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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 19 novembre 1998, n° 95-4375

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ministre de l'Economie

Défendeur :

Pompes Funèbres du Sud-Est (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roudil

Conseillers :

Mme Charpentier, M. Djiknavorian

Avoué :

SCP Blanc Amsellem Mimran

Avocat :

Me Duminy

TGI Grasse, du 24 janv. 1995

24 janvier 1995

Faits et procédure

Le 26 octobre 1992, le Ministre chargé de l'économie et des finances agissant par le Directeur Départemental de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes, a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Grasse la SA Pompes Funèbres du Sud-Est, soutenant que cette société subordonnait la location des salles d'exposition et de cérémonie de l'Athénée à Cannes, dont elle est le gestionnaire, à l'exécution du transport des corps auxdites salles par ses propres porteurs, pratique contraire aux dispositions de l'article 36 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, et demandant qu'il soit fait de défense à la SA Pompes Funèbres du Sud-Est de poursuivre cette pratique afin de rétablir des relations concurrentielles normales.

Le Directeur départemental de la concurrence a introduit cette action et conclu sans ministère d'avocat.

Par jugement du 24 janvier 1995, le Tribunal de Grande Instance a rejeté la demande.

Par acte du 2 mars 1995, appel de cette décision a été interjeté.

Cet appel a été formé au Greffe de la Cour par une déclaration du délégataire du Directeur de la concurrence, et sans recours au ministère d'un avoué.

Le Directeur de la concurrence a conclu à la réformation de la décision entreprise, et a repris les moyens et demandes déjà débattues devant les premiers Juges.

La SA Pompes Funèbres du Sud-Est a conclu à l'irrecevabilité de l'appel faute de constitution d'avoué et, subsidiairement, à la confirmation du jugement entrepris, avec condamnation de l'appelant à leur payer une somme de 20.000,00 F pour frais irrépétibles.

En réponse à ces conclusions, le Directeur départemental a conclu que les dispositions de l'article 56 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 le dispensaient de la constitution d'avoué prévu par l'article 899 du Nouveau Code de Procédure Civile.

A l'appel des causes à l'audience du 14 octobre 1998, et avant l'ouverture des débats, la Cour a, par son Président, demandé aux parties de s'expliquer sur la régularité de l'appel au regard des dispositions de l'article 932 du Nouveau Code de Procédure Civile, pour le cas où il serait considéré que la matière relève d'une procédure sans représentation obligatoire.

Les parties ont débattu de ce point avant la discussion au fond; le représentant de l'Administration soutenant avoir satisfait aux exigences de l'article 902 du Nouveau Code de Procédure Civile, et le représentant de la SA Pompes Funèbres du Sud-Est concluant, sur ce point, à titre subsidiaire, à l'irrégularité de l'appel.

Motifs de la décision

L'article 56 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence dispose que, pour l'application de ce texte, le Ministre de l'économie et des finances, ou son représentant légal, peut, devant les juridictions civiles ou pénales, déposer des conclusions et les développer oralement à l'audience.

Cette prérogative s'explique par le pouvoir de Police juridique reconnu au Ministre pour une exacte et uniforme application des dispositions de cette ordonnance.

Sa finalité exclut que son exercice, par voie d'action ou par voie d'intervention comme partie jointe, soit subordonné aux règles processuelles liées au mandat de représentation en justice tel qu'il est réglementé dans l'intérêt privé des parties.

Il s'ensuit que le Ministre chargé de l'économie est dispensé du ministère d'avocat devant le Tribunal de Grande Instance et de celui d'avoué devant la Cour d'appel.

Les dispositions de l'article 56 de cette ordonnance n'instituent cependant pas une forme de procédure particulière.

Les règles de procédure applicables devant la Cour d'appel étant distribuées par le Nouveau Code de Procédure Civile, selon que la matière comporte une représentation obligatoire des parties ou, au contraire, que cette dernière ne l'est pas, il en résulte que la présente instance se trouve nécessairement régie par les règles de la procédure sans représentation obligatoire, soit les articles 931 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile.

Or, l'article 931 dispose que dans ce type de procédure, l'appel est formé par une déclaration que la partie, ou tout mandataire, fait, ou adresse par pli recommandé, au secrétariat de la juridiction qui a rendu le jugement, ce qui n'a pas été le cas dans le présent dossier, la déclaration d'appel ayant été faite au Greffe de la Cour.

Cette déclaration, dépourvue de toute efficacité en raison de son irrégularité, doit être déclarée inopérante.

L'appel sera donc déclaré irrecevable.

Les dépens d'appel seront laissés à la charge du Ministère chargé de l'économie et des finances.

L'équité conduit enfin à écarter, en l'espèce, l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare irrecevable l'appel, Rejette les autres demandes des parties, Dit que les dépens d'appel seront supportés par le Ministre chargé de l'économie et des finances.