la réalisation de la prestation; qu'en outre les règles de la facturation sont définies par l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors que celle régissant les accords de coopération commerciale est posée par l'article 33 de cette même ordonnance relatif à l'obligation de vente dont sont exclues les prestations de services dont la spécificité peut, au moyen de l'écrit exigé, être vérifiée;

Considérant donc que ces faits sont également constitués;

II - Sur leur imputabilité :

Considérant que le prévenu : Jean O, président directeur général de la SA X, a, en cette qualité, l'obligation de veiller personnellement à l'application de la législation économique, obligation qui ressortit à ses pouvoirs d'administration générale ; qu'il ne saurait donc s'exonérer de cette responsabilité en invoquant une délégation de pouvoirs donnée à ses chefs de départements ou de rayon; qu'en l'espèce il appartenait donc à Jean O non seulement de transmettre le courrier qu'il avait reçu de l'administration compétente le 13 juillet 1988, mais également de contrôler que les dispositions avaient bien été prises dans son magasin de Saint-Grégoire pour que les errements constatés en matière d'accord et de facturation des prestations de coopération commerciale cessent ;

Considérant que le prévenu : Guy B était chargé de la direction de ce magasin ; qu'il lui incombait, en cette qualité, de mettre en œuvre les prescriptions des services de la DDCCRF.

Considérant que les mesures de " sensibilisation " de ses chefs de départements ou de rayons se sont avérées insuffisantes dans la mesure où, près d'un an plus tard, l'un de ses deux chefs de départements (Monsieur D) n'avait pas eu connaissance de la lettre de ce service tout comme cinq des neufs chefs de rayons ; qu'en outre il n'avait pas modifié les imprimés de facturation de ces services ce qui ne pouvait que conduire à la perpétuation des errements anciens ainsi qu'il a déjà été indiqué ; que ce n'est qu'au moment du contrôle ayant abouti à l'établissement de la présente procédure que Guy B a pris des mesures appropriées, à savoir : la diffusion d'une note de service, datée du 29 mai 1989, sur la facturation des prestations de coopération commerciale qui spécifiait notamment à ses subordonnés que " toute facture non complète et non conforme sera refusée et considérée comme nulle ", note à laquelle était joint le courrier du 11 juillet 1988, ainsi que l'établissement d'un nouveau modèle de facture permettant d'éviter les errements auxquels conduisait immanquablement le maintien du précédent, trop sommaire ;

Considérant donc qu'en ne mettant pas, en temps utile, en œuvre les moyens appropriés, Guy B a également commis une faute justifiant qu'il soit, lui aussi, déclaré coupable des faits visés à la prévention ;

Considérant, en ce qui concerne Thierry G, que si en sa qualité de chef de Département celui-ci était, selon le contrat de travail de cette catégorie de personnel, titulaire d'une délégation de pouvoirs et responsabilité en matière de législation commerciale, il résulte de ce qui précède qu'il n'avait pas l'autorité nécessaire pour prendre les dispositions adéquates, notamment en ce qui concerne la modification de la facturation, dispositions concernant l'ensemble du magasin et non son seul département ; qu'il échet donc, réformant sur ce point la décision des premiers juges, de le renvoyer des fins de la poursuite ;

Considérant qu'il en va de même pour Bertrand D, également chef de département qui, au surplus, n'a jamais été informé du contenu de la note administrative du 11 juillet 1988 ; qu'il sera, lui aussi, renvoyé des fins de la poursuite ;

Considérant, sur l'application de la peine, qu'il convient de confirmer celles prononcées par les premiers juges à l'encontre de Jean O et Guy B, tant pour le délit que pour les contraventions retenues ;

Considérant, sur ce dernier point, qu'aux termes de l'article 5 du Code pénal il n'est fait d'exception au principe du cumul des peines en matière contraventionnelle, outre les dispositions relatives à l'emprisonnement en cas de commission d'une pluralité de contravention de la 5ème classe, que dans la mesure où des délits et contraventions procédant de la même intention coupable sont compris dans la même poursuite ; que n'est pas le cas en l'espèce le délit et les contraventions visées à la prévention différant dans leurs éléments constitutifs ;

Considérant, enfin, qu'il échet, par application de l'article 54 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de condamner solidairement la SA X au paiement des amendes prononcées contre Jean O et Guy B ;

Par ces motifs, Et ceux non contraires des premiers juges ; Statuant publiquement et contradictoirement ; En la forme, Reçoit les appels ; Au fond, Réformant partiellement la décision des premiers juges sur la déclaration de culpabilité ; Renvoie Thierry G et Bertrand D des fins de la poursuite ; Confirme la décision du Tribunal correctionnel de Rennes, du 26 septembre 1990, sur la qualification des faits, la déclaration de culpabilité de Jean O et Guy B, l'application de la peine et la responsabilité civile de la SA X ; Y additant, Condamne cette dernière, solidairement avec Jean O et Guy B, au paiement des amendes prononcées contre eux ; Condamne Jean O et Guy B aux dépens de première instance et d'appel liquidés à la somme de vingt et un mille deux cent dix F quatre vingt quatorze centimes (21.210,94 F) ; En ce compris le droit fixe du présent arrêt, le droit de poste, le montant des amendes prononcées et non compris les frais postérieurs éventuels. Prononce la contrainte par corps. Le tout en application des articles 31 alinéas 2, 3 et 4 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, 33 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 33 alinéa 3 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, R. 25 du Code pénal, 473, 749 et 750 du Code de procédure pénale.