CA Aix-en-Provence, 2e ch. com., 17 avril 2002, n° 01-02132
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Rossetti Serge & Fils (SARL)
Défendeur :
Reverdy (SARL), Rossetti
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dragon
Conseillers :
Mes Blin, Acquaviva
Avoués :
SCP Tollinchi-Perret-Vigneron, SCP Martelly-Maynard- Simoni, SCP Ermeneux-Champly-Levaique
Avocats :
SCP Loustaunau-Sabatier, Me Clément, SCP Rosé.
La SARL Rossetti Serge et Fils a relevé appel d'un jugement, rendu par le Tribunal de commerce de Draguignan le 26 mars 1996, et qui, statuant sur son action du chef de concurrence déloyale à l'égard de la SARL Reverdy, et l'appel en cause de cette société contre les époux Rossetti Hector, l'a déboutée de son action et a débouté la société Reverdy de son recours, condamnant en outre l'appelante à payer, en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile deux sommes de 3000 Frs aux défendeurs.
L'appelante expose qu'elle exerce depuis plus de 30 ans sur la ville de Draguignan le même commerce (articles funéraires) puis depuis une date plus récente, l'activité de pompes funèbres, et qu'elle a relevé que la société Reverdy, qui a acquis son fonds en 1991 des époux Hector Rossetti, utilisait le nom de Rossetti tant dans son papier à en-tête que sur ses chèques, l'annuaire téléphonique, son inscription au registre du commerce, sur son magasin, sur le minitel et ses annonces et affichages, y compris publicitaires où elle offre faussement des prestations, comme un crématorium.
Elle soutient que ces agissements constituent des faits de concurrence déloyale, et en violation de l'article 34 de la loi du 24 juillet 1966, qui n'autorise, dans la dénomination sociale, que le nom d'un ou plusieurs associés.
Elle fait valoir que la dénomination sociale ne peut se confondre avec le nom commercial et invoque un préjudice, son chiffre d'affaires ayant baissé depuis 1991, comme en fait état son expert comptable, et la confusion dans la clientèle entre sa société et la société Reverdy étant effective, selon une attestation d'une dame Pérona.
Elle demande en conséquence que soient ordonnées toutes mesures utiles pour faire cesser les actes de concurrence déloyales et la condamnation de son adversaire à lui payer les sommes de 45 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, et 2290 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SARL Reverdy conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelante à lui payer les sommes de 200 000 Frs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 50 000 Frs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle répond:
- que la société Rossetti Serge et Fils est irrecevable, car son nom commercial est "Les pompes funèbres Dracénoises",
- que la confusion n'est pas possible dés lors qu'elle s'intitule SARL Reverdy- Hector Rossetti,
- qu'à titre subsidiaire elle est fondée à obtenir de la part de son vendeur une réduction du prix et des dommages et intérêts de l'ordre de 250 000 Frs
- que l'attestation de Mme Pérona émane de la vendeuse de la société appelante et que l'évolution du chiffre d'affaires peut s'expliquer par la création d'autres entreprises exerçant la même activité.
Mme Marie Rose Veuve Rossetti, M. Richard. Rossetti et Mme Brigitte Rossetti, intervenant en qualité d'héritiers de M. Hector Rossetti, concluent à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation solidaire des sociétés Rossetti Serge et Fils et Reverdy à leur payer la somme de 15 000 Frs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Ils font valoir :
- que le texte visé n'exclut pas d'utiliser pour une dénomination sociale le nom d'un tiers, qui exploitait en son nom le fonds,
- que l'enseigne et le nom commercial ont été expressément cédés par leur auteur,
- que l'action récursoire aurait du être engagée à bref délais et que la somme demandée ne correspond pas à la valeur du nom commercial,
- que le préjudice de la société Reverdy n'est pas établi.
Motifs de la décision :
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée; en l'absence de moyen constitutif susceptible d'être relevé d'office, il convient de le déclarer recevable.
La société appelante invoquant l'existence de faits de concurrence déloyale, il lui appartient, en application des dispositions de l'article 1382 du Code Civil d'établir l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien entre ces deux éléments.
Or ni la violation de l'article 34 de la loi du 11 juillet 1985, qui prévoit qu'à la dénomination sociale d'une société à responsabilité limitée peut être incorporé le nom d'un ou plusieurs associés, n'est caractérisée, la disposition invoquée ne prohibant nullement l'usage du nom d'un tiers, ni l'abus de l'usage du nom Rossetti, l'acte de cession, versé aux débats, ayant prévu expressément dans la désignation des biens vendus" l'enseigne, le nom commercial,la clientèle et l'achalandage y attachés", et leurs vendeurs ayant accepté, au terme d'une attestation ultérieure également versée aux débats l'usage commercial de leur nom qu'ils utilisaient eux même dans leurs activités commerciales, comme en fait foi l'extrait du registre du commerce délivrée le 14 août 1997.
La société appelante ne saurait ainsi se prévaloir de l'exclusivité de cette dénomination, et imputer à faute à la société Reverdy son usage, d'autant plus que, comme le fait observer judicieusement l'intimée, la société Rossetti exerce elle même sous le nom commercial de "pompes funèbres dracénoises funerarium marbreries" , et alors qu'elle n'établit-nullement l'existence d'un risque de confusion, l'attestation versée aux débats, et qui émane d'une salariée, étant unique et non confortée par des témoignages de personnes étrangères ou de clients.
L'existence d'une faute ne saurait non plus résulter de la publicité pour des activités non exercées, la société intimée déclarant recourir à le sous-traitance, y compris auprès de l'appelante
Enfin, comme le fait encore remarquer à bon escient la société Reverdy, le graphique versé aux débats, dont l'origine n'est d'ailleurs pas certaine puisque son auteur n'est pas identifiable, et qui établit une comparaison entre les chiffres d'affaires de la société appelante, s'il pourrait permettre éventuellement de constater une baisse de 1992 à 1995, ne fournit aucune explication sur les raisons de cette évolution, et la création d'établissements concurrents n'est pas envisagée.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Rossetti Serge et Fils de ses demandes du chef de concurrence déloyale, et la société Reverdy de son recours, devenu inutile.
L'appelante n'ayant pas abusé de son droit de soumettre à une juridiction d'appel le litige ni fait un usage abusif de la procédure,
Vu les articles 696 et 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et la société Rossetti Serge et Fils succombant en définitive sur toutes ses demandes et son appel.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,
- Reçoit l'appel - Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré
- Y ajoutant, condamne la société Rossetti Serge et Fils à payer, en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile:
- à la SARL Reverdy , la somme de 1500 euros - aux consorts Rossetti , la somme de 1500 euros - Rejette toutes autres demandes - Condamne la SARL Rossetti Serge et Fils aux dépens, avec distraction, pour ceux d'appel, au profit des SCP Martelly- Maynard- Simoni et Ermeneux-Ermeneux-Champly, Avoués sur leur affirmation qu'elles en ont fait l'avance sans avoir reçu provision.