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Décisions

CA Douai, 6e ch. corr., 14 septembre 1995, n° 95-00247

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Administration de la Concurrence et de la répression des Fraudes du département du Nord

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouly de Lesdain

Conseillers :

M. Lambret, Mme Lefebvre

Avoué :

Me Cocheme

Avocats :

Mes Saint-Esteben, Milleville

TGI Lille, ch. corr., du 9 déc. 1994

9 décembre 1994

Par jugement en date du 9 décembre 1994 le Tribunal correctionnel de Lille a condamné Jean-Marie Z directeur général de X à 30 000 F d'amende pour infraction aux dispositions des articles 31 et 54 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et a déclaré la SA X civilement responsable.

Cette décision a été régulièrement frappée d'appel par le prévenu puis le Ministère public.

Le prévenu comparaît devant la cour assisté de son avocat.

La SA X est représentée.

Il est reproché au prévenu d'avoir à Wattignies, courant 1991 et 1992 jusqu'au 1er octobre 1992, en sa qualité de direction général de la SA X, délivré des factures non conformes au Z, lesquelles ne mentionnaient pas la ristourne de 7 % pour 1991 et de 6 % pour 1992, calculée sur la base du chiffre d'affaires net facturé, dont le montant était pourtant acquis et chiffrable lors de la vente pour figurer dans les " accords fournisseurs " 1991 et 1992 ;

Le prévenu dépose des conclusions.

A titre principal, il considère que le jugement déféré doit être annulé en ce que les premiers juges ont statué sur des faits dont ils n'étaient pas saisis. A cet effet, il constate que la citation lui reproche d'avoir délivré des factures non conformes à " Z " alors que l'enquête de la Direction de la concurrence portait des factures délivrées aux sociétés Y de Le Breuil (71) Allonnes (72) et Beauvais (60).

Subsidiairement, il conclut à sa relaxe aux motifs que les rabais, remises qu'on lui reproche de ne pas avoir fait fiGurer sur les factures n'étaient pas de principe acquis mais conditionnel et que leurs montants n'étaient pas chiffrables. Il ajoute enfin qu'aucun élément intentionnel ne peut être caractérisé à sa charge.

Sur la nullité du jugement :

Attendu qu'en application des contrats conclu entre Z et X (le prévenu) en 1991 et 1992, X a délivré à diverses sociétés Y les factures incriminées ;

Que la défense soutient que la prévention visait des factures à Z, que ces factures n'existent pas et que le tribunal a donc excédé l'étendue de sa saisine en considérant que c'était pas une erreur de plume que la citation avait visé des factures à Z au lieu de viser celles, non contestées, aux différentes sociétés Y.

Mais attendu que les magasins Y, sociétés autonomes, sont associées au sein de seize centrales d'achat régionales et réunis à l'échelon national au sein du Z, selon les écritures de la défense ;

Qu'il n'existe dès lors aucun doute que les faits que le ministère public a déféré au tribunal sont les factures délivrées aux magasins Y de Le Breuil, d'Allonnes et de Beauvais, dénoncées au parquet par la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes qui, au cours de son enquête a entendu, les responsables de X.

Que l'exception de nullité sera rejetée.

Sur le fond :

Attendu que l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui réprime les ventes à perte précise que " le prix d'achat effectif est présumé être le prix porté sur la facture d'achat " ;

Que l'article 31 de la même ordonne, clé de voûte de la répression de la vente à perte, dispose, en conséquence de la présomption de l'article 32, que les factures doivent comporter diverses mentions et notamment " les remises, rabais ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente ou de la prestation de service, quelque soit leur date de règlement " ;

Attendu que les remises .... de principe acquis, signifie qu'elles ne sont assujetties à aucune condition ;

Que leur " montant chiffrable " signifie qu'elles sont susceptibles d'évaluation à la date de la vente, n'étant exactement connues, en application des accords commerciaux les plus courants, qu'en fin du terme convenu entre les parties ;

Attendu que selon les énonciations du jugement déféré auxquelles la Cour se réfère quant aux faits exactement décrits, les remises, ristournes et rabais incriminés n'étaient soumis à aucune condition; qu'ils étaient d'ailleurs réglés par lettre chèque mensuelle dès le mois d'avril pour le chiffre d'affaire du mois de janvier et que leur règlement se poursuivait ainsi de mois en mois jusqu'en fin de terme ;

Que les remises n'étaient ainsi liées à aucune condition suspensive; qu'à défaut d'établir qu'elles devaient être restituées en fin de terme dans l'hypothèse ou les objectifs prévus n'étaient pas atteints, les prévenus ne peuvent non plus soutenir qu'elles étaient assujetties à une condition résolutoire;

Que la cour observe en outre que si les ristournes étaient calculées pour partie sur le chiffre d'affaire (comme il vient d'être dit) elles étaient aussi pour partie calculées en rémunération de services rendus par l'acheteur dans un cadre normal et habituel de relations commerciales ;

Qu'ainsi, à aucun point de vue, les remises n'étaient conditionnelles ; qu'elles étaient, au contraire, de principe acquis; que leur assiette et que leur mode de calcul étaient connus et pouvaient en conséquence faire l'objet d'une évaluation sur les factures incriminées;

Attendu, que l'élément moral, que l'ancienneté du texte de prévention, son caractère connu dans le monde commercial permettent d'établir que le prévenu qui était nécessairement assisté d'un service juridique structuré a, en connaissance de cause, commis le délit reproché;

Que le jugement doit donc être confirmé en toutes ses dispositions.

Par ces motifs : Et ceux non contraires des premiers juges qui sont expressément adoptés, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré ; Constate que la décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F (huit cent francs) dont est redevable chaque condamné.