Livv
Décisions

Cass. com., 27 juin 1995, n° 94-15.257

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Ministre de l'Économie et des Finances

Défendeur :

Inter marchandises France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bezard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

Me Ricard, SCP Delaporte, Briard

Cass. com. n° 94-15.257

27 juin 1995

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses deux branches ; - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 1994) que la société Inter Marchandises France (ITM France), qui distribue des produits au moyen d'un réseau de 1 500 hypermarchés à l'enseigne Intermarché, a publié jusqu'au mois de mars 1991 un catalogue bimensuel édité à 8 millions d'exemplaires comportant une liste de prix de 2 000 articles vendus par ses soins et des publicités rédactionnelles destinées aux consommateurs ; que la diffusion de ce catalogue a procuré à la société ITM France d'importants avantages financiers accordés par les fournisseurs sous forme de ristournes exprimées en pourcentage des chiffres d'affaires réalisés dans le cadre de la coopération commerciale ; que le ministre de l'Économie, des Finances et du Budget (le ministre) ayant constaté que postérieurement au mois de mars 1991, la société ITM France avait continué à percevoir de sept fournisseurs les mêmes avantages financiers que précédemment et, en ayant déduit que ces sommes ainsi perçues, en l'absence de contreparties réelles au sens de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, impliquaient l'existence de discriminations ayant des effets indéniables sur ses concurrents l'a assignée devant le tribunal de grande instance pour qu'elle restitue aux intéressés les sommes indûment perçues et qu'elle mette fin à ces agissements ;

Attendu que le ministre fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté le contredit qu'il avait formé à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance qui s'était déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en agissant sur le fondement de l'article 36 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 aux fins d'engager la responsabilité de l'auteur de pratiques restrictives et de l'obliger à réparer le préjudice causé par ces pratiques, il est autorisé par la loi à intervenir dans des rapports contractuels privés éventuellement de nature commerciale ; que s'il n'en résulte pas qu'il devienne partie à ces rapports, le bénéfice de l'option de compétence lui est néanmoins cédé comme il le serait au profit de toute partie non commerçante qu'en lui refusant dès lors le bénéfice de l'option de juridiction, la cour d'appel a violé l'article 36 de l'ordonnance précitée, ensemble l'article 631 du Code de commerce ; et alors, d'autre part, que le tribunal de grande instance a une plénitude de juridiction ; que l'action exercée par lui sur le fondement de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui a pour objet la sauvegarde de l'ordre public économique et tend à faire cesser des pratiques restrictives illicites, dépasse les seuls intérêts privés de la partie lésée ; qu'en déclarant le tribunal de commerce seul compétent, la cour de Paris a violé les articles R. 311-1 du Code de l'organisation judiciaire, 631 du Code de commerce et 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que si l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 laisse la possibilité au ministre d'introduire une instance devant la juridiction civile ou commerciale pour faire constater l'illicéité de pratiques restrictives de concurrence commises par un opérateur économique à l'égard d'un autre, le ministre ne saurait, en se fondant sur le but poursuivi par ce texte, saisir la juridiction de son choix; que la cour d'appel ayant constaté que l'objet du litige concernait des rapports contractuels entre sociétés commerciales, a énoncé à bon droit que l'action du ministre, ne lui conférait pas pour autant la qualité de partie à ces contrats litigieux en lui permettant d'agir devant le tribunal de grande instance; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi.