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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 12 septembre 2001, n° 1999-15368

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

VP Electronique (SA)

Défendeur :

EAO-Secme (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Conseillers :

Mmes Jaubert, Percheron

Avoués :

SCP Lagourgue, Me Baufumé

Avocats :

Mes Bertel, Barrue

T. com. Melun, du 25 janv. 1999

25 janvier 1999

La SA VP Electronique est appelante du jugement rendu le 25 janvier 1999 par le Tribunal de Commerce de Melun qui a statué en ces termes :

"Dit que la société Secme a abusivement rompu les relations commerciales avec la société VP Electronique.

Dit que la société Secme a pratiqué des conditions discriminatoires à l'égard de la société VP Electronique.

Dit que la société VP Electronique ne rapporte pas la preuve de la réalité d'une entente illicite.

Condamne la société Secme à payer à la société VP Electronique une somme de 120.000 F au titre du préjudice subi, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement.

Condamne la société Secme à reprendre tous les stocks de VP Electronique en date du jugement dans les conditions suivantes:

- les pièces doivent avoir moins de trois ans en date du présent jugement,

- les pièces doivent être dans leur conditionnement d'origine,

- la liste des pièces que VP Electronique entend retourner à Secme devra être transmise à Secme par courrier recommandé dans les deux mois suivant la signification du présent jugement, les dates de livraison et les numéros de facture étant dûment renseignés,

- tout rejet de pièce spécifique par Secme devra être dûment motivé à VP Electronique dans le mois qui suit la réception de ladite liste, passé ce délai la liste sera réputée acceptée par Secme en totalité,

- les pièces à retourner seront évaluées sur la base du prix facturé diminué de 10 % pour reprise et contrôle des stocks,

- les pièces devront être restituées dans les cinq mois qui suit la signification du présent jugement.

Déboute la société Secme de ses demandes reconventionnelles.

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

Condamne la société Secme à payer à la société VP Electronique la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamne la société Secme en tous les dépens."

La société VP Electronique (ci-après VPE) prie la Cour, réformant cette décision des seuls chefs de l'indemnisation du préjudice subi et des frais irrépétibles exposés, de condamner la société Secme à lui payer la somme de 3.923.832 F assortie des intérêts légaux à compter du jour de la demande à titre de dommages et intérêts et celle de 80.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle soutient que le montant du préjudice résultant de la rupture des relations commerciales qu'elle entretenait avec Secme correspond à la perte de marge sur le chiffre d'affaires hors taxes qu'elle aurait dû réaliser en distribuant les produits Secme sur six années, et fait grief aux premiers juges d'avoir limité son indemnisation à la somme totale de 120.000 F sur la base de la seule perte de résultat d'exploitation, calculée de surcroît sur une estimation erronée de son chiffre d'affaires.

La société EAO-Secme (ci-après Secme) forme appel incident du jugement entrepris qu'elle demande à la Cour de réformer en toutes ses dispositions. Elle conclut au débouté de VPE dont elle poursuit la condamnation au remboursement de la somme de 19.570,76 F TTC correspondant à la somme qu'elle a payée au titre de la reprise du stock de produits rebutés en vertu de l'exécution provisoire dont était assorti le jugement du Tribunal avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 1999, date du paiement, et au paiement de la somme de 70.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle excipe à titre infiniment subsidiaire de l'absence de préjudice de VPE dont le chiffre d'affaires global est en augmentation constante, et du caractère excessif des dommages et intérêts sollicités, qui ne sauraient excéder 53.250 F.

La société Secme soutient qu'elle n'a ni rompu abusivement ses relations commerciales avec VPE, ni exercé de pratiques discriminatoires à son égard, ni refusé de satisfaire des commandes passées aux conditions habituelles et qu'elle a toujours communiqué ses conditions générales de vente.

Sur ce, LA COUR

Considérant qu'il est constant que par courrier du 16 janvier 1997 la Secme, qui a pour activité la fabrication et le négoce de composants électriques et était à cette date l'un des fournisseurs de VPE depuis une trentaine d'années, a fait part à VPE de la réorganisation de leur collaboration et notamment du fait qu'elle ne bénéficierait des prix d'achat au tarif distribution que jusqu'au 30 avril 1997 tout en pouvant au-delà de cette date s'approvisionner au prix "tarif" ; qu'après avoir en vain sollicité la communication des nouveaux critères en fonction desquels il était possible de bénéficier du tarif distribution afin de prendre toutes les mesures pour s'y conformer, VPE a formé une demande en paiement de la somme de 1.956.334 F à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive des relations commerciales et pratiques discriminatoires devant le Tribunal de Commerce de Melun, qui a statué par le jugement dont appel

Considérant que si Secme critique à juste titre ledit jugement en ce qu'il a retenu un caractère discriminatoire à la position par elle prise à l'égard de VPE, nullement établi par cette dernière en l'absence de tout élément relatif à la situation des autres distributeurs caractérisant la discrimination qu'elle allègue, elle ne saurait prétendre que le courrier par lequel elle annonce à VPE qu'à compter du 30 avril 1997, elle ne bénéficiera plus du tarif distribution qui lui était accordé mais du tarif public ne constitue pas une rupture unilatérale de relations commerciales telles qu'établies depuis trente ans;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6 4° du Nouveau Code de Commerce (ancien article 36-4° de l'ordonnance du 1er décembre 1986) "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures sauf en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ;

Considérant qu'en l'espèce les inexécutions contractuelles reprochées par Secme à VPE - retards puis refus de règlements - sont postérieures au courrier du 16 janvier 1997 ainsi que le reconnaît elle-même Secme dans ses conclusions, et ne peuvent donc en être le motif ;

Considérant que la durée du préavis exigé par le texte susvisé est fonction de divers éléments, dont la durée des relations antérieures et leur importance financière notamment; qu'en l'espèce si la durée des relations entre les parties a été importante, il résulte des documents financiers et de la plaquette de présentation de VPE que cette société qui distribue divers produits dont des composants électromécaniques acquis de 14 fournisseurs différents au nombre desquels figurent ceux de la société Secme - qui représentent en 1995 moins de 10 % de son chiffre d'affaires annuel - n'était nullement en situation de dépendance économique vis à vis de Secme et que la distribution des produits de cette dernière n'avait nécessité de sa part aucun investissement particulier; que compte tenu de ces éléments Secme aurait dû accorder à VPE un délai de 9 mois pour lui permettre de procéder à la réorganisation de son activité et doit être condamnée à l'indemniser de la perte de marge brute subie pendant cette durée; que compte-tenu d'un taux de marge de 16 % tel que déterminé par le commissaire aux comptes de VPE et d'un chiffre d'affaires annuel de 2.448.198 sur le dernier exercice précédant la rupture - observation étant faite que le chiffre d'affaires à prendre en considération est celui réalisé par VPE sur les produits Secme et non celui de Secme comme le fait cette dernière dans ses calculs -, la somme au paiement de laquelle doit être condamnée Secme s'élève à 293.783,76 F ;

Considérant qu'en raison de la rupture fautive par Secme des relations commerciales existant entre les parties le jugement entrepris doit recevoir confirmation en ses dispositions relatives à la reprise du stock ;

Considérant que l'équité ne commande pas une nouvelle application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que la société Secme a pratiqué des conditions discriminatoires à l'égard de la société VP Electronique et en ce qu'il l'a condamnée à payer à cette dernière la somme de 120.000 F en réparation de son préjudice. Réformant de ces seuls chefs et statuant à nouveau, Condamne la société Secme à payer à la société VP Electronique la somme de 293.783,76 F avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne la société Secme aux dépens, Admet l'avoué concerné au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.