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Décisions

CA Grenoble, ch. des urgences, 7 janvier 1988, n° 2663-87

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Philips électronique domestique (SNC)

Défendeur :

Semavem (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fabre

Conseillers :

M. Farge, Mme Palisse

Avoués :

SCP Perret, Pougnand, SCP Manhes-de Fourcroy

Avocats :

Mes Saint-Esteben, Bremond

T. com. Romans, du 31 août 1987

31 août 1987

Par ordonnance du 31 août 1987, le président du Tribunal de commerce de Romans statuant en référé dans le litige introduit par la SARL Semavem à l'encontre de la SNC Philips électronique domestique a, après s'être déclaré territorialement compétent, rendu la décision suivante :

" Tous droits et moyens des parties réservés sur le fond du litige, Vu les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986, Ordonnons au besoin à la SNC Philips électronique domestique de communiquer par écrit à la SARL Semavem : - les promotions mensuelles qu'elle propose en cours et à venir, - les conditions desdits " accords de coopération " qu'elle propose à l'ensemble de ses clients effectifs ou potentiels ou d'une catégorie de ces clients acheteurs potentiels, quels qu'ils soient et les conditions dans lesquelles sont rémunérés les services spécifiques fournis par une catégorie ou certaines catégories de clients acheteurs en dehors des accords particuliers individuellement négociés et souscrits ; - si un tel escompte est consenti à une certaine catégorie de clients acheteurs les conditions dans lesquelles est consenti par la SNC Philips électronique domestique un escompte de 3,5 % à la livraison, et d'une façon générale les conditions de vente tarifs et barèmes que la SNC Philips électronique domestique ne serait pas en mesure de justifier avoir communiqué à la SARL Semavem. Ce sous astreinte de 2.500 francs par jour de retard à compter du 15e jour suivant la signification de la présente ordonnance. Ordonnons une expertise et commettons pour y procéder M. Marfaing 57 rue de Prague, Granges les Valences, avec mission de : - vérifier et faire connaître si et dans quelle mesure la SNC Philips électronique domestique a exécuté les mesures ordonnées dans la présente ordonnance, - rechercher et dire si la SNC Philips électronique domestique propose des " accords de coopération " à certains clients remplissant certaines conditions (de chiffre d'affaires ou autres) et présentant certaines caractéristiques (compétence, présentation ou autre), - rechercher et dire s'il est consenti un escompte de 3,5 % sur paiement à livraison à une ou plusieurs catégories de clients et dans quelles conditions. Disons que l'expert aura pour remplir sa mission les pouvoirs d'investigation les plus étendus, se fera remettre tous documents et pièces dont il indiquera la source et déposera un rapport détaillé de ses opérations dans les trois mois de sa saisine. Disons qu'en cas de refus, carence ou empêchement de l'expert désigné, il sera procédé à son remplacement sur simple ordonnance de M. le Président rendue à la requête de la partie la plus diligente. Ordonnons à la SARL Semavem, demanderesse, de verser entre les mains de M. le greffier ladite provision en paiement et à concurrence des frais et honoraires. Disons que les dépens resteront avancés par la SARL Semavem jusqu'à ce qu'il en soit disposé à solution du litige au fond soit amiablement soit par jugement de la juridiction compétente ".

La SNC Philips électronique domestique a régulièrement interjeté appel à l'encontre de cette décision dont elle demande la réformation.

Après avoir contesté la compétence territoriale affirmée par le juge des référés, contraire à la clause attributive de juridiction figurant dans les conditions générales de vente, l'appelante, subsidiairement sur la réclamation de la SARL Semavem, conclut au rejet de celle-ci qu'il s'agisse de la communication par écrit des projets de promotion, des accords de coopération conclus avec certains revendeurs ou de la remise de 3,5 % qui n'est plus appliquée par elle.

La SARL Semavem qui ne peut prétendre qu'à la communication des conditions générales de vente, tel qu'il est prévu par l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sera démise de ses prétentions excessives ou injustifiées et condamnée aux dépens.

La SARL Semavem, intimée, sollicite la confirmation de l'ordonnance attaquée et la condamnation de l'appelante aux dépens.

En raison de l'urgence, la SNC Philips électronique domestique a été autorisée par ordonnance du Premier Président de la Cour à user de la procédure d'assignation à jour fixe.

L'affaire, fixée au 5 novembre 1987, a été retenue après remise, à l'audience du 10 décembre 1987.

Sur ce,

I- Attendu que le juge des référés s'est reconnu territorialement compétent en retenant, conformément à l'article 46 du nouveau code de procédure civile, que le trouble commercial allégué par la SARL Semavem avait été subi dans le ressort de sa juridiction.

Attendu que la SNC Philips électronique domestique fait valoir que ses conditions générales de vente, communiquées à la SARL Semavem et nécessairement acceptées par celle-ci dans le cours des opérations commerciales liées entre les deux parties, comportent une clause attribuant juridiction en cas de contestation au Tribunal de commerce de Nanterre ; qu'elle conclut à la réformation de ce chef de la décision attaquée.

Mais attendu que le trouble commercial dont se plaint la SARL Semavem ne trouve pas son origine dans l'exécution d'un contrat mais dans les pratiques restrictives reprochées à la SNC Philips électronique domestique et dans l'inobservation par celle-ci des dispositions de l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il suit de là que le premier juge, compétent en la matière sur le fondement des articles 872 et 873 du nouveau code de procédure civile, l'était aussi territorialement dès lors que le trouble prétendu par la partie demanderesse était subi dans le ressort du Tribunal de commerce de Romans.

II- Attendu que l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, placé dans le titre IV intitulé de la transparence et des pratiques restrictives, énonce : " Tout producteur (...) est tenu de communiquer à tout revendeur qui en fait la demande son barème de prix et ses conditions de vente. Celles-ci comprennent les conditions de règlement et le cas échéant les rabais et les ristournes.

Cette communication se fait par tout moyen conforme aux usages de la profession.

Les conditions dans lesquelles un distributeur se fait rémunérer par ses fournisseurs en contrepartie de services spécifiques doivent être écrites ".

Attendu que le présent litige, dans le climat conflictuel qui oppose les parties depuis plusieurs mois, est né de la demande de la SARL Semavem, résultant des messages Télex des 28 avril, 2 et 29 mai et 3 juin 1987, tendant à obtenir au-delà de la communication des conditions générales de vente, celle des promotions en cours et à venir, celle des conditions des accords particuliers accordant des remises de 4 à 8 % à certains distributeurs, et celle des conditions permettant l'octroi exceptionnel d'un escompte de 3,5 %.

A- Attendu sur les promotions en cours ou à venir que la SNC Philips électronique domestique soutient qu'il n'est pas d'usage dans la profession de communiquer par écrit les conditions promotionnelles susceptibles d'être révisées à tout moment en fonction des impératifs commerciaux ; qu'elle se propose de faire cette communication à la SARL Semavem lors de visites effectuées par ses représentants, la communication pouvant se faire au mieux sous la forme manuscrite.

Attendu sur ce point que la SARL Semavem produit l'avis exprimé le 26 mai 1987 par le Conseil de la concurrence lequel estime que doivent figurer sur les tarifs et conditions générales de vente les montants des rabais ou des ristournes proposés au titre des actions promotionnelles de longue durée ; qu'elle verse aux débats les circulaires officialisées à l'en tête des firmes Hitachi, Grundig et Thomson portant divulgation des conditions particulières et des primes consenties pour des opérations de promotion en 1987 ; que la SNC Philips électronique domestique et sa filiale Radiola ont communiqué elles-mêmes en diverses occasions à la SARL Semavem, soit sous forme manuscrite soit sous forme de circulaires portant leur en-tête le détail des opérations de promotion en 1985, 1986 et 1987; qu'ainsi il existe bien un usage professionnel courant, suivi même par l'appelante, pour assurer aux distributeurs, dans un souci de transparence renforcé depuis l'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la connaissance des rabais et ristournes accordés à titre occasionnel ; que l'ordonnance ne peut être que confirmée de ce chef.

B- Attendu que la SARL Semavem produit 4 accords de coopération passés en 1986 par la SNC Philips électronique domestique avec des revendeurs Cibot Radio et Illel dans les secteurs de distribution des produits " Audio " et " TV Vidéo " ; qu'elle en tire comme conséquence qu'elle est en droit de connaître les conditions de passation de semblables accords qui accordent aux distributeurs des remises sur factures et des " primes annuelles complémentaires " allant de 4 à 8 % ; que cette prétention est contestée par la SNC Philips électronique domestique qui considère que ces traités particuliers passés avec quelques revendeurs échappent aux conditions générales de vente et rémunèrent des services spécifiques assurés par les détaillants qui bénéficient dès lors de remises exceptionnelles.

Mais attendu que l'examen, même sommaire, du contenu de ces accords démontre qu'aucun " service spécifique " allant au-delà des simples obligations résultant des achats et des ventes n'est stipulé à la charge des revendeurs ; que ces derniers s'engagent seulement à atteindre, sur un an, un chiffre d'affaires déterminé, à maintenir en exposition l'échantillonnage complet de la gamme des produits et " à collaborer à l'établissement de la politique de marketing de la SNC Philips électronique domestique " ; que ces objectifs généraux ne peuvent pas être considérés comme des obligations particulières, exorbitantes des obligations contractuelles habituelles, et susceptibles de recevoir de la part du fournisseur une rémunération spéciale; qu'en conséquence, la SNC Philips électronique domestique, qui est tenue de par la loi de faire connaître à ses revendeurs les rabais et les ristournes qu'elle consent, se doit également de révéler les conditions qu'elle exige de ses revendeurs pour leur faire bénéficier " d'accords dits de coopération " semblables à ceux versés aux débats et qui sont couramment diffusés par ses concurrents tels Thomson, Bang Olufsen, Hitachi ainsi qu'il en est justifié.

C- Sur l'escompte de 3,5 %

Attendu que cet escompte de 3,5 % apparaît dans les factures adressées par la SNC Philips électronique domestique à la Sté Darty les 23 octobre et 23 décembre 1985 ; que la SNC Philips électronique domestique affirme qu'actuellement cet escompte n'est plus accordé par elle, seul un escompte de 2% étant consenti pour paiement comptant ; que les parties étant contraires en fait, il appartiendra à l'expert dont la mission est pour une part fondée sur les dispositions de l'article 145 du nouveau code de procédure civile de rechercher si actuellement un escompte exceptionnel supérieur à celui couramment accordé par la SNC Philips électronique domestique est consenti par elle à certains de ses revendeurs tels que la société Darty.

Attendu que l'ordonnance attaquée sera en conséquence confirmée sauf la modification qui sera faite du libellé du dispositif portant condamnation principale.

Attendu que la SNC Philips électronique domestique succombant en son appel en supportera les dépens.

Par ces motifs, LA COUR : Statuant par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Dit recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la SNC Philips électronique domestique à l'encontre de l'ordonnance rendue le 31 août 1987 par le président du Tribunal de commerce de Romans statuant en référé. Confirme la décision attaquée sur la compétence, sur le prononcé d'une astreinte, sur l'institution d'une mesure d'expertise et sur les dépens de première instance. L'infirme seulement sur le contenu de la condamnation principale. Ordonne à la SNC Philips électronique domestique, en application de l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de communiquer en plus de ses conditions générales de vente et de son tarif les conditions des rabais et ristournes consentis à ses revendeurs à titre occasionnel ou habituel à l'exclusion de ceux constituant la rétribution de services spécifiques assurés par les distributeurs et stipulés par écrit conformément au texte visé. Met les dépens d'appel à la charge de la SNC Philips électronique domestique avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Manhes-de Fourcroy, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.