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Décisions

CA Grenoble, ch. des urgences, 4 février 1988, n° 1209-87

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Panasonic France (SA)

Défendeur :

Semavem (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fabre (faisant fonction)

Conseillers :

M. Farge, Mme Palisse

Avoués :

SCP Perret & Pougnand, SCP Manhes de Fourcroy

Avocats :

Mes Jaudel, Bremond

T. com. Romans, prés., du 16 mars 1987

16 mars 1987

Par ordonnance du 16 mars 1987, le Président du Tribunal de commerce de Romans statuant en référé dans le litige opposant la SARL Semavem à la SA Panasonic France a rendu la décision suivante :

" Ordonnons à la SA Panasonic France de faire tenir à la SARL Semavem de préférence par l'intermédiaire d'un tiers : huissier ou autre, tous les tarifs, les catalogues et documentations techniques, conditions de règlement et promotions ponctuelles en cours, évolutions de la gamme, modalités des bonus et minorations pour programmation intéressant l'ensemble de ses clients, relatifs aux divers produits qu'elle fournit et propose à la vente.

Notamment : les modalités et taux de remises pour les différents paliers et plafonds de chiffre d'affaires au-dessus de 600 000 F pour les produits " Panasonic Audio ".

Les barèmes suivants les différents seuils, paliers et plafonds de chiffre d'affaires sur les produits " Technics Hi-Fi ".

Les conditions prévues au-delà de la catégorie E sur les produits " Panasonic Télévision Vidéo ",

Et ce pour tous les documents les derniers en date,

Et ce sous astreinte de 1 500 F par jour de retard à compter du 15e jour suivant la signification de la présente ordonnance.

Réservons les dépens qui resteront avancés par la demanderesse jusqu'à ce qu'il en soit disposé par voie amiable ou par la juridiction compétente au fond ".

La SA Panasonic France a régulièrement interjeté appel à l'encontre de cette décision dont elle demande la réformation.

Elle fait valoir qu'un important contentieux l'oppose depuis plusieurs années à Jean Chapelle, animateur principal des entreprises et sociétés du " Groupe Chapelle ", dont font partie les sociétés Seda et Semavem.

Le 4 juin 1986, la SA Panasonic France a fait connaître par exploit d'huissier à Jean Chapelle et aux associés Seda et Semavem qu'elle n'entendait plus satisfaire leurs commandes aussi longtemps que les sommes impayées afférentes à des fournitures de marchandises n'auraient pas été réglées.

Le 6 janvier 1987, la SARL Semavem faisait délivrer sommation à la SA Panasonic France à lui communiquer son barème de prix et ses conditions de vente et versait un modeste acompte à valoir sur les sommes arriérées.

Cette demande était satisfaite le 3 février 1987.

Malgré cela, la SARL Semavem poursuivait en référé la procédure qu'elle avait introduite dès le 27 janvier 1987 et obtenait le 16 mars 1987 la décision présentement attaquée.

Or, le premier juge qui était manifestement incompétent pour statuer en raison de l'important contentieux qui oppose les parties s'est déterminé en considérant qu'il appartenait à la SA Panasonic France " de démontrer qu'elle avait bien satisfait aux obligations de cet article 33 (de l'ordonnance du 1er décembre 1986) qui sont indéniables... " et en consacrant ainsi un renversement inacceptable de la charge de la preuve.

Par ailleurs, le prétendu trouble subi par la SARL Semavem - qui justifiait en apparence la saisine du juge commercial des référés - était en réalité inexistant puisque dès le 7 février 1987, avant même le prononcé de l'ordonnance entreprise, la SARL Semavem passait une commande de produits auprès de la SA Panasonic France.

Ainsi, l'ordonnance de référé rendue dans les conditions ci-dessus précisées ne pourra qu'être infirmée.

La SA Panasonic France qui est en butte aux multiples procédures introduites à son encontre par la SARL Semavem - ainsi que le démontrent les deux autres affaires connexes retenues par la Cour à la même audience du 21 janvier 1988 - est en droit d'obtenir la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en sus des dépens.

La SARL Semavem - intimée - conclut à la confirmation de l'ordonnance attaquée et à la condamnation de l'appelante à lui payer en sus des dépens la somme de 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Sur ce,

Attendu que l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 impose à tout producteur, grossiste ou importateur, à peine de sanctions contraventionnelles, de communiquer à tout revendeur qui en fait la demande son barème de prix et ses conditions de vente lesquelles comprennent les conditions de règlement et le cas échéant les rabais et ristournes.

Que la demande de la SARL Semavem, distributeur, résulte de la sommation par exploit d'huissier du 6 janvier 1987 laquelle était accompagnée du paiement de la somme de 1 093,57 F représentant l'arriéré dû par la société.

Que le 27 janvier 1987, n'ayant pas obtenu de réponse de la SA Panasonic France, la SARL Semavem saisissait de la difficulté le juge commercial des référés.

Que le 3 février 1987, la SA Panasonic France, par exploit d'huissier intitulé " protestation à sommation ", communiquait à la SARL Semavem ses conditions générales de vente TV Vidéo octobre 1986 - mars 1987, et son tarif de base, les conditions de vente Hi-Fi et les tarifs 01, 02, 03, 04 selon les engagements des revendeurs et leur capacité de commercialisation, ses conditions générales de vente Audio et son tarif de base.

Que le 16 mars 1987, après avoir retenu le caractère apparemment incomplet de cette communication notamment quant aux catalogues, le premier juge enjoignait sous astreinte à la SA Panasonic France de produire les documents complémentaires intéressant les produits Panasonic Audio, Technics Hi-Fi et Panasonic Télévision Vidéo.

Attendu qu'en raison même de l'âpre différend qui oppose depuis longtemps les parties, le juge des référés était compétent pour prendre les mesures propres à y remédier ainsi que l'article 873 du nouveau code de procédure civile lui en donnait le pouvoir.

Que dans sa décision, il s'est borné à contraindre la SA Panasonic France à exécuter l'obligation que la loi impose aux fournisseurs sous les sanctions pénales édictées par l'article 33 du décret du 29 décembre 1986.

Attendu que les réclamations qui ont été élevées devant le premier juge par la SARL Semavem sur l'insuffisance de la communication qui lui avait été faite par la SA Panasonic France, le 3 février 1987 n'ont pas été sérieusement discutées par cette dernière et ne le sont pas devant la Cour.

Qu'en particulier, en plus du défaut de transmission pour l'ensemble des produits des catalogues et des documentations techniques et d'informations précises sur les conditions de paiement et les avantages tarifaires consentis au cas de promotions ou de programmation de commandes, il était relevé que l'absence de précisions sur les conditions de conclusion des accords particuliers à tarif préférentiel pour les produits Panasonic Audio, Technics Hi-Fi et Panasonic Télévision Vidéo au-delà d'un montant plafond de ventes.

Attendu que la communication des documents commerciaux exigés par l'article 33 susvisé a essentiellement pour but de permettre au distributeur de s'assurer qu'il n'est pas soumis par le fournisseur à des pratiques discriminatoires.

Que s'il est loisible à un fournisseur de refuser la vente de ses produits sous les conditions posées par l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, aucune disposition législative ou réglementaire ne l'autorise à se dérober à la transmission des documents visés par l'article 33 du même texte en ce afin d'assurer la transparence de la concurrence entre les revendeurs et d'éliminer les comportements restrictifs.

Attendu qu'au cas particulier, la SARL Semavem précise qu'après une deuxième communication selon exploit du 28 avril 1987, la SA Panasonic France n'a finalement transmis l'ensemble de sa documentation commerciale et la gamme complète de ses tarifs et produits que le 30 septembre 1987.

Attendu enfin que par une décision postérieure du 31 août 1987, également déférée à la Cour, le premier juge a commis un expert afin que soient précisées les conditions dans lesquelles la SA Panasonic France a exécuté la présente ordonnance du 16 mars 1987 qui n'a fait que rappeler, ainsi qu'il a été dit, l'obligation légale en la matière.

Que l'exécution de cette mesure d'instruction permettra d'apprécier l'étendue du préjudice commercial de la SARL Semavem, préjudice incontestable dans son principal puisqu'il trouve son origine dans la violation par le fournisseur d'une obligation légale.

Que l'ordonnance du 16 mars 1987 inutilement critiquée devant la Cour sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

Attendu que la SA Panasonic France succombant en cause d'appel en supportera les dépens et paiera en outre à la SARL Semavem contrainte d'exposer devant la Cour des frais supplémentaires et pour une part irrépétibles la somme de 1 500 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi. Dit recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la SA Panasonic France à l'encontre de l'ordonnance rendue le 16 mars 1987 par le Président du Tribunal de commerce de Romans. Confirme la décision attaquée. Met les dépens d'appel à la charge de la SA Panasonic France avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Manhes de Fourcroy, avoués conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile ainsi que le paiement au profit de la SARL Semavem de la somme de 1 500 F par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.