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Décisions

CA Rennes, 3e ch. corr., 18 janvier 1996, n° 95-00242

RENNES

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Segondat

Conseillers :

Mme Algier, M. Le Corre

Avocat :

Me Penard

TGI Nantes, ch. corr., du 30 nov. 1994

30 novembre 1994

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le Tribunal de Nantes, par jugement contradictoire en date du 30 novembre 1994, pour facturation non conforme - vente de produits, prestation de service pour activité professionnelle,

A relaxé A Jean-Louis,

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. le Procureur de la République, le 1er décembre 1994 contre M. A Jean-Louis,

La prévention :

Considérant qu'il est fait grief au prévenu d'avoir à Châteaubriant, courant 1991 et jusqu'en juin 1992, effectué, pour une activité professionnelle, un ou des achats de produits, ou une ou des ventes de produits, ou une ou des prestations de service sans facture conforme ;

Faits prévus par l'article 31 al. 2 et 3 Ordonnance 86-1243 du 01-12-1986 et réprimés par l'article 31 al. 4 Ordonnance 86-1243 du 01-12-1986.

En la forme :

Considérant que l'appel du Ministère public est régulier et recevable en la forme ;

Au fond :

Considérant que la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a effectué le 3 juin 1992 auprès de la centrale d'achats de la SA X à Villeneuve d'Ascq un contrôle portant sur une opération publicitaire réalisée fin octobre et début novembre 1991 pour la vente de caissettes de 12 steaks hachés frais 15 % de matière grasse ;

Considérant que les produits commercialisés avaient été livrés pour partie par la SNC B dont le prévenu est le représentant légal ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que le 15 janvier 1991 un contrat de coopération commerciale avait été signé entre les sociétés X et B ; qu'aux termes du contrat, la négociation s'opère sur la base de carcasses entières et la valorisation industrielle des avants et des arrières s'établit de gré à gré ; que des conditions particulières ont été prévues pour le steak haché à savoir :

" - le prix de facturation magasin du steak haché souhaité est indiqué par la centrale en fonction des données du marché,

- le prix de revient fournisseur sera établi selon les formules qui ont été négociées,

- la différence entre le prix de facturation magasin et le prix de revient fournisseur constituera une provision pour opérations promotionnelles qui sera versée si, et dans la mesure où, le seuil de 10 tonnes est atteint chaque mois ;

Considérant que pour l'année 1991, le prix de vente a été établi selon accord entre les deux sociétés selon la formule suivante :

Prix des avants (0,695) - valeur reprise (0,20) + coûts fixes (5,94) x marge (1,02) + transport (1,00)

Considérant que la facturation fait apparaître un prix généralement plus élevé que le prix de vente calculé comme ci-dessus soit 36 F pour 1 kg 2 ; que le tonnage moyen réalisé a été de 25 tonnes par mois ;

Considérant que l'opération promotionnelle de octobre et novembre 1991 révèle un prix facturé de 30,60 F pour 1,2 kg ; que pour ce faire les responsables de la société X ont utilisé une partie de la provision constituée selon les bases du contrat de coopération ;

Considérant que la DGCCRF a dressé procès-verbal pour facturation non conforme au motif que les prix de facturation étaient artificiels car ne correspondant à aucun moment au contrat de coopération (prix de revient fournisseur) ;

Considérant que M. Jean-Louis A fait plaider sa relaxe ; qu'il fait valoir que le prix unitaire figurant sur les factures est celui convenu entre les parties et effectivement réglé ; que les rabais, remises et ristournes ne doivent figurer sur les factures que lorsque leur principe est acquis et leur montant chiffrable ; qu'en l'espèce la ristourne était soumise à une condition de masse et à l'évolution des cours de la viande ;

Considérant que selon les dispositions de l'article 31 de l'ordonnance du 01-12-1986 la facture doit mentionner le prix unitaire hors TVA des produits vendus ainsi que tout rabais, remise ou ristourne dont le principe est acquis et le montant chiffrable ;

Considérant que le prix de vente a été, sauf quelques rares exceptions, invariable de 36 F pour 1,2 kg de janvier à fin octobre 1991; que ce prix ne prend pas en compte les éléments de détermination conclus entre les parties ;

Considérant que le contrat conclu entre la SA X et la société B énonce clairement que le prix de facturation est fixé unilatéralement par la société X sans aucun autre critère que celui du " souhait " de ladite société ; qu' un mode de calcul du prix de revient pour le fournisseur est établi au contraire en tenant compte du cours de la viande ; que le système de provision allouée à la SA X basée sur la différence entre le prix payé par l'acheteur et le prix de revient du vendeur suffit à démontrer que le prix de revient est le prix réel et qu'en réglant un prix plus élevé pendant plusieurs mois la SA X pouvait bénéficier d'une sorte de cagnotte lui permettant de bénéficier pour des opérations promotionnelles d'un prix d'achat très bas sans pour autant encourir le grief de revente à perte ,

Considérant que la condition de quantité minimale vendue n'a pas en l'espèce de caractère aléatoire dans la mesure où le minimum fixé (10 tonnes) et très nettement inférieur au tonnage moyen réalisé (25 tonnes) ; que par ailleurs le montant des rabais était d'avance connu puisqu'il dépendait de la seule volonté de la SA X qui fixait elle-même le prix de facturation en déterminant l'ampleur, et choisissant d'utiliser partiellement ou complètement la provision constituée en fonction de ses besoins ; que la société B a accepté ce type de facturation en connaissance de cause ;

Considérant que l'infraction visée à la prévention se trouve ainsi constituée ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement, déclarer M. A coupable de ces faits et de prononcer à son encontre une peine d'amende ;

Considérant qu'il y a lieu également d'ordonner la publication de la présente décision dans les journaux Ouest France et Presse Océan aux frais du prévenu ;

Par ces motifs, LA COUR, après avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de A Jean-Louis, En la forme, Reçoit l'appel du Ministère public, Au fond, Infirmant le jugement, Déclare Jean-Louis A coupable des faits visés à la prévention, Le condamne à la peine de vingt mille francs d'amende (20 000 F) ; Ordonne la publication du présent arrêt par extraits dans les journaux Ouest-France et Presse-Océan (éditions de Châteaubriant) aux frais de M. A, le coût maximal de chaque insertion étant fixé à deux mille francs (2 000 F) la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné, Prononce la contrainte par corps, Le tout par application des articles susvisés, 800-1, 749 et 750 du code de procédure pénale.