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Décisions

CA Orléans, ch. com., économique et financière, 13 janvier 2000, n° 98-00516

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SMPI (SARL), Amiot, Bonnefon, Bruggeman, Descartes, Pryet, Renoux

Défendeur :

CBI (SARL), Camara (SARL), Camara, Jousset (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Remery

Conseillers :

M. Puechmaille, Mme Boury

Avoués :

SCP Laval-Lueger, Me Duthoit-Desplanques

Avocats :

SCP Lavisse-Bouamrirene, Me Guerit.

T. com. Blois, du 5 déc. 1997

5 décembre 1997

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par la société SMPI et Messieurs Renoux Michel, Bonnefon Michel, Bruggeman Philippe, Pryet Michel, Descartes Bruno et Amiot Maurice, à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Commerce de Blois en date du 5 décembre 1997, qui a :

- constaté la violation de la clause de non-concurrence insérée dans les contrats d'agents commerciaux intervenus entre les établissement Corbier, aux droits desquels se trouve la SARL CBI et Messieurs Bonnefon, Bruggeman, Pryet, Descartes, Amiot, Renoux et Camara,

- en conséquence, condamné Messieurs Camara, Bonnefon et Pryet à verser à la SARL CBI la somme de 60.000 F et Messieurs Bruggeman, Descartes, Amiot et Renoux, la somme de 90.000 F chacun,

- dit et jugé que la SARL SMPI, les établissements Camara, messieurs Bonnefon, Bruggeman, Pryet, Descartes, Amiot, Renoux et Camara, se sont rendus coupables, à l'égard de la SARL CBI, d'actes de concurrence déloyale et de pratiques contraires aux règles du commerce,

- ordonné, sous astreinte de 1.000 F par jour, la cessation des agissements de concurrence déloyale incriminés,

- ordonné la publication du jugement,

- avant-dire-droit sur les autres demandes, ordonné une expertise confiée à Monsieur Couillaud et fixé à 5.000 F le montant de la provision qui devra être versée à la SARL CBI.

Il convient de rappeler que la société CBI exploite en vertu d'un contrat de location-gérance, un fonds de commerce de vente en gros et détail, d'entretien, de matériels de protection contre les incendies et notamment d'extincteurs.

Alléguant que ses agents commerciaux avaient rompu leurs relations pour pouvoir exercer une activité directement concurrente sous l'enseigne Établissements Camara ainsi qu'à travers la SARL SMPI constituée à cet effet, la société CBI a saisi le Tribunal de Commerce de Blois aux fins de voir constater la violation de la clause de non-concurrence insérée dans chacun des contrats de ses agents et les voir condamner à lui payer, outre les sommes forfaitaires prévues dans un tel cas, celle de 750.000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour les actes de concurrence déloyale prétendument commis par eux.

Les défendeurs se sont opposés à l'ensemble de ces demandes et se sont portés demandeurs reconventionnels en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que, pour la société SMPI, pour concurrence déloyale.

C'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement entrepris dont la société SMPI représentée en raison de sa mise en liquidation judiciaire. Par Maître Jousset ès-qualités de liquidateur de ladite société et Messieurs Renoux, Bonnefon, Bruggeman, Pryet, Descartes et Amiot poursuivent l'infirmation, demandant à la Cour de :

- mettre Monsieur Renoux purement et simplement hors de cause,

- prononcer la nullité de la clause de non-concurrence, compte tenu de l'absence de limitation géographique,

subsidiairement,

- réduire à un franc symbolique, l'indemnisation au titre de cette clause

- déclarer irrecevable, la demande de dommages-intérêts de la société CBI, dès lors qu'elle fait l'objet d'une clause spéciale contenue dans le contrat,

- constater en tout état de cause, l'irrecevabilité de cette demande engagée personnellement à l'encontre des associés de la société SMPI, seule la personne morale pouvant être attraite,

subsidiairement,

- débouter la société CBI de sa demande, dès lors qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute, ni du quantum du préjudice qu'elle allègue et encore moins d'un lien de causalité

en tout état de cause,

- condamner la société CBI à payer à Maître Jousset, ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SMPI, la somme de 50.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire, la somme de 100.000 F à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale,

- condamner la société CBI à payer Messieurs Bonnefon, Bruggeman, Descartes, Pryet, Amiot et Renoux la somme de 10.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire,

- la condamner au paiement de la somme de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens.

Dans des écritures postérieures, ils entendent se voir donner acte de ce qu'ils se désistent de leur appel à l'encontre de la société Établissements Camara.

La société CBI demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'elle se désiste tant de l'action par elle engagée à l'encontre des Établissements Camara que de celle engagée à l'encontre de Monsieur Camara Moridiéné et de ce qu'elle renonce expressément au bénéfice du jugement entrepris en ses dispositions concernant chacun d'eux.

Elle entend quant au fond voir confirmer ledit jugement et condamner Maître Jousset ès-qualités à lui payer la somme de 50.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle considère comme parfaitement valable la clause de non-concurrence litigieuse, dès lors que la seule exigence posée par la Loi du 25 juin 1991 est une limitation dans la durée.

Elle soutient que la somme forfaitaire prévue au contrat d'agent commercial en cas de non-respect de ladite clause, ne constitue pas une clause pénale mais s'analyse en une clause de dédit insusceptible d'être minorée.

Elle estime enfin que la concurrence déloyale est suffisamment établie par le nombre des pièces versées aux débats.

SUR CE:

Sur la clause de non-concurrence:

Attendu que l'examen de cette clause insérée dans tous les contrats conclus entre les agents commerciaux susnommés et les établissements Corbier aux droits desquels se trouve la société CBI, révèle que chacun des dits agents se voyait attribuer à peu près le même secteur géographique, composé en outre de 56 ou 57 départements (sur 95 départements pour la France Métropolitaine), totalement éclatés sur le territoire national, ce qui empêchait ces mêmes agents d'organiser une tournée de clientèle rentable; que la clause litigieuse les mettait donc dans l'impossibilité totale et matérielle de travailler;

Qu'infirmant le jugement entrepris, il convient de la déclarer nulle et de nul effet tant au regard des principes généraux du droit et notamment de celui de la liberté du commerce et de l'industrie, qu'au regard du statut particulier des agents commerciaux, et de débouter en conséquence la société CBI de sa demande d'allocation des sommes forfaitairement prévues pour sanctionner la violation de ladite clause.

Sur les actes de concurrence déloyale:

Attendu qu'il convient tout d'abord de mettre hors de cause Monsieur Michel Renoux, qui a cessé toute activité dans le domaine de la distribution des extincteurs ;

Queles attestations versées aux débats par la société CBI ne permettent pas de démontrer l'existence de faits précis de concurrence déloyale imputables aux autres appelants ; qu'il n'est pas anormal en particulier que les anciens agents commerciaux des établissements Corbier devenus CBI, continuent de démarcher la clientèle dont ils étaient déjà titulaires avant qu'il n'intègrent ces mêmes établissements;

Qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accueilli en son principe la demande d'indemnisation pour actes de concurrence déloyale formée à l'encontre des appelants par la société CBI, et en ce qu'il a décidé de recourir à une expertise pour déterminer le préjudice de cette dernière alors qu'une mesure d'instruction ne peut en aucun cas être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve;

Qu'inversement, les incidents isolés invoqués par ces mêmes appelants à l'encontre de la société CBI, à les supposer établis, ne sauraient être assimilés à une pratique généralisée et constante de nature à engager la responsabilité de ladite société pour concurrence déloyale ; qu'ils doivent être déboutés de ce chef de prétention.

Sur les demandes accessoires et les dépens :

Attendu qu'en l'espèce, ni la preuve du caractère dolosif de l'action intentée par la société CBI, ni celle d'un préjudice actuel et certain subi par les appelants, ne sont rapportées ; que ceux-ci doivent être déboutés de leur demande de dommages-intérêts ;

Qu'il serait en revanche inéquitable de les laisser supporter la charge de leurs frais irrépétibles en cause d'appel, qui seront fixés à 15.000 F ;

Que la société CBI qui succombe, aura la charge des dépens de l'instance.

Par ces motifs, LA COUR, Donne acte à la société CBI de son désistement d'action à l'encontre des établissements Camara et de Monsieur Moridiéné Camara, ainsi que de sa renonciation expresse au bénéfice du jugement entrepris en ses dispositions concernant chacun d'eux, Donne acte aux appelants de ce qu'ils se désistent de leur appel à l'encontre des établissements Camara et des héritiers de feu Monsieur Moridiéné Camara, constate que la société CBI vient aux droits des établissements Corbier, Constate que Maître Jousset intervient à la cause ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SMPI, Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Statuant à nouveau, Met hors de cause Monsieur Michel Renoux, Déclare nulle et de nul effet la clause de non-concurrence invoquée par la société CBI au soutien de ses demandes en paiement ; Les rejette en conséquence, ainsi que celle en dommages-intérêts pour actes de concurrence déloyale, Déboute les parties du surplus de leurs prétentions, Condamne la société CBI à payer aux appelants et à Maître Jousset ès-qualités, ensemble, la somme de 15.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la même aux entiers dépens de première instance et d'appel, Accorde pour ces derniers à la SCP Laval-Lueger, avoués associés, le droit prévu à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.