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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 19 janvier 2001, n° 1999-06842

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Magic Voyages (SARL)

Défendeur :

Magica Voyages (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Desgrange

Conseillers :

MM. Bouche, Savatier

Avoués :

SCP Menard-Scelle-Millet, SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau

Avocats :

Mes Ozer, Haddad.

T. com. Paris, 15e ch., du 8 janv. 1999

8 janvier 1999

La société Magica Voyages qui exerce l'activité d'agence de voyages a déposé à l'INPI le 3 novembre 1997 les marques " Magica Voyages et Magic Voyages ".

Constatant dans l'édition 1998-1999 de l'annuaire officiel du syndicat national des Agences de voyage la mention inexistante sur l'édition précédente, d'une société Magic Voyages, agence de voyages sise 6 passage du Prado à Paris 10°, la société Magica Voyages, a par courrier recommandé avec accusé de réception de son conseil en date du 27 juillet 1998, adressé à la société Magic Voyages une mise en demeure de renoncer à utiliser la dénomination " Magic voyages " et de détruire tous documents sur lesquels pourrait être apposée la mention " Magic Voyages. Cette mise en demeure étant restée sans effet, la société Magica Voyages a assigné à bref délai, par acte du 24 septembre 1998, la société Magic Voyages pour obtenir sous astreinte la cessation de l'activité de la société Magic Voyages sous cette dénomination et la destruction de ses documents et pour voir la société Magic Voyages condamnée à lui payer la somme de 200.000 F à titre de dommages-intérêts outre celle de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 8 janvier 1999, non assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de Commerce de Paris ayant retenu l'existence de la concurrence déloyale imputable à la société Magic Voyages a partiellement accueilli les demandes de la société Magica Voyages en ordonnant à la société Magic Voyages de ne pas poursuivre son activité d'agence de voyages sous sa dénomination actuelle, sous astreinte provisoire de 2000 F par jour de retard après trois mois à compter de la signification du jugement, et de détruire tous les documents commerciaux, publicitaires et administratifs portant la mention " Magic Voyages ", sous astreinte de 1000 F par jour de retard à compter de la même date. En revanche, les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation de la société Magica Voyages faute de preuve du préjudice financier invoqué et ont limité à 8000 F la somme allouée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société Magic Voyages a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions en date du 28 mars 2000 auxquelles il est renvoyé, la société Magic Voyages demande qu'il lui soit donné acte de ce que le 7 février 2000 elle a changé sa dénomination en celle de " société Prado Voyages " sans pour autant renoncer à ses demandes d'appel. Ella affirme qu'aucune confusion ne résulte des dénominations des deux sociétés qui n'ont pas de clientèle commune. Elle soutient que c'est la société Magica Voyages qui a commis un acte de concurrence déloyale à son égard en déposant le " novembre 1997 la marque " Magic Voyages " qui est la copie servile de son nom commercial. Elle objecte que le préjudice financier invoqué par la société Magica Voyages résulte de la baisse d'activité conjoncturelle qui affecte les agences de voyages et non de la concurrence qui lui est reprochée. Elle conclut à l'infirmation de la décision, au débouté des demandes de la société Magica Voyages. A titre subsidiaire, elle réclame qu'il soit ordonné à la société Magica Voyages, de procéder auprès de l'INPI à la radiation de la marque " Magic Voyages ". Elle réclame l'allocation de la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions " récapitulatives et reconventionnelles " en date du 25 mai 2000 auxquelles il est renvoyé, la société Magica Voyages intimée, conclut à la confirmation du jugement qui a ordonné sous astreinte des mesures pour faire cesser les actes de concurrence déloyale commises à son égard par la société Magic Voyages. Elle en demande la réformation en réclamant la condamnation de la société Magic Voyages à lui payer 400.000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice constitué par la baisse de son chiffre d'affaires du fait des agissements concurrentiels de la société Magic Voyages. Elle réclame la liquidation des deux astreintes prononcées par le tribunal ayant couru du 12 mai 1999 au 7 février 2000 soit les sommes de 542.000 F et 271.000 F outre la somme de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR,

Considérant que la société Magica Voyages spécialisée dans la vente de billets d'avion et l'organisation de voyages a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris le 28 mai 1993 et a commencé son exploitation le 21 décembre 1992, 11 boulevard Blanqui à Paris 13e ;

Qu'elle justifie avoir le 3 novembre l997 déposé à l'INPI sous le numéro 97-702544 la marque " Magica Voyages " et sous le numéro 97-702545 la marque " Magic Voyages " ;

Que la société Magic Voyages exerçant l'activité d'agence de voyages a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris le 28 avril 1995 et a commencé son exploitation 12 rue du faubourg Saint Denis et 6 Passage du Prado à Paris 11ème à compter du 11 février 1997 ;

Considérant que les sociétés Magica Voyages et Magic Voyages exercent la même activité d'agence de voyages ; que lorsque la société Magic Voyage a commencé son exploitation, la société Magica Voyages exerçait son activité depuis plus de quatre ans sous ce nom commercial ; que les deux sociétés ont le même type de clientèle ; qu'il est inexact, comme le prétend la société Magic Tours qu'elle serait totalement spécialisée dans la vente de billets d'avion à destination de la Tunisie alors que la société Magica Voyages serait une agence généraliste ; que la société Magica Voyages bénéficie d'un certificat d'agrément de la Compagnie Tunis Air et travaille comme la société Magic Voyages sur des voyages à destination de la Tunisie.

Que la ressemblance des noms des deux sociétés est incontestable, les appellations Magic Voyages et Magica Voyages étant phonétiquement et visuellement très proches; qu'elles entraînent, entre les deux entreprises dont les activités sont similaires et qui offrent à leurs clients des produits et services analogues, une confusion certaine;

Qu'il est manifeste que pour un lecteur moyennement attentif, il se dégage de la présentation de ces deux sociétés telle qu'elle figure à l'annuaire téléphonique parisien de l'année 1998, produit par l'appelante, une similitude affirmée qui est une source certaine d'erreur pour le lecteur lorsqu'il opère son choix d'une agence de voyages dans ces conditions qui prêtent à confusion ; que le fait que les deux sociétés soient situées dans deux quartiers parisiens différents invoqué par la société Magic Voyages pour prétendre écarter le risque de confusion est inopérant, une cliente fidélisée n'étant pas synonyme d'une clientèle de proximité notamment pour une agence de voyages ; qu'au surplus la confusion peut également résulter de la lecture rapide que fait un client qui, abusé par une similitude trompeuse, croit faussement reconnaître une dénomination à laquelle il est habitué et qui se trouve induit en erreur par une appellation à dessein entachée de confusion par son auteur;

Considérant qu'il est constant que la société Magica Voyages a été enregistrée sous ce nom au Registre du Commerce et des Sociétés le 28 mai 1993 alors que la société Magic Voyages n'a été inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés que le 28 avril 1995 et qu'elle n'a commencé à exercer son activité qu'en février 1997 ; que le nom commercial " Magica Voyages " a donc été enregistré bien avant que la société Magic Voyages ait été immatriculée ; qu'il est constant que le nom commercial adopté antérieurement rend indisponible la dénomination ; que d'ailleurs la société Magic Voyages n'a jamais déposé la marque " Magic Voyages " ; qu'elle ne peut remettre en cause les droits incontestables dont dispose la société Magica Voyages sur la marque " Magic Voyages " et réclamer à la société Magica Voyages de procéder auprès de l'INPI à la radiation de sa marque " Magic Voyages " ;

Qu'il s' ensuit qu'en ne renonçant pas à utiliser la dénomination " Magic Voyages " ni à détruire tous documents publicitaires et administratifs sur lesquels pouvait être apposée la mention litigieuse " Magic Voyages " comme le lui avait demandé à juste titre la société Magica Voyages le 27 juillet 1998 en portant à sa connaissance les enregistrements des marques, la société Magic Voyages a persisté dans un comportement fautif engendré par l'utilisation dans son activité commerciale de cette dénomination que la société Magica Voyages avait déposée comme marque à l'INPI en 1997 ; qu'elle a ainsi commis à l'égard de la société Magica Voyages des agissements constitutifs de concurrence déloyale ;

Considérant que la société Magica Voyages produit pour les années 1993-1994, 1995, 1996, 1997 et 1998 ses états annuels de synthèse pour démontrer la baisse de son chiffre d'affaires et de ses commissions ; qu'elle réclame à la Cour l'allocation d'une somme de 400.000F au titre de l'indemnisation du préjudice qu'elle prétend avoir subi d'une part des actes de concurrence effectifs de la société Magic Voyages ;

Considérant que s'il est exact que ces documents établissent une baisse de l'activité de la société Magica Voyages, celle-ci n'apporte pas la preuve qu'elle soit due à la concurrence effective de la société Magic Voyages ; qu' il est significatif de relever que la diminution du chiffre d'affaires de 221.601 F HT constatée entre les exercices 1995-1996 et 1996-1997 ; ne peut être imputée à la société Magic Voyages dont l'activité n'a commencé qu'en février 1997 et qui n'avait alors aucune notoriété susceptible de porter atteinte à l'activité de la société Magica Voyages ;

Considérant qu'à juste raison, à défaut de plus amples justifications, les premiers juges ont considéré que la baisse constatée de l'activité de la société Magica Voyages était due à une baisse d'activité générale et conjoncturelle dans ce secteur économique ;

Qu'en l'absence de lien de causalité établi entre le préjudice invoqué et les agissements concurrentiels de la société Magic Voyages, dont il n'est pas démontré qu' ils aient été constitutifs d'un détournement de clientèle, la demande d'indemnisation de la société Magica Voyages ne peut être accueillie ;

Considérant que le jugement déféré n'a pas été assorti de l'exécution provisoire, les premiers juges ayant expressément énoncé n'y avoir lieu de statuer sur l'exécution provisoire sollicitée ; qu'il s'ensuit que la demande de liquidation d'astreinte que forme la société Magica Voyages ne peut être accueillie dès lors que la société Magic Tours justifie exercer désormais son activité sous le nom Prado Voyages et donc avoir volontairement déféré aux prescriptions des premiers juges lui ordonnant de ne pas poursuivre son activité d'agence de voyage sous sa dénomination actuelle, ce qui implique qu'elle ne peut plus utiliser les documents commerciaux publicitaires et administratifs portant la mention " Magic Voyages " ;

Considérant que la société Magic Voyages qui succombe et sera condamnée aux dépens ne peut prétendre à bénéficier des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Qu'en revanche l'équité commande de faire une nouvelle application de ce texte au bénéfice de l'intimée en lui allouant pour les frais irrépétibles de procédure qu'elle a exposés en cause d'appel la somme de 30.000F.

Par ces motifs : La Cour, Confirme le jugement déféré sauf en celles de ses dispositions ordonnant à la société Magic Voyages de ne pas poursuivre son activité d'agence de voyages sous sa dénomination actuelle, sous astreinte provisoire de 2000 F par jour de retard après trois mois à compter de la signification du jugement, et de détruire tous les documents commerciaux, publicitaires et administratifs portant la mention " Magic Voyages ", sous astreinte de 1000 F par jour de retard à compter de la même date ; Donne acte à la société Magic Voyages de ce qu'elle a changé son nom commercial, sa raison sociale et son enseigne en " société Prado Voyages " ; Y ajoutant, Condamne la société Prado Voyages qui vient aux droits de la société Magic Voyages à payer à la société Magica Voyages la somme de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toutes demandes autres ou contraires aux motifs ; Condamne la société Prado Voyages aux dépens d'appel, avec admission de l'avoué concerné, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.