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Décisions

CA Angers, 1re ch. A, 19 septembre 1994, n° 09201607

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sidoli (SA)

Défendeur :

Zolux France (GIE), Girard et Compagnie (SA), Ministre de l'Économie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panatard

Avoués :

Me Vicart, SCP Chatteleleyn, George

Avocats :

Mes Calandre, Bonamy

T. com. Angers, du 27 mai 1992

27 mai 1992

La SARL Sidoli Diffusion, spécialiste de la vente en gros de produits et accessoires pour l'oisellerie et l'aquariophilie, a été exclue du GIE Zolux par une décision du 3 janvier 1991 qui a donné lieu à une instance précédente terminée par un arrêt du 16 mai 1994.

Elle a assigné le 30 septembre 1991 la société Girard et Cie, membre du GIE, et le GIE lui-même. Elle exposait que s'étant trouvée en difficultés du fait de l'exclusion pour son approvisionnement en marchandises, elle avait passé commande de certains articles à la société Girard le 3 juillet 1991 ; que cette société avait répondu le 12 juillet 1991 qu' il ne lui était pas possible de faire face à sa demande en raison "des impayés à Zolux" ; qu'il s'agissait d'un prétexte car elle ne devait rien à Zolux et que cette attitude constituait un refus de vente prévu par l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986. Elle réclamait la condamnation de la SA Girard à livrer les marchandises commandées, sous astreinte, et la condamnation des sociétés Girard et Sidoli à lui verser 10 000 F pour le préjudice causé par le refus de vente.

Par jugement du 27 mai 1992 le tribunal de commerce d'Angers a débouté la société Sidoli de ses demandes et l'a condamnée à payer 1500 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Il a déclaré que Sidoli devait à Zolux un montant de 221 766, 74 F, qu'en tant que membre du GIE la société Girard était responsable des dettes de celui-ci et que le refus n'était pas injustifié ; que l'application de l'article 36 de l'ordonnance de 1986 suppose que la demande ait un caractère normal et soit faite de bonne foi, ce qui n'est pas le cas.

La société Sidoli (SA Sidoli venant aux droits de la SARL Sidoli Diffusion) fait appel et reprend en appel sa demande en 10 000 F de dommages intérêts.

Elle déclare qu'elle a fait une commande de bonne foi à une société avec laquelle elle entretenait depuis de nombreuses années de bonnes relations commerciales ; que privée brusquement des conditions avantageuses assurées aux membres du GIE, elle n'a eu d'autre possibilité que de recontacter ses fournisseurs habituels pour s 'approvisionner.

Le Ministère de 1'Economie et des Finances, Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, intervient dans la procédure d'appel pour demander à la Cour de dire que les dispositions de l'article 4 du règlement intérieur du GIE Zolux sont illicites comme contraires aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de les déclarer nulles en application de l'article 9 de la même ordonnance. Il demande 10 000F au titre de l'article 700 du NCPC.

Cet article 4 dispose que à chaque adhérent du GIE est reconnu un secteur géographique, l'adhérent s'engageant à ne jamais livrer les détaillants de tous les produits Zolux dans le secteur d'un autre adhérent et à servir uniquement, sans effectuer de livraison, le client qui s'adresserait à lui, sans remise ni crédit.

La société Girard et le GIE Zolux concluent à l'irrecevabilité de l'intervention du Ministre comme étant sans rapport et sans incidence sur l'objet du litige. Ils concluent à la confirmation du débouté des demandes de la société Sidoli et demandent 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Ils estiment que la commande passée pour un montant d'environ 600 F auprès de la société Girard avait un caractère anormal et provocateur d'autant plus qu'elle concernait des produits dont Sidoli ne pouvait ignorer qu'ils n'étaient pas disponibles, trois étant indisponibles de façon permanente : la société Sidoli a délibérément commandé en "marque neutre", c'est à dire sans marque des produits qui ne sont distribués par Zolux qu'en marque Zolux.

La société Sidoli conteste ces dernières allégations et fait observer qu'en réalité sa commande était de 3600 F, et que si la société Girard avait été de bonne foi, elle aurait demandé le payement au moment de la livraison ou avant ; que son attitude démontre son intention de nuire.

Elle allègue que l'intervention du ministère est intéressante car elle démontre la volonté du GIE d'exclure toute concurrence.

Après l'ordonnance de clôture les sociétés Zolux et Girard ont pris de nouvelles conclusions qui sont irrecevables. Aucune cause grave de révocation postérieure à la clôture n'a été justifiée.

Sur ce, LA COUR,

1) Sur la demande de la société Sidoli.

Tout d'abord il n'est pas exact comme l'affirme la société Sidoli que c'est pour la première fois dans ses conclusions d'appel que le GIE Zolux fait état de l'indisponibilité de certains produits.

Ses conclusions sur ce point sont au contraire la reproduction intégrale de celles qu'il avait prises en première instance, et il avait déjà expliqué que cette indisponibilité résultait de ce que les produits en question ne pouvaient être vendus par ses adhérents que sous emballage Zolux et non en produits "neutres" comme demandé.

Les intimés produisent des photographies montrant les emballages dans lesquels sont vendus ces trois produits, portant de manière très apparente la marque Zolux, et aucune contestation pertinente n'est formulée.

Au surplus la société Sidoli ne peut contester de bonne foi qu'elle devait une somme importante au GIE.

En effet par jugement du 27 mai 1992 le tribunal de commerce d'Angers l'a condamnée à payer une somme de 221 766,74 F au titre de factures. Et l'arrêt du 16 mai 1994 a confirmé le jugement après avoir constaté qu'elle ne remettait pas en cause cette condamnation.

En tant que membre du GIE ayant avec lui une communauté d'intérêts, solidaire dans le passif comme dans l'actif, la société Girard avait un motif légitime de refuser la commande d'un ancien membre aussi largement endetté.

Une commande faite dans de telles conditions, portant d'ailleurs sur des produits que Sidoli pouvait aussi bien, ou mieux, se procurer ailleurs, ne peut être considérée comme formée de bonne foi au sens de l'ordonnance du 1er décembre 1986, d'autant plus que cette commande a eu lieu peu de temps après l'assignation formée par Sidoli contre Zolux aux fins de dommages intérêts et avait manifestement comme objectif de tester sa réaction et de la mettre en tort.

Le jugement sera donc confirmé.

Il y a lieu d'allouer aux sociétés défenderesses le remboursement de leurs frais irrépétibles dans les conditions prévues au dispositif.

2) Sur l'intervention du Ministre de l'Economie et des Finances

Il ne s'agit pas d'une intervention faite à titre accessoire puisque le Ministre ne soutient les conclusions d'aucune des deux parties.

Il s'agit d'une intervention à titre principal, l'intervenant présentant une demande distincte.

Selon l'article 325 du NCPC l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

L'article 56 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui permet au ministre ou à son représentant de déposer des conclusions devant la juridiction civile ne comporte aucune dérogation expresse à ces règles générales de procédure.

Or il est constant que le litige entre Sidoli et Zolux relatif à un refus de vente d'un membre du GIE à un ancien associé est sans rapport avec la question des obligations des membres du GIE entre eux, notamment quant au territoire de chacun. Le procès instauré par le Ministère est donc entièrement nouveau et pour cette raison sa demande doit être déclarée irrecevable.

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement, Condamne la société Sidoli à payer au GIE Zolux et à la société Girard pour les frais irrépétibles d'appel la somme globale de 3 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, La condamne aux dépens d'appel. Déclare irrecevable l'intervention du Ministre de l'Economie faute de lien suffisant entre cette intervention et l'objet du procès principal. Laisse à sa charge ses frais irrépétibles. Autorise la SCP Chatteleyn George à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.