CA Colmar, 1re ch. civ. A, 25 janvier 2000, n° 199703498
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Vestra (SA)
Défendeur :
Brandt Sportive Mode GMBH (Sté), Wurtz, Jung, Delplace, Recher, Noirjean, Rodier, Tonati, Hurtado
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gueudet
Conseillers :
Mmes Bertrand, Vieilledent
Avocats :
Mes Cahn & Associés, Alexandre, Bueb, Anstett-Gardea, d'Ambra & Boucon, Chemla.
La société Vestra, fabricant et distributeur en France, d'articles d'habillement, commercialisait depuis 1983, sous la marque Maco toute une série d'articles fabriqués par la société allemande Brandt, grâce à une équipe constituée d'un chef de vente, Monsieur Denis Wurtz, et de plusieurs VRP, dont MM. Jean-Pierre Jung, Charles Delplace, Jean-Bernard Recher, Bernard Noirjean, Jacques Rodier, Richard Tonati, Alain Hurtado.
Suite à de longues négociations la société Vestra a acheté en mars 1992, la société Kempel et Leibfried, entreprise allemande spécialisée dans " le sportswear " masculin.
Elle en a informé le 3 avril 1992 la société Brandt en proposant de renégocier les conditions de leur collaboration tout en précisant dès le 16 avril 1992 que les commandes pour la saison printemps seraient d'au moins la moitié du volume 1992.
Le 31 août 1992 elle a rompu toute relation avec la société Brandt, en l'informant qu'elle ne placerait plus de commandes de cette société pour la prochaine saison automne, hiver 1993.
Cependant dès le mois de juillet 1992, Vestra avait décidé de restructurer son réseau de distribution.
Elle a notamment décidé de confier à un même représentant les collections Maco et Kempel tout en réduisant le secteur d'activité de chacun d'eaux et en prévoyant des quotas de ventes pour les produits Kempel.
Elle a motivé cette décision par un souci de plus grande efficacité de son réseau de distribution composé de 11 représentants.
Elle en a informé ses représentants au cours d'une réunion tenue à Colmar le 8 juillet 1992.
Sept des 11 représentants ont considéré que cette restructuration, qui emportait notamment une réduction de leur secteur, était défavorable et allait entraîner une baisse de leurs revenus.
Ils ont tenté de négocier avec Vestra un retour à la situation antérieure mais ces négociations n'ont pas abouti, malgré une réunion de concertation tenue à Paris le 26 octobre 1992.
Les représentants ont refusé de signer les avenants et ont pris l'initiative de la rupture de leur contrat de travail les 4 novembre 1992 (M. Hurtado), 6 novembre 1992 (M. Recher), 9 novembre 1992 (M. Tonati), 14 novembre 1992 (MM. Noirjean, Jung et Rodier) et 23 novembre 1992 (M. Delplace) en reprochant à leur employeur une modification substantielle de leur contrat et en le mettant en demeure sous huitaine de les rétablir dans leur secteur initial avec réduction des quotas imposés.
La société Vestra a alors fait paraître dans l'Express du 26 novembre 1992, par l'intermédiaire une société de recrutement MBC, une annonce portant sur le recrutement de plusieurs délégués commerciaux âgés d'environ 30 ans, ainsi qu'une annonce identique dans le journal du Textile de Novembre 1992.
Les 7 représentants démissionnaires, se sont pour la plupart d'entre eux inscrits à l'ANPE, et ont formulé des offres d'emplois auprès de différentes sociétés (Lechat, Euromessage Lyon, Weil, Burlington, Ahlers France, Manufacture Européenne de Vêtements, Brandt et MBC) Pour M. Rodier, (Nomafa Ahlers France, Brandt) Pour M. Jung (Brandt) Pour M. Noirjean, (Roblewis, Rhodessienne de Textile, Modeway, Ahlers France, MBC, New Man, Boussac, Etablissements Weil, Brandt) Pour M. Recher, (New, Rodson, New Man, Weil, Brandt, Diffusion) Pour M. Hurtado, (Modexal, Odermara, Brandt, Ahlers France, Rousseau, Jantzen, Weil) pour M. Delplace, Brandt pour M. Tonati.
Les candidatures adressées à Brandt l'ont été le 9 novembre 1992 par M. Tonati, le 26 novembre 1992 par M. Jung, le 27 novembre 1992 par M. Noirjean, le 28 novembre 1992 par M. Delplace, le 2 décembre 1992 par M. Rodier et M. Recher, et le 4 décembre 1992 par M. Hurtado.
Dès le 14 décembre 1992 Vestra, faisant état de rumeurs de débauchage de ses salariés par Brandt s'est adressé à cette société pour connaître sa position sur ces rumeurs.
Le 17 décembre 1992 Brandt a certifié à Vestra qu'elle n'avait entrepris aucune manœuvre de débauchage, et lui a indiqué que du fait de la rupture du contrat le 31 août 1992, elle s'était trouvée dans l'obligation de maintenir son chiffre d'affaires en France, qu'elle avait reçu des candidatures des anciens représentants de Vestra, mais qu'elle leur avait indiqué qu'elle ne pouvait pas les embaucher, qu'ayant cependant appris qu'ils avaient fait l'objet de changement dans leurs contrats, elle avait finalement accepté de négocier avec eux.
Le 22 décembre 1992 Vestra a informé Brandt qu'en réalité elle était en droit, eu égard aux clauses des contrats de travail, de les modifier avec garantie de revenus mais que les salariés avaient préféré démissionner parce qu'ils avaient déjà été embauchés par Brandt à la suite de contacts ayant eu lieu lors de la SEHM.
Elle a demandé à Brandt, d'interdire aux anciens représentants de prospecter pendant un an l'ancienne clientèle de Vestra.
Brandt s'en est maintenue à sa position et a conclu avec les anciens représentants démissionnaires de Vestra et au nom des sociétés en cours de formation des contrats d'agents commerciaux, avec effet au 1er janvier 1993.
Les anciens représentants ont constitué des sociétés entre janvier et février 1993, pour exécuter les contrats.
Entre temps, dès le 22 décembre 1992, Vestra avait informé ses clients, qu'elle avait procédé à une refonte de ses équipes de vente, afin de privilégier l'efficacité et la cohérence dans l'intérêt commun, et qu'à compter de la saison automne-hiver 1993, soit dès le mois de janvier 1993 ce seront les représentants de Vestra qui auront en charge la collection Maco.
Le 23 février 1993, elle a encore informé ses clients que 7 anciens représentants Maco l'avaient quittée pour devenir agents de la société Brandt, que la collection Maco serait désormais diffusée par les équipes de représentants Vestra, et la collection Kempel ligne Sportswear, par un nouveau réseau constitué de huit commerciaux dont 4 anciens de l'équipe Maco et quatre nouveaux représentants (MM. Drai, Lambert, Quemeneur, Wurtz).
Par ailleurs le 27 décembre 1992, le chef de vente Monsieur Wurtz, a également donné sa démission avec préavis de trois mois, expirant le 31 mars 1993, mais la société Vestra l'a licencié le 18 février 1993 en lui reprochant d'avoir participé à une action tendant à désorganiser le secteur de distribution de l'entreprise et son engagement par la société Brandt.
La rupture des relations de travail avec les représentants ont donné lieu à des actions prud'homales, et la rupture des relations commerciales entre Vestra et Brandt, à des problèmes de livraison et de paiement de facture qui ont donné lieu à une action en justice en Allemagne.
Par 5 arrêts du 29 octobre 1998 la chambre sociale de la cour d'appel de Colmar, a retenu en ce qui concerne les représentants Noirjean, Jung, Rodier, Recher et Delplace que ceux-ci avaient pris l'initiative de la rupture de leur contrat alors que celui-ci n'avait subi aucune modification substantielle eu égard aux stipulations contractuelles permettant à Vestra de modifier le secteur géographique et d'imposer la représentation de nouveaux produits mais que les représentants avaient toutefois droit à la garantie contractuelle de maintien pendant deux années de la rémunération qu'ils percevaient et a invité les parties à chiffrer la somme due aux représentants.
Par arrêt du 30 septembre 1996 la cour d'appel de Grenoble a retenu pour sa part que la rupture du contrat de travail était imputable à M. Hurtado, dès lors que la société Vestra avait accepté d'abandonner ses propositions de modification de contrat.
Enfin par arrêt du 9 septembre 1994 la cour d'appel de Toulouse, a estimé que la rupture du contrat de travail entre M. Tonati et la société Vestra s'analysait en licenciement sans cause réelle et sérieuse, du fait des modifications successives du contrat de travail de M. Tonati intervenues en 1990 et 1992 ; toutefois cette décision a été prononcée, alors que M. Tonati avait introduit une action prud'homale dès le 24 mars 1992 avant la seconde modification de son contrat.
S'agissant de l'action en paiement introduite le 30 avril 1993 par la société Brandt contre la société Vestra elle s'est terminée par une transaction conclue le 21juillet1994 aux termes de laquelle la société Vestra verse à Brandt un montant de 616.552 DM augmenté des intérêts de 7,5 % à compter du 5 mai 1993 contre production d'une caution d'un montant de 686.000 DM, destinée à garantir tous éventuels droits à dommages et intérêts de Vestra dans le cadre d'une procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Colmar.
La société Vestra avait en effet assignée le 9 mars 1993 la société Brandt, les 7 représentants démissionnaires, le directeur des ventes M. Wurtz, devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Colmar, pour faire juger qu'ils avaient commis des actes de concurrence déloyale, pour faire interdiction à la société Brandt de distribuer en France ses produits par l'intermédiaire des anciens salariés de la société Vestra sous astreinte de 100.000 F par jour de retard, pour obtenir la condamnation des défendeurs au paiement d'une provision de 10.000 F et enfin obtenir la désignation d'un expert pour chiffrer son préjudice.
La société Brandt et M. Wurtz ont formé une demande reconventionnelle en dommages et intérêts.
Par jugement avant dire droit du 13 octobre 1995 le tribunal a invité la société Brandt à justifier du chiffre d'affaires réalisé en France directement, mois par mois et par agent nouvellement recruté du 1er janvier 1993 au 30 juin 1993.
Par jugement du 12 mai 1997 le tribunal a débouté la société Vestra de sa demande principale, la société Brandt et M. Wurtz de leur demande reconventionnelle, a condamné la société Vestra aux dépens et au paiement d'une somme de 25.000 F à la société Brandt, et d'une somme de 5.000 F à chacun des autres défendeurs, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Pour rejeter la demande de Vestra le tribunal a notamment retenu en premier lieu qu'il n'était pas démontré que Brandt avait procédé au débauchage des salariés de Vestra, et que ceux-ci auraient bénéficié d'offres de rémunérations plus favorables, en deuxième lieu qu'il n'existait aucune preuve d'une appropriation déloyale par Brandt de la clientèle de Vestra.
Il a par ailleurs considéré qu'il n'existait aucun acte de contrefaçon d'une veste de Vestra par Brandt, en retenant que Vestra ne démontrait pas être l'auteur de cette veste, et que ce modèle ne présentait aucune originalité.
La société Vestra a interjeté appel de ce jugement le 9 juillet 1997.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives du 15 septembre 1999 elle demande à la Cour :
SUR APPEL PRINCIPAL DE LA SOCIETE VESTRA
- de déclarer l'appel interjeté par la société Vestra recevable et bien fondé ;
- d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Colmar ;
Vu l'article 1382 du Code Civil et les articles L. 112-1 et suivants du CPI ;
Statuant à nouveau, de dire et juger que les défendeurs et intimés se sont rendus coupables d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Vestra ;
- de dire et juger que les défendeurs et intimés se sont rendus coupables d'actes de contrefaçon au préjudice de la société Vestra ;
- de condamner les défendeurs et intimés in solidum à payer à la société Vestra une provision de 10 millions de F à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;
- de faire interdiction à la société Brandt de commercialiser en France le modèle de surveste, Réf. " modèle 700 - surveste Basic ", sous astreinte définitive de 1.000 F par infraction constatée, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- de désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission de chiffrer le préjudice subi par la société Vestra tant au titre des actes de concurrence déloyale qu'au titre des actes de contrefaçon ;
- de dire et juger que l'expert pourra, en vue d'accomplir sa mission, se faire communiquer les chiffres d'affaires réalisés par la société Brandt, la liste des clients, le chiffre d'affaires réalisé par le modèle de surveste " modèle 700 - surveste Basic " ;
- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux au choix de la société Vestra, et aux frais des défendeurs et intimés, le coût de chaque publication ne devant pas dépasser un maximum de 10.000 F ;
- de réserver le droit de la société Vestra de chiffrer son complet préjudice après dépôt du rapport d'expertise ;
- de condamner les défendeurs in solidum aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à un montant de 100.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre des deux instances,
SUR APPEL INCIDENT DE LA SOCIETE BRANDT
- de déclarer l'appel incident mal fondé ;
- de débouter la société Brandt de ses fins et conclusions ;
- de la condamner aux dépens.
A l'appui de ses conclusions elle fait valoir :
- que les conditions de départ et d'embauche des représentants et du chef de vente de la société Vestra caractérisent la concurrence déloyale de la société Brandt,
- que la société Brandt qui avait été informée du rachat de Kempel par Vestra, et de la rupture de leurs relations commerciales, s'est trouvée dans l'obligation de constituer un nouveau réseau commercial pour vendre directement en France les articles jusqu'alors commercialisés par Vestra, et il est invraisemblable qu'elle ait attendu la démission dite spontanée des représentants de Vestra en novembre 1992, si elle n'avait été assurée que ceux-ci travailleraient pour elle à compter du 1er janvier 1993,
- que les représentants n'auraient jamais pris le risque de rompre unilatéralement leur contrat de travail en novembre 1992 s'ils n'avaient pas eu l'assurance d'être engagés concomitamment par la société Brandt,
- que les lettres spontanées de candidature qui sont versées aux débats apparaissent comme des manœuvres grossières pour masquer la vérité, alors qu'aucune de ces lettres ne se réfère à annonce passée par Brandt,
- que les conditions de rémunération proposées par Brandt étaient nettement plus favorables (commission de 13 %, frais inclus) que celles dont ils bénéficiaient chez Vestra (commission de 5 %, frais inclus), peu importe les résultats effectivement réalisés par la suite par ces représentants,
- que la société Brandt a cherché à dissimuler la réalité de ces embauches le plus longtemps possible en affirmant à Vestra le 17 décembre 1992 qu'elle n'embaucherait pas les représentants, alors qu'à cette date l'embauche était acquise,
- que les décisions rendues par les chambres sociales des Cour d'Appel de Colmar et de Grenoble confirment bien que les salariés avaient démissionné collectivement, la décision contraire rendue par la Cour d'Appel de Toulouse étant fondée sur des données de fait spécifiques,
- que le fait pour les VRP de Vestra, constituant le réseau commercial complet de cette société, pour prendre collectivement et simultanément acte de la rupture de leur contrat de travail, pour se faire embaucher corrélativement pour une meilleure rémunération par une société concurrente, dans le but de démarcher le même secteur et proposer ces mêmes produits, constitue à l'évidence un acte de concurrence déloyale particulièrement grave,
- qu'en embauchant simultanément les 7 représentants constituant le réseau commercial Maco de la société Vestra, pour leur faire vendre dans les secteurs qui étaient les leurs, à un prix inférieur les mêmes produits, qu'ils commercialisaient au sein de Vestra, la société Brandt a commis des actes de concurrence déloyale, et a voulu récupérer toutes les informations commerciales de Vestra et le fruit de son activité pour prospecter la même clientèle,
- que les 7 représentants qui n'ont pas restitué à Vestra le listing client, pouvaient entretenir la confusion entre l'ancien réseau Maco et le nouveau réseau direct Brandt,
- que pour parachever ses manœuvres la société Brandt a cherché à accentuer la confusion pouvant exister dans l'esprit de la clientèle entre l'ancien réseau Vestra et le nouveau réseau Brandt, en copiant un modèle de surveste de la société Vestra et en la commercialisant à un prix inférieur,
- que cette reproduction de ce modèle constitue tant un acte de contrefaçon, qu'un acte de concurrence déloyale du fait de la volonté de confusion recherchée et obtenue, aggravée par le prix de vente proposé à la clientèle,
- que cette surveste créée par les stylistes de Vestra constitue une œuvre collective, autorisant Vestra à agir en contrefaçon, et qu'il s'agissait d'un modèle original bénéficiant de la protection,
- que la société Brandt a aggravé ses manœuvres déloyales en tentant de désorganiser la société Vestra, en refusant d'assurer des livraisons sous de faux prétextes,
- que le préjudice qu'elle a subi est considérable, et est largement démontré par l'évolution désastreuse du chiffre d'affaires Maco après le départ concerté des représentants et leur reprise par Brandt, qui a été l'origine de la fermeture des établissements Maco à Colmar,
- qu'une expertise est nécessaire pour évaluer le préjudice effectivement subi, les documents produits par Brandt étant insuffisants pour apprécier le chiffre d'affaires qu'elle a réellement réalisé,
- que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la société Brandt, aucune pression et aucun acte de dénigrement susceptible d'être reproché à Vestra n'étant établi,
- que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive n'est pas fondée.
Par conclusions récapitulatives du 6 septembre 1999 la société Brandt Sportive Mode GMBH et M. Denis Wurtz demandent à la Cour :
- de dire et juger que la société Brandt Sportive Mode GMBH et M. Denis Wurtz n'ont commis aucune faute,
- de dire et juger que la société Vestra n'a subi aucun préjudice,
- de dire et juger que sa demande d'expertise est irrecevable, par application de l'article 146 du nouveau Code de procédure civile,
en conséquence,
- de déclarer l'appel irrecevable, en tout cas mal fondé,
- de débouter la société Vestra en ses fins, moyens et conclusions,
- d'écarter des débats les arrêts de la Cour d'Appel de Colmar du 29 octobre 1998, non produits, et toute argumentation consécutive,
- de la condamner aux entiers dépens d'appel,
- en conséquence, de confirmer la décision entreprise en totalité, hormis en ce qu'elle a débouté la société Brandt Sportive Mode GMBH et M. Denis Wurtz en leur demande reconventionnelle,
en conséquence, sur appel incident,
- de condamner la société Vestra à payer à la société Brandt Sportive Mode GMBH une somme de 200.000 F à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts légaux du jour de la demande, soit du 18 février 1998, au jour du paiement, à titre de dommages et intérêts complémentaires,
- de condamner la société Vestra à payer à M. Denis Wurtz une somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts légaux augmentée des intérêts légaux du jour de la demande, soit du 18 février 1998, au jour du paiement, à titre de dommages et intérêts complémentaires,
- de condamner en tout état de cause la société Vestra aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la société Brandt Sportive Mode GMBH d'une part et à M. Denis Wurtz d'autre part une somme de 50.000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, outre les montants alloués par la décision entreprise du 22 mai 1997,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts et de dire qu'ils porteront intérêts au même taux dès qu'ils seront dus pour une année entière ".
A l'appui de leurs conclusions ils font valoir :
- que c'est à la suite d'une politique commerciale erronée ayant provoqué la chute de ses ventes, que la société Vestra a dû restructurer à plusieurs reprises son réseau de vente, et qu'elle a dû procéder à la fermeture de certains sites dont celui de Maco Colmar programmé dès avant la rupture des contrats de ses représentants,
- que c'est bien à la suite de la modification substantielle de leur contrat de travail que les 7 représentants ont pris acte de la rupture du contrat, et qu'ils ont recherché un nouvel emploi,
- que le directeur des ventes M. Wurtz, qui savait que le site de Colmar allait être fermé, était en droit de démissionner et de rechercher un nouveau travail, de sorte que son embauche en février 1993 par Brandt ne saurait être considérée comme fautive,
- que les chiffres d'affaires versés aux débats par la société Brandt démontrent amplement qu'il n'y a eu aucune manœuvre de détournement de clientèle susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale, et démontrent au contraire que les salariés embauchés n'ont eu aucune activité pour Brandt au cours de l'année 1992,
- que les VRP de Vestra, n'étaient pas en rapport avec la société Brandt pendant l'exécution de leur contrat de travail, qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune démarche de cette société, et que c'est seulement en raison du refus de Vestra, de revenir sur la modification de leur contrat, et à la suite de cette rupture imputable à Vestra, qu'ils ont, à la suite de candidatures adressées à des multiples entreprises dont Brandt, été embauchés par cette dernière société,
- que la société Brandt, n'a pas proposé aux anciens VRP de Vestra des conditions financières plus avantageuses mais a conclu avec eux des contrats d'agents commerciaux dont les conditions ne sont pas comparables avec les contrats de représentation ainsi que l'a justement relevé le tribunal,
- que la société Brandt n'a commis aucun acte de débauchage ; qu'elle pouvait en l'absence de clause de non-concurrence embaucher les anciens salariés de Vestra, libres de tout lien contractuel, et n'a pas confié aux agents commerciaux les mêmes secteurs que ceux qu'ils exploitaient en tant que VRP chez Vestra,
- que rien n'interdisait aux anciens VRP, d'exploiter leur ancienne clientèle et qu'il n'est nullement prouvé qu'ils auraient entretenu une confusion entre l'ancien réseau Maco et le nouveau réseau direct Brandt,
- que les actes de contrefaçon allégués par la société Vestra ne sont pas fondés, en l'absence d'originalité du modèle de surveste dont la protection est sollicitée,
- que la société Brandt n'a jamais refusé d'assurer les livraisons en cours, mais que c'est la partie adverse qui a refusé de payer les factures ce qui a provoqué une rétention de la marchandise,
- que les arrêts rendus en matière prud'homale n'établissent nullement des fautes ou des actes de concurrence interdits à l'encontre des salariés,
- que le préjudice invoqué par la société Vestra n'est pas justifié,
- que la société Vestra a menacé des clients de mesures de rétorsion s'ils continuaient de s'approvisionner auprès de la société Brandt et a fait savoir auprès de sa clientèle à grand renfort de circulaires qu'elle ne distribuait plus les produits Brandt en précisant que désormais elle privilégiait l'efficacité et la cohérence,
- qu'elle lui a causé un préjudice qui peut être évalué à 100.000 F,
- que la procédure qu'elle a intentée est particulièrement abusive et frustratoire et justifie l'allocation de dommages et intérêts.
Par conclusions récapitulatives du 20 mai 1999, MM. Jung, Delplace, Recher, Noirjean, Rodier, Tonati et Hurtado demandent à la Cour de dire qu'il n'ont commis aucun acte de concurrence déloyale, de rejeter l'appel, de condamner la société Vestra aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à chacun des intimés la somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A l'appui de leurs conclusions ils font valoir :
- qu'ils n'étaient soumis à aucune clause de non-concurrence, et qu'à l'issue de leur contrat de travail ils retrouvaient leur indépendance et pouvaient sans faute de leur part se mettre au service d'une société concurrente,
- qu'aucun des représentants de la société Vestra n'avait intérêt à démissionner pour se faire embaucher en qualité d'agent commercial par la société Brandt alors que le statut de représentant est davantage protecteur surtout pour des représentants déjà relativement âgés,
- que c'est en raison de l'attitude de la société Vestra qui a procédé unilatéralement à une modification des secteurs, à l'adjonction, à la diffusion des articles Maco, celle d'autres articles et qui a imposé des quotas irréalisables pour la diffusion des articles Kempel, que les anciens représentants de Maco, ont fait front commun pour s'opposer à ces modifications qui allaient entraîner une baisse de leur rémunération et ont, malgré deux réunions de concertation, pris acte de la rupture de leur contrat de travail, sachant que les garanties de ressources temporaires prévues par l'employeur n'étaient qu'illusoires,
- que tous les représentants ont procédé à des recherches d'emploi, en s'adressant à diverses sociétés et notamment la société Brandt dont les produits n'étaient plus diffusés par Maco,
- qu'ils ont dû, prendre le statut d'agent commercial et qu'ils ont réalisé avec Brandt une rémunération nettement inférieure à celle qu'ils percevaient auparavant et qui pourtant avait déjà diminué au fil des années,
- que Vestra a tout fait pour provoquer le départ de ses représentants les plus anciens et n'a amorcé qu'un timide retour en arrière, en acceptant après coup d'envisager de renoncer à la clause d'objectifs tout en maintenant les modifications de secteurs et les modifications de lignes,
- que les représentants estimaient que la diffusion des articles Kempel et Maco par un même réseau était incompatible, mais que Vestra qui n'avait pas voulu revenir sur cette décision, a accepté finalement en février 1993, soit trois mois après la rupture de procéder à la dissociation de la diffusion de ces deux types de produits,
- qu'ils ont accompli sans aucune faute leur activité au sein de la société Vestra, après avoir prospecté pour la saison printemps-été 1993 en toute loyauté,
- que dans leurs nouvelles fonctions, ils ont démarché la clientèle pour la saison automne-hiver 1993, sans commettre aucun acte de concurrence déloyale (dénigrement détournement de fichiers ou de documents) ni entretenir de confusion,
- qu'en tout cas la société Vestra ne justifie pas le préjudice qu'elle invoque et ne peut de bonne foi attribuer à la démission de ses représentants la fermeture du site Maco de Colmar annoncée en février 1993, alors qu'une décision avait été nécessairement prise au cours de l'année 1992,
- que les arrêts de la chambre sociale de la Cour d'Appel de Colmar ont tous été frappés d'un pourvoi en cassation et ne sont pas définitif de sorte que Vestra ne peut s'en prévaloir.
Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour plus ample exposé de leurs moyens ;
Attendu qu'il résulte de l'exposé des faits constants et de la lecture attentive des différents courriers adressés par les représentants à la société Vestra, tous rédigés dans les mêmes termes ou dans des termes très voisins, que 7 des représentants sur les 11 qui composait l'équipe commerciale de Vestra concernant la diffusion des produits Maco, se sont concertés pour s'opposer à la modification de leur contrat de travail décidée par Vestra, et bénéficiant du même conseil, ont fait connaître à leur employeur que cette modification de secteur et les quotas imposés irréalisables, allait entraîner une baisse de leur rémunération, non compensée par celle résultant de l'adjonction des produits Maco, et lui ont signifié entre le 4 novembre 1992 et le 23 novembre 1992 que cette modification unilatérale de leur contrat, équivalait une rupture imputable à l'employeur ;
Attendu que quelle que soit, la qualification juridique qui puisse être donnée à cette rupture, soit une démission du salarié, comme l'a jugée la chambre sociale de la cour d'appel de Colmar par des décisions qui ne sont pas définitives, soit un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il apparaît que cette rupture se situe dans un contexte bien défini de restructuration du réseau de vente de la société Vestra à la suite du rachat de la société Kempel, puis de la rupture des relations entre Vestra et Brandt, et d'une politique avérée de délocalisation poursuivie par Vestra qui a abouti à la fermeture de certains sites de production, et notamment de celui de Colmar (Maco) annoncée officiellement dès février 1993 mais de toute évidence programmée dès la fin de l'année 1992 ;
Attendu que les représentants, les plus anciens, confrontés à ces mesures de restructuration, faisant suite, pour certains d'entre eux, à des modifications de leur secteur déjà intervenues en 1990, pouvaient légitimement craindre une nouvelle baisse de leur rémunération déjà constatée pour les années précédentes, et que l'action concertée de défense de leurs intérêts, qu'il ont entrepris, avait un caractère éminemment sérieux et légitime, et n'apparaissait nullement motivé par une désorganisation de l'entreprise, pour se mettre au service d'une entreprise concurrente ;
Attendu qu'il est d'ailleurs significatif de constater que les mesures de restructuration qui faisaient griefs aux représentants les plus anciens, ont été prises dès le début juillet 1992, à une époque où Vestra n'avait pas encore rompu ses relations avec Brandt, et qu'à cette époque les représentants n'avaient aucun motif d'envisager leur départ de l'entreprise, mais auraient seulement pour objectif le maintien des avantages acquis ;
Attendu que de plus, les représentants, dont rien ne permet d'affirmer qu'ils avaient été informés dès le 31 août 1992, de la rupture définitive des relations de Vestra et de Brandt, ont continué à prospecter pour la vente des produits Brandt tout en essayant de négocier le retour à la situation antérieure, élément qui a été pris en considération par Vestra qui a programmé une réunion pour le 17 octobre 1992 qui s'est tenue en réalité le 26 octobre 1992, pour mieux informer ses représentants de sa nouvelle politique, et essayer de trouver une solution ;
Attendu que l'attitude de Vestra est d'ailleurs, loin d'être parfaitement cohérente, puisque après avoir indiqué à ses collaborateurs, que le contrat lui permettait de procéder aux aménagements contestés, et qu'elle leur accorderait une garantie des commissions sur deux ans, leur a fait connaître que s'ils ne souhaitaient pas signer les avenants de régularisation, elle le regretterait, mais en prendrait acte et n'insisterait pas plus pour aboutir à ce résultat (lettre du 5 novembre 1992), Vestra est revenue ensuite sur sa position notamment en ce qui concerne les quotas, après avoir enregistré les premières démissions et a entrepris immédiatement des démarches pour recruter de nouveaux commerciaux en s'adressant à une agence de recrutement qui a fait diffuser fin novembre une annonce dans l'Express, et le 30 novembre 1992 la même annonce dans le Journal du Textile n° 1310 ;
Attendu qu'il apparaît que le départ concerté de 7 des représentants de Vestra, avait bien pour origine un conflit de travail, et n'était pas motivé par la volonté de ces salariés de désorganiser leur entreprise pour se mettre au service de la société Brandt ;
Attendu qu'aucun élément du dossier ne permet en effet d'établir que dès avant leur démission en novembre 1992, les 7 représentants, auraient pris contact avec Brandt, ou auraient été démarchés par Brandt, même s'il peut être admis, que ces représentants au moment ou ils négociaient avec leurs employeurs, ont finalement appris que la rupture entre Vestra et Brandt étaient consommée et que Brandt aurait besoin de reconstituer une force de vente ;
Attendu que Vestra qui prétend que ce serait dès un salon de la SEHM en septembre 1992 que les salariés de Vestra auraient pris contact avec Brandt, ne fournit aucun élément de preuve établissant la réalité de ces contacts, alors pourtant que les conditions même d'organisation et de tenue d'un tel salon, auraient permis à Vestra de réunir des attestations certifiant de tels faits ;
Que la seule attestation de Monsieur Landes, directeur commercial de Vestra datée du 10 décembre 1994, fait état seulement de rumeurs provenant de la clientèle, selon lesquelles quelques représentants auraient établis des contacts avec un conseil pour entretenir une procédure à l'encontre de Vestra pour rupture abusive du contrat de travail ;
Que dans sa déclaration faite à la police de Strasbourg le 22 janvier 1993, Monsieur Friedrich, directeur général du Groupe Vestra ne fait qu'affirmer que " nos informations nous ont permis de déterminer que les premiers contacts ont eu lieu dès septembre 1992 ", mais qu'aucun élément de preuve n'est fourni pour corroborer cette affirmation ;
Attendu que le fait que Brandt, ait attendu décembre 1992 pour mettre en place un nouveau système de diffusion de ses produits en France, peut certes apparaître suspect, mais qu'il n'en résulte pas de manière certaine que ce manque apparent de diligence aurait été induit par la certitude qu'elle pourrait avoir recours aux salariés démissionnaires de Vestra auxquels elle aurait fait des offres d'emploi ;
Attendu qu'il convient en effet de relever que c'est seulement le 31 août 1992 qu'elle a reçu notification régulière de la rupture des relations commerciales avec Vestra ; que Vestra continuait d'assurer la vente de la collection printemps-été 1993 ; que Brandt devait réfléchir à une nouvelle organisation commerciale pour la mise en vente de la collection automne-hiver 1993, dont la prospection allait débuter au début de l'année 1993 ; que ne disposant pas d'un réseau automne de distribution de ses produits en France, elle avait le choix entre la recherche d'un nouveau distributeur pour remplacer Vestra, ou la constitution d'une équipe autonome de vente, qu'elle bénéficiait de propositions d'embauches, en août 1992 d'anciens agents commerciaux de Kempel dont les contrats avaient été rompus (Figot-Pujol) et d'autres commerciaux Bouloux et Strauss, ainsi qu'une agence Financière Marivaux, mais qu'elle n'avait pris aucune option définitive ;
Attendu que le fait que les 7 représentants aient pris le risque de rompre leur contrat de travail, n'implique pas nécessairement qu'ils avaient l'assurance certaine d'être embauchés par Brandt, à la suite de contacts pris avec cette société pendant l'exécution de leur contrat ;
Attendu que dès lors qu'ils avaient pris soin de s'entourer d'un conseil ils pouvaient en effet considérer que la rupture du contrat de travail serait analysée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse leur ouvrant droit aux indemnités légales et à des dommages et intérêts ;
Que sachant par ailleurs, que Brandt, se devait de conserver son marché français, ils savaient qu'ils avaient en tout cas l'opportunité d'offrir leur service à cette société dès lors qu'ils n'étaient liés à aucune clause de non-concurrence à Vestra ;
Attendu que si les nombreuses offres d'emploi qu'ils ont fait parvenir à de nombreuses sociétés, et pour certains à MBC mandaté par Vestra, n'étaient qu'un leurre pour masquer des manœuvres de débauchages pratiquées par Brandt, il aurait été nécessaire pour Vestra d'en rapporter la preuve ;
Qu'en l'état des pièces versées aux débats, toutes ces offres d'emplois sont bien réelles, et ont fait d'ailleurs pour certaines d'entres elles l'objet de réponses négatives ;
Que les candidatures adressées dans le même temps ou à la même époque à Brandt, étaient d'ailleurs des lettres classiques, pour certaines libellées de la même manière que celles adressées à d'autres sociétés, sans qu'aucune d'elle ne comporte la proposition de travailler en qualité d'agent commercial ;
Attendu que la lettre du 17 décembre 1992, adressée par Brandt à Vestra, et dont la traduction faite par un traducteur juré ne peut faire l'objet d'interprétation, apparaît au vu des pièces versées aux débats, correspondre à la réalité ;
Que dans cette lettre, Brandt avait certes indiqué que saisie des candidatures des ex-salariés elle leur avait fait connaître qu'elle ne pouvait pas les embaucher, mais que s'étant entourée de renseignements et ayant appris les conditions de la rupture elle ne pouvait renoncer à saisir l'opportunité de recourir à des collaborateurs compétents ;
Que la position finale prise par Brandt, paraît d'ailleurs l'avoir été après qu'elle se soit renseignée auprès du conseil de ces salariés sur les conditions de la rupture de leur contrat, et sur l'existence d'une clause de non-concurrence ;
Attendu qu'il apparaît d'autant moins vraisemblable que la démission des représentants ait été provoquée par Brandt, selon un plan concerté, alors que c'est seulement en décembre 1992 que ceux-ci ont appris que Brandt entendait avoir recours à un réseau d'agents commerciaux, et que c'est à partir de ce moment, que les anciens représentants de Vestra, ont entrepris pour la plupart, de créer une société pour exercer cette activité, et que ces sociétés n'ont été créées qu'entre la mi janvier 1993 et la mi février 1993 ;
Qu'un départ programmé des représentants de Vestra, selon un schéma préétabli dès le mois de septembre 1992, aurait nécessairement conduit ces représentants, à procéder très rapidement aux formalités de constitution de leurs sociétés ;
Que l'on pourrait certes considérer que c'est en raison de conseils avisés qu'ils ont pris toutes les précautions nécessaires pour ne pas laisser apparaître l'existence de relations préexistantes à leur rupture de leur contrat, mais que de telles manœuvres n'ont pas été prouvées par la société Vestra ;
Attendu que dès lors que ces salariés, n'étaient plus liés à leur employeur, qu'ils n'étaient pas engagés par une clause de non-concurrence à son égard, que Vestra avait nécessairement pris acte de la rupture en procédant dès la fin novembre 1992 au recrutement des nouveaux commerciaux, que Vestra ne distribuait plus les produits Brandt, ces 7 anciens représentants pouvaient, sans faute de leur part, en qualité d'agents commerciaux, diffuser en France les produits Brandt, auprès de la même clientèle ;
Attendu qu'à l'époque, Vestra avait d'ailleurs informé le 22 décembre 1992 sa clientèle qu'elle avait procédé à une refonte de ses équipes de vente afin de privilégier l'efficacité et la cohérence, et que le 23 février 1993 elle l'a encore informée de ce que 7 de ces anciens représentants l'avaient quittée pour Brandt en lui faisant connaître sa nouvelle équipe constituée de 8 commerciaux ;
Attendu qu'il n'est pas établi, que dans l'exercice de leurs nouvelles fonctions, les anciens salariés de Vestra auraient entretenu une confusion dans l'esprit de la clientèle, ou auraient dénigré les produits Maco, ou encore auraient frauduleusement utilisé des documents ou tarifs Maco, et que le fait que M. Noirjean ait pu indiquer à ses clients, que du fait de la suppression d'un intermédiaire (Vestra) les produits Brandt seraient vendus 20 % moins cher, ne constituent qu'un argument de vente qui ne peut être répréhensible ;
Attendu qu'enfin il n'est pas établi que Brandt, aurait tenté de désorganiser la société Vestra, en refusant d'honorer des commandes passées par ses anciens représentants pour la saison printemps-été 1993, mais qu'en réalité, les problèmes liés à la livraison de certains produits, ont été provoqués par le non paiement de certaines factures par Vestra, et par une incompréhension mutuelle liée à la rupture de leurs relations et à la reprise des anciens salariés de Vestra par Brandt ;
Attendu que s'agissant de la situation de M. Wurtz l'ancien chef des ventes de Vestra, qui a démissionné le 27 décembre 1992 avec un préavis de trois mois expirant le 31 mars 1992, rien n'établit que cette démission aurait été faite en concertation avec les membres de son ancienne équipe de vente, et dans le sillage de leur démission ;
Attendu que M. Wurtz, a dû pendant tout le conflit opposant les représentants à la direction de Vestra servir d'intermédiaire entre la direction et les représentants, et a oeuvré dans l'esprit préconisé par Vestra ;
Qu'il n'avait pas démissionné, pour rejoindre le réseau que Brandt venait de constituer, mais pour participer à la création d'une entreprise dans un autre secteur d'activité ainsi que le prouve l'attestation de M. Lux, et que c'est seulement alors qu'il effectuait son préavis et qu'il participait pour le compte de Vestra au salon SEHM de février 1993 qu'il a reçu des propositions de Brandt pour diriger une filiale française que Brandt se proposait de constituer ;
Que Brandt qui savait que M. Wurtz, n'était lié par aucune clause de non-concurrence, et qu'il était libre de tout engagement à compter du 31 mars 1993, n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ;
Que M. Wurtz était libre de démissionner, et pouvait sans faute de sa part d'accepter d'être engagé par un concurrent à la fin de l'exécution de son préavis ;
Attendu que d'ailleurs dans un arrêt définitif du 15 septembre 1997 la chambre sociale de la cour d'appel de Colmar, a retenu que la rupture de préavis par Vestra le 18 février 1993 était fautive, et a confirmé un jugement du conseil de Prud'Hommes de Haguenau qui avait alloué diverses sommes à M. Wurtz ;
Que la cour d'appel de Colmar avait d'ailleurs relevé qu'il n'était pas anormal alors que Vestra avait décidé de fermer définitivement l'établissement de Colmar, que M. Wurtz ait recherché un nouvel emploi et ait accepté l'offre de Brandt ;
Attendu qu'aucun fait de concurrence déloyale postérieurement à la rupture du contrat n'est établi à l'encontre de M. Wurtz, qui pouvait démarcher pour le compte de son nouvel employeur la clientèle commune à Brandt et à Vestra ;
Attendu qu'enfin c'est à juste titre et par des motifs que la Cour adopte que le premier juge a retenu que Brandt, n'avait pas offert aux anciens représentants une situation plus favorable que celle qui était la leur chez Vestra, en relevant notamment que le statut d'agent commercial était pour ces personnes beaucoup moins protecteur que celui de salarié, et que la commission d'agent commercial plus élevée que celle de VRP tenait compte de la différence de statut et de frais que les agents devaient supporter ;
Qu'il convient d'ajouter, que leur engagement en qualité d'agents commerciaux, les a exposés à des frais importants relatifs aux formalités de constitution d'une société et aux frais'de fonctionnement'de leur agence, ensemble d'éléments que Vestra ne prend pas en considération, se bornant à ne retenir que le pourcentage de commissions ;
Attendu que s'agissant de la reproduction à l'identique d'un modèle de surveste de la société Vestra (modèle 6566) que Brandt a commercialisé sous la référence modèle 700 surveste BASIC, qualifiée à la fois d'acte de contrefaçon et d'acte de concurrence déloyale par appropriation de la clientèle, il y a lieu également de rejeter la demande pour les motifs retenus par le premier juge qui ne sont pas sérieusement critiqués ;
Que c'est en effet à bon droit que le premier juge a relevé que ce modèle de surveste ne présentait aucun caractère d'originalité, marqué par l'emprunt de la personnalité de son auteur, et qu'il s'agissait d'un modèle banal caractéristique de la mode du moment ;
Qu'il s'agit en effet d'un modèle banal de surveste, commercialisé par tous les fabricants, dont les éléments caractéristiques que l'on retrouve dans les deux modèles sont l'existence de poches raglan surpiquées, le montage des manches type loden autrichien, un col en velours, une fermeture sous patte à pression ;
Que tous ces éléments pris isolément sont connus depuis longtemps dans le domaine du prêt à porter et se retrouvent sur de nombreux modèles, mais qu'il n'est ni soutenu, ni établi que ces différents éléments isolément connus, constitueraient une création originale du fait de leur assemblage ou de leur combinaison ;
Qu'au vu des pièces versées aux débats, il apparaît en effet que la combinaison de ces mêmes éléments se retrouve sur des blousons ou imperméables et entre ainsi dans la composition de différents vêtements selon la tendance de la mode du moment ;
Attendu que la société Vestra, ne peut se prévaloir de cette imitation pour soutenir qu'elle serait également constitutive de concurrence déloyale, sans se fonder sur des faits distincts susceptibles de caractériser cette action ;
Que le fait que cette surveste soit vendue à un prix inférieur ne peut en lui-même caractériser un acte de concurrence déloyale alors que rien n'établit que les produits seraient de qualité identique et que la diffusion sous sa propre marque d'un produit banal reflétant la tendance de la mode du moment, n'est pas de nature à créer une confusion dans l'esprit de la clientèle connue des deux sociétés ;
Attendu que le fait pour Brandt d'avoir fabriqué et mis en vente une veste comparable à celle fabriquée par Vestra, ne peut constituer un comportement parasitaire ayant pour but de s'accaparer la clientèle de Vestra, alors en premier lieu, que la clientèle visée a toujours vendu des produits Brandt sous la marque Maco, en second lieu, que Brandt qui est fabricant de vêtements depuis longtemps disposait de toute une gamme de produits Sportswear, et n'avait nullement besoin de se placer dans le sillage de Vestra, même si celle-ci avait été pendant de longues années son distributeur en France, et en troisième lieu que rien ne permet d'affirmer en l'absence de toute création originale que Brandt, aurait expressément copié le modèle Vestra pour s'économiser des frais de recherche ou de création ;
Attendu que dans ces conditions et pour les motifs non contraires des premiers juges que la Cour adopte le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande principale ;
2) SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA SOCIETE BRANDT ET DE M. WURTZ
Attendu que les circulaires du 22 décembre 1991, 4 janvier 1992, 25 février 1993, adressées par Vestra à ses clients pour les informer de la restructuration de son équipe de vente suite " à l'entrée de la maison Kempel dans le Vestra Groupe ", et à la cessation " de sa collaboration avec la maison allemande Brandt Sportive Mode " ne comportent aucun dénigrement de la société Brandt ;
Que le fait que Vestra ait le 22 décembre 1992 mentionné " qu'une refonte de nos équipes de vente nous permet maintenant de proposer une formule dans laquelle nous privilégions l'efficacité et la cohérence dans notre intérêt commun ", ne peut s'analyser comme des assertions dirigées contre la société Brandt dont elle diffusait à l'époque toujours les produits, mais simplement comme une tentative de justification pour ses clients de la restructuration qu'elle avait opérée ;
Attendu que la société Brandt ne rapporte pas la preuve que Kohler Prêt à Porter à Thann aurait annulé le 6 mai 1993 une commande, hiver 1993, passée le 22 février 1993 sous la pression de Vestra ;
Que selon la lettre d'annulation celle-ci était motivée " par la conjoncture économique particulièrement difficile " et qu'aucun élément autre qu'une note manuscrite de M. Noirjean ancien représentant de Vestra ne vient corroborer les pressions alléguées par Brandt ;
Attendu que c'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté la demande reconventionnelle, en dommages et intérêts ;
Attendu que dès lors que la société Brandt et M. Wurtz, ont estimé nécessaire pour s'opposer aux demandes, de déposer des conclusions de 34 pages, et des centaines de pièces annexes, il n'apparaît pas, au vu des éléments développés dans le présent arrêt et notamment des faits à l'origine de cette procédure, que celle-ci puisse être qualifiée d'abusive ou de dilatoire ;
Que la société Vestra n'a fait qu'user de son droit de soumettre un dossier difficile à la juridiction du second degré ;
Que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée ;
3) SUR LES DEPENS
Attendu que la société Vestra qui a succombé dans sa demande et son appel doit être condamnée aux dépens ;
Attendu qu'eu égard à la situation économique de la partie condamnée et de l'équité, il apparaît que les montants alloués par le premier juge aux défendeurs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sont justifiés ;
Attendu que dès lors que les parties ont débattu des mêmes éléments devant la Cour, les frais irrépétibles des intimés doivent être évalués à 15.000 F pour la société Brandt et M. Wurtz, et à 3.000F pour chacun des sept autres intimés.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré, Déclare les appels principal et incident recevables en la forme ; Au fond : Les rejette ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure d'appel abusive ; Condamne la société Vestra aux dépens d'appel ; La condamne à payer à la société Brandt et à M. Wurtz, la somme de 15.000 F (quinze mille francs), et à chacun des autres intimés, M. Jung, M. Delplace, M. Recher, M. Noirjean, M. Rodier, M. Tonati, M. Hurtado la somme de 3.000 F (trois mille francs) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute la société Vestra de sa demande d'indemnité de procédure.